Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
V

violone

Ce terme, augmentatif italien du mot viola, désigne l'instrument le plus grave de la famille des violes, sonnant à l'octave inférieure de la basse. Monté à l'origine de six cordes, comme la plupart des violes, il n'en a finalement conservé que trois ou quatre pour se confondre avec la contrebasse moderne, qui, malgré la disparition des frettes, s'apparente aux violes plus qu'aux violons. En italien, violone signifie également contrebasse.

Viotti (Giovanni Battista)

Violoniste et compositeur italien (Fontanetto da Po 1755 – Londres 1824).

Élève de Pugnani, ce qui fit de lui le dernier grand représentant d'une tradition violonistique remontant à Corelli, il fut violoniste dans l'orchestre de la cour de Turin de 1775 à 1780. En 1780-81, il accompagna Pugnani dans une tournée européenne, puis arriva seul à Paris, débutant au Concert spirituel le 17 mars 1782, et s'imposant immédiatement comme le premier violoniste de son temps. Il resta dans la capitale française jusqu'en 1792, entrant au service de Marie-Antoinette en 1784, dirigeant quelque temps l'orchestre du prince de Rohan-Guéménée, prenant en 1788, grâce au patronage du comte de Provence (futur Louis XVIII), la direction d'un nouveau théâtre d'opéra, le théâtre de Monsieur (plus tard théâtre Feydeau). À l'issue de ces années parisiennes, il avait à son actif dix-neuf de ses vingt-neuf concertos pour violon.

   En juillet 1792, il se réfugia à Londres, faisant ses débuts à un concert de Johann Peter Salomon le 7 février 1793. Durant la saison 1794, il participa aux mêmes concerts que Haydn, et pour celle de 1795, assuma la direction d'une nouvelle entreprise, l'Opera Concert (c'est là que furent créées les trois dernières symphonies de Haydn, nos 102 à 104).

   Accusé de menées jacobines, il dut quitter l'Angleterre pour Hambourg en 1798, mais en 1801 au plus tard, il était de nouveau à Londres. Il abandonna alors la musique pour se livrer au commerce du vin. Il fut néanmoins l'un des fondateurs, en 1813, de la Royal Philharmonic Society. Ayant fait faillite en 1818, il fut nommé par Louis XVIII directeur de l'Opéra de Paris, mais il démissionna en 1821 et retourna à Londres en 1823.

   Comme violoniste, Viotti peut être considéré comme le fondateur de l'école française de violon de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe (Rode, Kreutzer, Baillot). Le premier des trois fut son élève, les deux autres comptèrent parmi ses disciples, et la Méthode de violon de Rode, Kreutzer et Baillot (1803) ainsi que l'Art du violon, nouvelle méthode de Baillot (1834) reflètent largement ses principes.

   Le jeu de Viotti était large et puissant. Comme compositeur, il écrivit essentiellement pour son instrument. On ne possède de lui aucune œuvre pour le théâtre, et ses quelques airs sont d'importance secondaire. Quant à ses pages pour piano, ce sont des arrangements, sauf peut-être les trois sonates op. 15. Ses duos pour deux violons, ses trios pour deux violons et basses, ses sonates pour violon et basse et ses quatuors à cordes (ces derniers relèvent du genre quatuor concertant et font la part belle au premier violon) ne manquent pas de valeur, mais son importance réside essentiellement dans ses vingt-neuf concertos. Les dix derniers, écrits à Londres, en particulier le 21e en mi majeur (avec lequel il fit ses débuts dans cette ville), le 22e en la mineur (ressuscité dans la seconde moitié du XIXe siècle par Joseph Joachim), et le 24e en si mineur (1795), témoignent des mêmes qualités dramatiques que les précédents, mais aussi d'une orchestration plus fournie et d'un lyrisme jusqu'alors inhabituel.

Virdung (Sebastian)

Théoricien et compositeur allemand (Amberg 1465 – ? ).

Immatriculé à l'université de Heidelberg en 1483, il entra quelques années plus tard au service de la chapelle du Palatinat. Après un bref service auprès du duc de Wurtemberg, il fut engagé en 1507 à la cathédrale de Constance. Il abandonna cet emploi en 1508. Sa Musica getutscht publiée à Bâle en 1511 est le premier traité en langue allemande consacré aux instruments de musique. Son principal objet constitue l'analyse pratique des notations instrumentales spécifiques à l'orgue, au luth et à la flûte.

virelai

Forme de chanson en usage en France, apparue vers la fin du XIIIe siècle, répandue surtout au cours du XIVe, puis à une moindre fréquence au cours du XVe.

