Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
C

Chopin (Frédéric) (suite)

Le phénomène Chopin

Si l'on considère maintenant l'extraordinaire postérité de Chopin en regard de la triple revendication de celui-ci ­ choix du piano contre la collectivité orchestrale, choix des petites formes contre l'opéra ou la symphonie, choix enfin d'un cercle restreint de fidèles et d'admirateurs ­, on ne pourra que s'étonner de l'éclatement de ce cadre volontairement limité et de la diffusion toujours plus grande de l'œuvre. Pas de traversée du désert pour cette dernière, pas de retombée de cet engouement au-delà des images légendaires du musicien agonisant, qu'on peut tenir désormais pour anecdotiques et marginales.

   Ce qui frappe aujourd'hui, quand on examine le phénomène Chopin dans le monde, dégagé d'un certain contexte morbide passé à l'arrière-plan, c'est son extrême vitalité. Point tant parce que la Pologne a fait de Chopin un héros national, mais parce qu'il reste, au plus haut niveau, par ses œuvres, une sorte de test, aussi bien pour les jeunes virtuoses au début de leur carrière et voulant se situer sur la scène internationale que pour les gloires confirmées du clavier, lesquelles, d'une génération à l'autre, se sont transmis le flambeau.

   De Liszt à Anton Rubinstein et à Paderewski, de Cortot à Horowitz et à Lipatti, Chopin n'a jamais cessé d'être servi, en effet, par les plus grands interprètes. Il reste encore à travers le monde un des musiciens les plus joués en concert. Et, bien entendu, un des plus enregistrés. Au catalogue des grandes gravures historiques, un ensemble d'intégrales monumentales permet non seulement de comparer au plus haut niveau des interprétations remarquables, souvent opposées (Claudio Arrau ou Horowitz), mais également de faire apparaître la diversité, l'énorme pouvoir de renouvellement de l'œuvre.

   L'attrait que cette œuvre exerce sur le public et sur les jeunes pianistes apparaît dans l'intérêt international soulevé depuis 1927 par le concours Chopin de Varsovie. Pour l'année 1980, le nombre de demandes d'admission, venant de 21 pays, a dépassé 200 candidats : 171 ont été retenues parmi ces très nombreuses demandes.

   Si Bayreuth ou Salzbourg contribuent à maintenir le culte d'une œuvre donnée au niveau de la perfection en recourant pour chaque festival à des interprètes déjà mondialement reconnus et confirmés, le concours de Varsovie, en fixant la limite d'âge à 32 ans, s'emploie à unir le prestige et la défense de l'œuvre de Chopin en révélant de nouveaux talents dans une compétition largement internationale, véritable compétition olympique dans le domaine du piano.

   Des noms comme celui de Chostakovitch, d'Uninski, de Malcuzinski, avant-guerre, et, plus récemment, d'Harasiewiecz, d'Ashkenazy, de Pollini, de Marta Argerich et de Zimmermann suffisent à en souligner l'importance et l'impulsion qu'il peut donner à un jeune virtuose. Longtemps la prééminence des Russes et des Polonais a semblé être la règle. La compétition est de plus en plus ouverte, et l'apparition de l'Iran et de la Chine, mais, surtout, la percée des pianistes japonais prouvent à quel point le phénomène Chopin échappe aux limites culturelles du monde occidental. L'écho de cette œuvre et de cette grande voix intérieure a trouvé sa vraie dimension au-delà des limites que peut-être l'artiste a désirées et qu'il jugeait les plus favorables à sa propre survie et à son propre épanouissement.

Chopin (Henri)

Compositeur français (Paris 1922).

Polyvalent et cosmopolite, semant, au cours de ses tournées et de ses voyages, concerts, expositions, essais, romans, poèmes, films expérimentaux, il est un des principaux auteurs de « poésie sonore » ultralettriste enregistrée. Par rapport à ses pairs dans cette technique (Bernard Heidsieck ou François Dufrene) qui utilisent généralement la bande magnétique comme un simple support, une « mémoire » objective de leurs travaux, son originalité fut d'utiliser dès le début les manipulations électroacoustiques pour transformer le matériau vocal.

choral

L'adjectif s'applique à tout ce qui concerne les chœurs : musique chorale, formation chorale. Par extension, le substantif est employé pour ensemble choral, chœur. Mais le terme de choral désigne deux formes musicales précises : d'une part les cantiques luthériens, qu'ils soient à l'unisson ou harmonisés, d'autre part les pièces pour orgue basées sur ces mélodies de cantiques.

