Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
B

Berlioz (Hector) (suite)

La modernité de Berlioz

Berlioz est essentiellement un musicien de rupture. Il y a dans son œuvre des moments où sa fougue créatrice anticipe étrangement sur les audaces de la musique du XXe siècle. Berlioz annexe des territoires encore vierges, ne s'embarrasse pas de contraintes, ne redoute pas la démesure. Peu lui importent les moyens, seul compte ce qu'il a à dire, et cette volonté d'aller jusqu'au bout de ce qu'il doit exprimer entraîne la découverte de moyens nouveaux qui élargissent le domaine du compositeur. Une orchestration « moderne », où le timbre, la couleur, la dynamique jouent un rôle prépondérant dans l'expression musicale, le sens du modal qui enrichit l'harmonie et affine la mélodie, une conception toute personnelle du contrepoint qui lui permet de superposer des éléments très différenciés, créant une sorte de simultanéité qui lui appartient en propre, le recours à la stéréophonie, telles sont quelques-unes des conquêtes de Berlioz, mais elles n'ont force d'évidence que parce qu'elles sont apparues dans des chefs-d'œuvre (Symphonie fantastique, Requiem, Harold en Italie, Roméo et Juliette, la Damnation de Faust, les Troyens).

   On n'oubliera pas enfin que Berlioz fut un remarquable écrivain et un excellent critique musical. Ses passionnants Mémoires et ses livres sur la musique en témoignent.

Berman (Lazar)

Pianiste russe (Leningrad 1930 – Florence 2005).

Élève d'abord de sa mère, enfant prodige (il se produit pour la première fois en public à l'âge de sept ans), il n'entre qu'en 1948 au Conservatoire de Moscou, où il étudie avec Goldenweiser, Richter et Sofronitzki. Lauréat de plusieurs concours internationaux, dont en 1956 le Concours Reine Élisabeth de Belgique, il devient en U.R.S.S. l'un des pianistes les plus réputés de sa génération, pour sa virtuosité exceptionnelle et la clarté de son jeu. Pendant vingt ans, sa carrière se déroule presque uniquement en U.R.S.S. En 1976, son enregistrement du 1er concerto de Tchaïkovski sous la direction de Karajan le fait connaître hors de son pays et dans toute l'Europe. De même que Richter, Sofronitzki ou Guilels, il est l'un des très grands représentants de l'école russe de piano. Depuis la fin des années 1970, il se produit dans le monde entier.

Bernac (Pierre Bertin, dit Pierre)

Baryton français (Paris 1899 – Villeneuve-lès-Avignon 1979).

À partir de 1933, il se consacra exclusivement à la mélodie et, accompagné au piano par Francis Poulenc dont beaucoup d'œuvres furent créées par lui, il constitua avec le compositeur un duo exceptionnel qui contribua beaucoup à la diffusion de la mélodie française dans le monde entier. L'art d'interprète de Bernac fit de lui l'un des grands noms dans le difficile domaine de la « parole en musique ». Il fut professeur à l'université Howard de Michigan et au conservatoire américain de Fontainebleau, avant de poursuivre son activité de pédagogue à Londres et à Saint-Jean-de-Luz, notamment.

Bernaola (Carmelo Alonso)

Compositeur espagnol (Ochandiano, Vizcaya, 1929).

Il a fait ses études au conservatoire de Madrid et obtenu le prix national de la musique en 1962 et celui des Jeunesses musicales en 1967. Il a également travaillé à Rome avec Goffredo Petrassi et, à Darmstadt, avec Bruno Maderna. Parti d'une phase néoclassique, illustrée notamment par le Piccolo Concerto pour violon et orchestre à cordes (1959), il a évolué ensuite vers l'atonalité, sous le signe à la fois du sérialisme et de l'improvisation : en témoignent Superficie no 1 pour double quatuor d'instruments à cordes et d'instruments à vent (bois), piano et percussion (1961), Superficie no 2 pour violoncelle solo (1962, rév. 1965), Superficie no 3 pour flûte piccolo, saxophone alto, xylophone et bongos (1963), et Espacios variados pour grand orchestre (1962, rév. 1969). Heterofonias pour grand orchestre (1965, rév. 1967) est d'une conception plus abstraite, et influencée par les arts plastiques, alors que dans Impulsos pour grand orchestre (1970-1972) on retrouve certaines polarisations harmoniques ou formelles traditionnelles. Clarinettiste, Bernaola a écrit pour son instrument Oda für Marisa pour clarinette, cor et orchestre de chambre (1970), Argia Ezta Ikusten pour clarinette, vibraphone, piano et percussion (1973), et Superposiciones variables pour clarinette et 2 magnétophones (1975). On lui doit encore de nombreuses musiques de scène ­ pour les Femmes savantes, Lysistrata, Hedda Glaber, le Roi Lear ­ et de nombreuses musiques de film, et il a reçu à ce titre, de l'Association des compositeurs de cinéma, le prix de la meilleure musique en 1967, 1969 et 1972.

Bernard (Robert)

Compositeur et musicologue suisse (Genève 1900 – Paris 1971).

Après des études musicales à Genève, il se fixa à Paris en 1926. Pianiste, organiste, conférencier, professeur à la Schola cantorum, directeur de la Revue musicale, président ou animateur de nombreuses associations, Robert Bernard se dévoua totalement à la cause de la musique. Il est l'auteur d'une œuvre de style néoromantique, pour orchestre, pour des formations de chambre et pour la voix. On lui doit d'autre part de nombreux ouvrages de musicologie, notamment une Histoire de la musique (3 vol., Paris, 1961-1963).

Bernard (saint)

Théologien français appartenant à l'ordre de Cîteaux (château de Fontaine, près de Dijon, v. 1090 – Clairvaux, Aube, 1153).

Il n'était pas musicien au sens propre du mot, mais, par son esthétique de dépouillement et d'austérité, il provoqua dans la liturgie de l'ordre cistercien une série de restrictions : mélismes amputés, mélodies appauvries, ambitus réduit à dix notes au plus pour respecter la parole du psalmiste qui évoque son « psaltérion à dix cordes ». Saint Bernard est également cité comme l'auteur du Salve Regina, mais l'expression doit s'entendre au sens littéraire et non musical.

Bernard de Ventadour

Troubadour occitan (château de Ventadour, Corrèze, v. 1125 – abbaye de Dalon, Dordogne, v. 1195).

C'est un des rares troubadours d'origine roturière. Il eut pour maître et protecteur Eble II, seigneur de Ventadour, qui lui enseigna l'art de « trouver ». Il tomba amoureux de Marguerite de Turenne, puis d'Aliénor d'Aquitaine, qui lui accorda sa protection. Il voyagea beaucoup en France et suivit sa maîtresse en Angleterre, où il séjourna à la cour d'Henri II. Il entra au service de Raimond IV, comte de Toulouse, avant de devenir moine à l'abbaye de Dalon. De ce très grand poète, il nous reste 45 textes, dont une vingtaine de chansons notées, presque toutes des chansons d'amour dans lesquelles la musique vient renforcer l'extrême beauté de chaque image. Bernard de Ventadour disait lui-même que « le chant qui ne vient pas du fond du cœur n'a pas de valeur ». La plus célèbre de ses chansons est sans doute Can vei la lauzeta mover.