Vichnevskaia (Galina)
Soprano russe (Leningrad 1926).
Elle fit ses débuts à Leningrad en 1950 (dans Kholopka de Strelnikov). Engagée au théâtre Bolchoï en 1952, elle y resta jusqu'en 1974, année où, avec son mari le violoncelliste-chef d'orchestre Rostropovitch, elle émigra pour s'installer à Paris. Douée d'une voix lyrico-dramatique chaude et corsée, elle est le seul soprano russe de sa génération à avoir fait une carrière internationale. Elle a chanté Madame Butterfly et Aïda à New York en 1952, Aïda à Londres et à Paris en 1962, Liu (Turandot) à Milan en 1966, et créé en 1969 la 14e Symphonie de Chostakovitch. Dans le répertoire russe, sa Tatiana (Eugène Onéguine) fut particulièrement admirée. Elle fait aussi une carrière de récitaliste, où ses dons d'interprète et sa présence font merveille. Marcel Landowski, dont elle a créé plusieurs œuvres, lui a consacré un opéra (Galina, 1996).
Vickers (Jon)
Ténor canadien (Prince Albert 1926).
Il fait ses débuts au Festival de Stratford en 1956, dans le rôle de Don José de Carmen. Engagé au Covent Garden de Londres l'année suivante, il y chante Énée dans les Troyens de Berlioz, et participe au célèbre Don Carlos, mis en scène par Luchino Visconti, sous la direction de Carlo Maria Giulini.
Depuis lors, sa réputation s'est étendue au monde entier. Il est à Bayreuth en 1958, à Vienne en 1959. Il se produit à Paris, à Milan, à New York, à Salzbourg et dans tous les grands théâtres du monde, où la puissance de ses caractérisations vocales et dramatiques apparaît incomparable. Dans les années 70, il est reconnu comme le plus grand tragédien lyrique de l'époque, dans les répertoires italien, allemand et français. Son Tristan et son Otello n'ont peut-être jamais été égalés. Acteur exceptionnel, autant que grand musicien, Vickers occupe une place à part dans l'histoire du chant au XXe siècle.
Victoria (Tomás Luis de)
Compositeur espagnol (Ávila v. 1548/1550 – Madrid 1611).
Élève du collège germanique de Rome en 1565, comme plusieurs de ses compatriotes, il semble avoir fait auparavant partie de la maîtrise de sa ville natale, mais les documents précis manquent sur cette première partie de sa vie.
À Rome, Victoria, qui, parallèlement à sa formation musicale, poursuit des études de théologie, a pour principal maître Palestrina et se lie d'amitié avec ses deux fils. L'influence de l'illustre polyphoniste est d'ailleurs si forte sur l'élève que celui-ci va jusqu'à imiter ses manières et son habillement. En 1569, Victoria est chanteur et organiste en l'église Santa Maria di Montserrato, puis, de 1573 à 1578, occupe le poste de maître de chapelle au Séminaire romain (où il remplaçait Palestrina). Son Premier Livre de motets, paru en 1572, est dédié à Jacobus de Kerle, maître de chapelle du cardinal Otto von Waldbourg, qui joue sans doute un rôle dans les études musicales du jeune Espagnol.
En 1575, Victoria reçoit les ordres mineurs et est ordonné prêtre ; quatre ans plus tard, il entre comme chapelain au service de l'impératrice Marie, fille de Charles Quint et veuve de Maximilien II d'Autriche (il devait conserver cette fonction plus de vingt ans durant, indépendamment d'une autre charge de chapelain qui le lie à San Girolamo della Carità et où il va collaborer avec saint Philippe Neri). Après un retour à Madrid en 1587, il revient en Italie, pour un nouveau séjour à Rome de 1592 à 1594. Il y dédie son Deuxième Livre de messes, de 4 à 8 voix, au cardinal Albert d'Autriche, fils de l'impératrice Marie retirée au couvent des Déchaussées royales de Madrid. En 1596, Victoria reprend auprès de celle-ci ses fonctions de chapelain, jusqu'à la mort de sa protectrice, survenue en 1603 (il écrit, à cette occasion, une Messe de requiem).
Les dernières années du musicien restent obscures. Toujours attaché au couvent des Déchaussées royales comme chanteur et simple organiste, Victoria, devenu aveugle, paraît avoir voulu terminer sa vie dans l'anonymat le plus total, lui qui, par humilité, n'a jamais recherché de poste officiel à Rome. Aussi bien, quand il meurt en 1611, est-il pratiquement oublié en Espagne, tout autant qu'en Italie.
L'œuvre de Victoria est le monument le plus important de toute la polyphonie ibérique. D'un point de vue quantitatif, cette production vingt messes et quarante-quatre motets, entre autres ne peut soutenir la comparaison avec celles de Palestrina et de Roland de Lassus. Mais elle ne leur est nullement inférieure du point de vue de la qualité d'écriture et les surpasserait même quant à l'intensité du sentiment religieux. À cet égard, et plus encore que les messes et motets, les deux sommets du polyphoniste sont l'Office de la semaine sainte et l'Office des morts (Officium Hebdomadae Sanctae et Officium defunctorum) qui comptent certainement parmi les moments sublimes et poignants de toute la musique sacrée occidentale. Nourri des principes esthétiques chers à la Contre-Réforme, comme à son modèle Palestrina, Victoria, qui œuvra exclusivement au service de la liturgie catholique, se propose toujours d'édifier, d'émouvoir et d'élever l'esprit de son auditoire « jusqu'à la contemplation des saints mystères » (et, en cela, il rejoint aussi les préoccupations de saint Philippe Neri). Dans cette perspective, sa musique, qui n'emprunte jamais ses thèmes au répertoire profane (les messes-parodies en sont absentes), mais seulement au plain-chant ou à des motifs dérivés de lui, reste éprise de naturel et de simplicité. Ainsi récuse-t-elle le style savant, compliqué et parfois surchargé d'imitations des Franco-Flamands, au contraire de son aîné Morales. En fait, elle est l'équivalent exact de l'itinéraire spirituel d'une Thérèse d'Ávila ou d'un Jean de la Croix.
Seul un mystique de l'envergure de Victoria si proche, par bien des points, des délires visuels du Greco et toujours guidé par le génie de la race pouvait réussir cette transposition visionnaire de la vie intérieure et rendre les élans sacrés de l'âme espagnole, naturellement portée vers l'adoration, la compassion et la ferveur brûlante.