ballata (ital. ballare, « danser »)
Forme répandue en Italie de la fin du XIIIe au XVe siècle.
C'est une composition strophique, à l'origine monodique, plus tard polyphonique, destinée au chant et à la danse, dont la structure correspond, dans le domaine français, non à la ballade, mais au virelai. La forme fondamentale est la suivante : un refrain (ripresa) ; deux phrases (piedi) qui se chantent sur une même mélodie ; puis le retour, sur un texte nouveau, mais empruntant les rimes du refrain, de la phrase musicale du début (c'est la volta) ; enfin, le retour du refrain (ripresa), texte et musique. Soit, schématiquement : A BB A'A.
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la ballata fit fureur, notamment à Florence, avec Landini. Elle fut cultivée aussi par Nicolaus da Perugia, Bartolino da Padova, Ciconia, puis Dufay et A. de Lantins, avant d'être détrônée par la frottola.
ballet (musique de)
La musique et la danse étroitement unies dans un spectacle habilement conçu, cela arrive parfois, et l'on assiste à ce que l'on appelle « une parfaite réussite ». Cette fusion s'est réalisée en mainte occasion depuis que la danse est montée sur la scène (le Triomphe de l'Amour, mus. de Lully, chorégr. de Beauchamp et de Pécourt, 1681), depuis qu'elle est devenue théâtrale.
Au fil des siècles, le public a pu bénéficier d'un certain nombre de ces réussites. De ces chefs-d'œuvre, quelques-uns sont arrivés jusqu'à nous ; nous pouvons donc les voir et les entendre, tout à la fois, dans leurs formes premières, grâce à des documents, des partitions intactes, des notations.
Peut-on expliquer ce qui a si parfaitement réussi à un chorégraphe et à un musicien dont la collaboration se voit couronnée de succès ? Peut-on oublier que certains prônent la composition d'un ballet sur n'importe quelle musique, que d'autres, des compositeurs de renom ou qui se jugent eux-mêmes plus artistes que le chorégraphe, pensent que leur musique souffrirait d'une adaptation chorégraphique ? Peut-on oublier aussi que des chorégraphes, au nom de leur inspiration, « massacrèrent » des partitions exceptionnelles, que des danseurs hélas sans rythme ratèrent de beaux ballets bien construits et que des compositeurs médiocres eurent quand même droit à des morceaux chorégraphiques d'une rare qualité ?
Le problème des rapports entre la musique et la danse, la musique et le ballet, a toujours été soulevé et nul n'a pu y apporter de véritable solution. La question est encore entière. Musique préexistante ou musique composée spécialement ? Le chorégraphe doit-il suivre fidèlement la partition sans trahir le compositeur ou même, dans certains cas, le librettiste ? Doit-il écrire son propre argument, réaliser son canevas chorégraphique et commander sa musique à un compositeur qu'il aurait préalablement choisi ? Ou bien, encore, doit-il composer dans le silence et chercher ensuite une musique adéquate ?
Au-delà de ces questions, on peut, pourtant, affirmer que la musique et la danse ont eu de tout temps des rapports étroits et privilégiés. N'y avait-il pas qu'un seul mot, « danse », pour désigner la suite de pas et l'air sur lequel elle s'exécutait ? Peut-être cette interdépendance est-elle à l'origine d'une émancipation que la musique et la danse recherchaient depuis que les premiers auteurs du XVe siècle tentèrent de codifier les pas de danse et de définir la danse dans son unicité. Plus la danse s'élaborait, plus elle tendait à son autonomie. Engendrant son propre rythme, la danse pouvait donner son tempo à la musique qui la soutenait. Danses de cour ou danses villageoises, divertissement de l'homme civilisé de la cité ou de l'homme rustique, les danses franchirent un pas considérable à partir du moment où la danse, expression première de l'homme, devint spectacle. La musique devint support, soutien, faire-valoir ou, au contraire, impulsion, élément essentiel de la composition dansée.
C'est sensiblement vers le XVIe siècle que danse et musique eurent leur identité propre. Les danses de cour (gaillardes, pavanes), les danseries issues de chansons s'ordonnancèrent peu à peu, se construisirent dans un lieu, non pas clos, mais délimité, où, au niveau du sol, on pouvait suivre les évolutions, et où, au niveau d'une galerie surélevée, on pouvait lire les dessins et la géométrie des évolutions des danseurs. Les premières danses décrites s'ornèrent d'additions, de variations rythmiques dont on retrouve l'existence dans les musiques correspondantes.
