Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
P

polonaise

Danse de cour à trois temps, de caractère solennel.

Si cette sorte de marche, d'une grande noblesse, est effectivement d'origine polonaise, ce sont les compositeurs allemands du XVIIIe siècle, dont Telemann et J.-S. Bach, qui ont le plus contribué à la répandre en tant que genre musical. Ils ont été relayés au concert par Chopin et par Liszt, puis, au théâtre, par Tchaïkovski et Rimski-Korsakov, notamment.

polychoralité

Réunion en polyphonie de plusieurs chœurs personnalisés.

Le terme est peu usuel.

Polynésie

La musique polynésienne est très difficile à définir, car elle a presque complètement disparu au cours de la rapide mutation culturelle qui s'est opérée au XIXe siècle lors de la colonisation (et plus particulièrement sur l'initiative des missionnaires interdisant toute manifestation du paganisme).

   La musique polynésienne était presque exclusivement vocale, le rôle des instruments étant limité à l'accompagnement ou au signal sonore (langage tambouriné). Ces instruments avaient une très petite tessiture, ne dépassant pas la quarte juste. On rencontrait des aérophones, quelques membranophones et de nombreux idiophones. Le seul instrument à corde semble avoir été un arc musical, assez proche de la guimbarde (ukéké à Hawaii, utété aux îles Marquises). Les aérophones comprenaient surtout des flûtes droites et traversières, nasales ou buccales et en bambou généralement (vivo, flûte nasale assez répandue, ohe, hokio, ainsi que le koauau des Maoris, souvent fait d'os humain), des flûtes de Pan, des sifflets, utilisés en général par les enfants (ute à Tahiti, ki aux Marquises, pu-a à Hawaii, réhu en Nouvelle-Zélande) et des trompes faites, le plus souvent, de conques marines et destinées à la signalisation, très développées chez les Maoris (pu-muana, pu-taino, trompe de guerre putura-putura). On rencontrait également à Hawaii et en Nouvelle-Zélande des rhombes et des diables (oeoe à Hawaii). Il est intéressant de noter que les instruments à anches semblent avoir été inconnus des Polynésiens. Parmi les membranophones, on trouvait presque exclusivement des tambours de toute taille, dont la membrane était constituée d'une peau de requin et dont le nom était, la plupart du temps, pahu (pahu-ute-ari'i, pahi-nui, pahu-nui a te toa, pahu-'upa'upa… à Tahiti, pahu méae, pahu ua, pahu topeté aux îles Marquises, pahu hula à Hawaii).

   Il faut aussi citer le to'ere tahitien, réservé aux sacrifices humains, et le petit tambour tutu des îles Marquises. Ces tambours étaient presque toujours battus des deux mains. On rencontrait aussi à Hawaii une petite timbale en noix de coco, le puniu. Il existait des idiophones en tout genre, en particulier à Hawaii : bâtons entrechoqués (o le polutu aux Samoa et Tonga, ka'la'au et ka'éké'éké à Hawaii), claquettes (pu'ili hawaiien), xylophones (pahu kou hau marquisien, ihara tahitien), gong de guerre (pahu maori), calebasses jetées par terre (hula ipu hawaiien, ka'ara des îles Cook) ou remplies de gravier (ulili et uli-uli hawaiien), pierres entrechoquées ou frappées du pied (hula-ili-ili hawaiien et macas de l'île de Pâques). La guimbarde se rencontrait dans toute la Polynésie (titapu marquisien, utété à Tonga, Samoa et Futuna, niau-kani à Hawaii, mokena ou tofakofe à Tonga, roria en Nouvelle-Zélande).

   Cette musique s'accompagnait très souvent de mouvements du corps au moins, sinon de danses, et les danses étaient toujours chantées.