Bien que les explications concernant sa provenance soient contradictoires, il semblerait que l'origine en soit hispano-arabe, et que le virelai s'apparente au villancico resté en usage en Espagne.

   Sensiblement contemporain de la ballade et du rondeau, le virelai représente une forme plus modeste et plus réduite. Guillaume de Machaut le définit comme une « chanson balladée ». La forme type du virelai est ABB'A'A, répétée plusieurs fois : un refrain, deux couplets de textes différents mais musicalement identiques, un refrain de texte différent mais musicalement identique au premier, et reprise du refrain initial, servant de jonction à de nouveaux couplets. G. de Machaut est l'auteur de trente-trois virelais, monodiques dans la majorité des cas, plus rarement polyphoniques (à deux voix).

   Du point de vue littéraire, le virelai est généralement un texte d'amour courtois.

virginal

Terme désignant en Angleterre, vers l'an 1600, tous les instruments à clavier et à cordes pincées.

Ce n'est que plus tard que sera établie la distinction entre « harpsichord » (clavecin) et « virginal » (qui deviendra synonyme d'épinette, instrument à un seul registre, sorte de petit clavecin portatif). L'origine du terme serait selon les uns le mot « virga » (sautereau), selon les autres le fait que l'instrument, le plus souvent en forme de boîte rectangulaire avec clavier sur le côté, était généralement joué par des jeunes filles. On ne saurait en tout cas y voir une allusion à la « reine vierge » (Élisabeth).

   En tant qu'instrument, le virginal n'est d'ailleurs pas d'origine anglaise, et beaucoup, au XVIe siècle, sont fabriqués aux Pays-Bas. Mais sa musique appartient bien à l'Angleterre, qui donne ainsi naissance, par-delà l'influence d'un Cabezón, par exemple ­ venu en 1554 dans la suite de Philippe II à la cour de la reine Mary, où il a introduit le nouveau style espagnol, en particulier la variation ­, à la première grande école de compositeurs pour clavier occidentale, celle des virginalistes.

   Le premier musicien à composer pour le virginal est sans doute Hugh Atson († 1552), et le plus grand très certainement John Bull (1563-1628), dont les œuvres dénotent une virtuosité d'autant plus extraordinaire qu'à l'époque, le passage du pouce étant encore chose inconnue, on ne joue le plus souvent qu'avec trois doigts de chaque main. Immédiatement après lui se situent William Byrd (1543-1623), dont environ cent cinquante pièces nous sont parvenues, Thomas Morley (1557-1603), Orlando Gibbons (1583-1625) et Giles Farnaby (v. 1565-1640), qui, parfois, contrairement à Bull, ne se débarrassent pas du style de la musique vocale, et donc écrivent moins bien pour l'instrument.

   De fait, en ses débuts, la musique pour virginal consiste principalement en arrangements et transcriptions de pièces vocales. Mais de plus en plus, on exploite les possibilités et les effets particuliers de l'écriture pour clavier (traits virtuoses, gammes arpèges, notes répétées, larges écarts de la main droite annonçant curieusement Domenico Scarlatti). Les deux plus importants recueils édités de pièces pour virginal sont, au début du XVIIe siècle, le Parthenia, édité en 1611, et le Fitzwilliam Virginal Book, important manuscrit de 416 pièces (de John Bull, William Byrd, Thomas Morley, Peter Philipps, Thomas Tallis, John Dowland, Giles Farnaby et bien d'autres), confectionné avant 1630 et légué en 1816 par un riche collectionneur à l'université de Cambridge, qui le publiera en 1899.

   De ces trésors, quatre genres principaux (outre les transcriptions de pièces vocales) se dégagent : la variation sur des mélodies de plain-chant, des airs de danse ou des chansons populaires (comme celles sur John kiss me now de Byrd ou sur Walsingham de Bull) ; la fantaisie, exercice de virtuosité contrapuntique ; la danse (pavane et gaillarde surtout) ; et les œuves de musique descriptive, comme la Bataille (Mr. Byrd's Battle) ou les Cloches (The Bells) de Byrd, ou encore The Duke of Brunschwig et The Duchess of Brunschwig de Bull. Le dernier grand virginaliste, Thomas Tomkins (1572-1656), utilisera en outre dans ses variations le procédé de la basse obstinée, plus tard repris par Purcell.