Au Moyen Âge, dans les fêtes et les festivités, la danse est déjà un spectacle. Mais la forme de ces spectacles n'est pas définie : on y donne pêle-mêle, à côté de la danse, des chants, des pantomimes, des acrobaties, des pièces de poésie. Mais c'est à cette époque que la danse commence à devenir figurative, encore qu'il faille noter que les danses portées à la scène et celles dansées dans les salles de bal sont presque identiques. Leur amalgame en forme de ballet se fera sous l'emprise de la musique et leur structure se pliera aux règles musicales. En fait le ballet « spectacle » sera toujours associé du moins jusqu'à la fin du XVIIIe siècle au théâtre et à l'opéra.
Du ballet de cour à l'opéra-ballet
L'engouement pour le ballet français et la quasi-faillite de l'implantation de l'opéra italien en France, en dépit des tentatives de Mazarin, sont deux faits bien réels. Le ballet de cour vécut trois décennies.
Dans ce divertissement, il faut distinguer, dès le début, les parties vocales avec leur accompagnement, et la partition instrumentale dédiée exclusivement à la danse, aux danses. Il est clair qu'il y a une nette séparation des compétences. Sous le règne de Louis XIII, les musiciens de la Chambre du roi ne s'abaissent pas à ce genre de composition ; ils en laissent le soin à d'autres artistes, mais non des moindres, tel Cambefort. Pierre Guédron compose pour sa part la musique du Ballet de la délivrance de Renaud (1617). Antoine Boesset, musicien favori du roi, collabore à presque tous les ballets de cour et son fils Jean-Baptiste travaille avec Lully.
Au début du règne de Louis XIV, le ballet de cour a déjà une structure bien définie. C'est, de plus, un genre musical qui a la faveur des courtisans et du peuple ; c'est un genre musical essentiellement français.
Jusqu'au début du XVIIe siècle, les genres lyriques et chorégraphiques demeurent séparés. Pour la création d'un ballet de cour, le musicien travaille en collaboration directe avec le chorégraphe (on disait, alors, le compositeur de ballet). La réputation des musiciens français est telle que les compositeurs italiens, appelés par Mazarin, sollicitent toujours le concours des compositeurs français pour créer la musique des différentes entrées. Cette façon de valoriser la danse par rapport à la partie lyrique est très significative de l'époque. Partitions de qualité pour la danse, passages plus simples pour les parties chantées et purement musicales.
Ni Luigi Rossi ni Francesco Cavalli ne peuvent faire vivre l'opéra italien en France. C'est pourtant un autre Italien, Jean-Baptiste Lully, venu très jeune en France, qui, de l'emploi le plus humble, s'élève à la charge de surintendant de la musique et crée l'opéra français. Il écrit d'abord la musique de ballet des opéras de Cavalli et danse lui-même. Il collabore avec Molière et Beauchamp. Maître du menuet, Lully l'a mis à la mode à la Cour. Devenu danse royale par excellence, le menuet prend alors place dans la suite instrumentale.
Avec un sûr instinct, Lully apporte au public français ce que ce dernier espère ; une version musicale d'un genre théâtral que lui ont révélé Corneille et Racine, la tragédie. Son premier opéra le premier opéra français Cadmus et Hermione (1673) est un succès. D'Alceste (1674) à Armide (1686), Lully déploie son art de compositeur de musique et de ballet. Dans les ballets, il donne une composition particulière à l'orchestre (violons, flûtes et hautbois).
L'opéra-ballet survivra avec Pascal Collasse qui termine Achille et Polyxème (1687), commencé par Lully, et compose Thétis et Pélée (1689), les Saisons (1695). André Campra donne l'Europe galante (1697). Avec Jean-Philippe Rameau l'opéra-ballet connaît son second souffle (les Indes galantes, 1735 ; les Fêtes d'Hébé, 1739). Il s'éteindra pourtant, faute de successeurs, avec Rameau. Il étouffe sous les critiques : dans ce genre composite, la danse, un de ses attraits majeurs, est accusée de rompre la progression dramatique. Cette attaque porte en elle la justification de la scission qui va séparer l'opéra et le ballet. Encore verra-t-on imposer dans les opéras du milieu du XIXe siècle une action chorégraphique, un « ballet obligé » (la Traviata, les Vêpres siciliennes de Verdi ; la Damnation de Faust, les Troyens de Berlioz ; Eugène Onéguine, la Dame de pique de Tchaïkovski).