   Elle se caractérisait en outre par un ambitus mélodique très petit. On peut dégager trois types de mélodies dans les chants traditionnels : un premier qui gravite autour d'une note centrale (oro), un autre évoluant dans les limites d'une quarte et favorisant la tierce mineure (de loin le plus fréquent) et un troisième type, plus rare, établi par la superposition de tierces. Le caractère imprécis de la mélodie était accentué par l'accord des instruments, tout à fait empirique (les Polynésiens, en effet, ne connaissaient pas le procédé de division de l'octave), et par l'importance extrême accordée au timbre (usage fréquent de falsetto, sons caverneux, soupirs, sanglots, râles, gémissements, aspirations et expirations violentes et rauques). Certains chercheurs ont donc cru pouvoir y déceler la présence de micro-intervalles. La musique polynésienne étant vocale et liée au langage, elle accordait en conséquence un rôle prépondérant au rythme, issu de la prosodie polynésienne et qui épousait les moindres inflexions du discours verbal. L'accompagnement se caractérisait par des formules rythmiques binaires ou ternaires très brèves, répétées inlassablement et constituant une sorte de base ou bourdon rythmique. On comprend donc l'importance des instruments à percussion. La polyphonie existait principalement sous forme d'antiphonie (dans les îles Marquises, en particulier) entre deux groupes choraux, un soliste et un chœur ou deux solistes (chez les Pascuans, par ex.) et on pouvait observer quelques procédés de tuilage. Les bourdons sont fréquents, surtout dans les himénés, et peuvent se présenter sous forme de pédale rythmique ou mélodique.

   À l'heure actuelle, la musique polynésienne constitue un genre hybride destiné à satisfaire les touristes en quête de sensations exotiques sans toutefois les choquer trop. Ainsi le tamouré, sorte de danse érotique assez récente, jouit d'un succès indiscutable. Il est intéressant de noter que les instruments « folkloriques » actuels sont surtout des instruments à corde, genre pourtant très peu développé auparavant en Polynésie. L'hukulélé hawaiien, par exemple, est une sorte de mandoline d'origine portugaise. Il est, malheureusement, à craindre que ce phénomène ne soit irréversible, car cette musique, dite néopolynésienne, est la seule enregistrée et diffusée sur les ondes, et les caractéristiques culturelles purement indigènes sont de plus en plus rares.

polyphonie

Par opposition à monodie, se dit en principe de toute musique où se font entendre simultanément plusieurs parties différentes. Toutefois, le terme s'emploie surtout lorsqu'on veut mettre en relief le fait que ces parties, qu'elles s'accordent ou non harmoniquement, sont mélodiquement indépendantes, ce qui oppose polyphonie à hétérophonie, où l'une des voix est une variante d'une autre, ou bien dont la polyphonie résulte d'accidents d'exécution, conscients ou non, sans qu'il y ait vraiment conception d'une voix différente. Le terme implique aussi que toutes les voix ont une valeur mélodique individuelle, ce qui oppose la polyphonie à la monodie accompagnée.

   Le terme est très employé en ethnomusicologie ; en musique classique, on l'emploie surtout pour les périodes où le contrepoint avait prééminence sur l'harmonie, c'est-à-dire pour celles qui ont précédé la basse continue (Moyen Âge et Renaissance). Au-delà, son emploi devient exceptionnel et ne s'applique plus guère qu'aux passages écrits dans un style particulièrement contrapuntique.

   À ses origines écrite (IXe s.), la polyphonie n'était guère qu'un artifice quelque peu fonctionnel de solennisation ou d'ornementation des textes monodiques préexistants, liturgiques ou non. Sans abandonner cette fonction, elle n'a cessé de progresser jusqu'à devenir une œuvre d'art d'abord (la mutation se produit à peu près avec l'école de Notre-Dame de Paris, à la fin du XIIe s.), un art autonome ensuite, dont la musique occidentale, contrairement à d'autres, a fait le fondement même de sa technique et la base de son développement, qui lui assure l'essentiel de sa spécificité, face notamment aux musiques primitives ou orientales pour lesquelles, lorsqu'elle existe, la polyphonie ne joue qu'un rôle secondaire et souvent négligeable.