   Les premiers recueils de chorals luthériens furent publiés dès 1524, aux tout débuts de la Réforme. Luther ayant fondé la pratique cultuelle de la religion nouvelle sur le chant collectif, à la maison ou au temple, il entreprit aussitôt, avec plusieurs collaborateurs, de rédiger les poèmes de ces cantiques ­ chants de louange, d'enseignement, paraphrases du dogme, psaumes. La musique de ces cantiques fut soit composée spécialement (Luther lui-même y participa, avec Agricola, Heyden, Walter, etc.), soit, souvent, empruntée à des mélodies existant antérieurement ­ plain-chant, mélodies religieuses, chansons profanes. Le style musical des chorals est de caractère populaire, d'intonation facile et de carrure marquée, en phrases courtes correspondant à des vers généralement de huit pieds, avec ponctuation régulière en fin de phrase. Ce style populaire et cette simplicité de chant ont contribué au succès rapide des chorals, diffusés par de très nombreux recueils imprimés. La composition des chorals s'est poursuivie tout au long des XVIe et XVIIe siècles, en particulier pendant la guerre de Trente Ans ; les œuvres écrites par la suite en ont souvent dénaturé le caractère, et l'Église luthérienne est revenue, aujourd'hui, à ses vieux chants authentiques.

   Dès le XVIe siècle, le choral, comme d'ailleurs le psaume, qui en est l'équivalent dans l'Église protestante française, a fait l'objet d'harmonisations à plusieurs voix, mais préservant la simplicité d'exécution pour les assemblées de fidèles. Également très répandu, le genre fut illustré par des compositeurs comme Schein, Praetorius, Franck ou Hassler au XVIe siècle. C'est ce type de choral qui ponctue les cantates d'église de Bach.

   Les mélodies de chorals et les textes religieux qui y sont attachés ont si fortement imprégné la sensibilité du monde culturel luthérien, que les compositeurs ont très tôt pris l'habitude de les citer dans leurs œuvres, souvent en cantus firmus. Le procédé a d'ailleurs dépassé le domaine d'expression germanique et de foi protestante. C'est ainsi que l'un des chorals fondamentaux de l'Église réformée, Ein feste Burg ist unser Gott (« C'est une puissante forteresse que notre Dieu »), circule dans toute la musique religieuse luthérienne (chez Bach, à de nombreuses reprises), mais aussi dans des œuvres symphoniques ou théâtrales comme la Symphonie no 5 de Mendelssohn (« Réformation »), l'ouverture des Huguenots de Meyerbeer ou l'Histoire du Soldat de Stravinski.

   À l'orgue, le choral a été traité de diverses manières, soit pour introduire (« préludes de choral »), soit pour commenter (chorals variés) le chant du choral par l'assemblée. La mélodie du choral est exposée et accompagnée en un contrepoint dont les éléments rythmiques, harmoniques et mélodiques illustrent de façon souvent figurée et poétique les thèmes liturgiques et les intentions religieuses exprimées par le texte du choral. Le thème du choral se prête aussi à être traité en sujet de fugue, en fantaisie ou en partita : la mélodie, exposée en harmonisation simple, fait ensuite l'objet de variations (une par strophe de texte). Le chef-d'œuvre du choral varié est les variations canoniques sur Vom Himmel hoch de J. S. Bach. Schein, Scheidt, Sweelinck, Buxtehude, Pachelbel, J. S. Bach surtout, ainsi que leurs élèves, ont été parmi les principaux compositeurs de chorals pour orgue. On a continué à en écrire au XIXe et au XXe siècle (Brahms, Reger) ; mais certaines pièces de ce nom, comme les trois chorals de César Franck, n'utilisent pas de mélodie de choral et ne se réfèrent pas à l'un des types de chorals d'école.