Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
C

Claudel (Paul)

Poète et auteur dramatique français (Villeneuve-sur-Fère 1868 – Paris 1955).

Il a reconnu sa dette envers Beethoven à qui il devait, disait-il, pour la formation de son art, autant qu'à Shakespeare et aux tragiques grecs. En se situant par rapport à Richard Wagner, le poète s'est efforcé d'établir de nouveaux liens entre la parole et le chant. Grâce à sa collaboration avec Darius Milhaud, commencée dès 1913 avec Agamemnon et Protée, poursuivie de 1915 à 1922 avec les Choéphores et les Euménides, puis en 1929 avec Christophe Colomb, Claudel a pu montrer comment la mélodie peut jaillir de la parole et la phrase du rythme élémentaire, de même que la poésie peut surgir de la réalité la plus grossière. Ses recherches ont abouti à substituer à l'esthétique traditionnelle du drame lyrique celle d'un théâtre musical mettant en jeu les formes les plus diverses de l'expression. La collaboration de Claudel et d'Arthur Honegger dans Jeanne au bûcher n'est pas moins importante : en se conformant strictement aux indications du poète, Honegger a composé l'une de ses plus grandes œuvres.

Livrets et arguments de ballets

l'Homme et son désir, ballet (1917) ; la Femme et son ombre, ballet (1923) ; Christophe Colomb, opéra (1929, créé en 1930) ; le Festin de la sagesse, oratorio dramatique (1934) ; Jeanne au bûcher, oratorio dramatique (1934) ; la Danse des morts, oratorio dramatique (1938).

Écrits sur la musique

Richard Wagner. Rêverie d'un poète français (1927) ; le Drame et la Musique (1930) ; le Poison wagnérien (1938) ; Sur la musique (1942) ; Hector Berlioz (1943) ; le « Beethoven » de Romain Rolland (1946) ; Arthur Honegger (1946) ; le Dauphiné sous l'archet de Berlioz (1949).

clausule

Section d'organum en style de déchant (teneur mesurée) venue se substituer à une section en style organum (teneur non mesurée) ou à une section plus vaste en style de déchant (démarches associées au nom de Pérotin et aux modifications apportées au Magnus liber de Léonin).

Exécutée séparément, avec texte nouveau à la voix organale (selon la technique du trope) et hors de tout contexte liturgique, la clausule fut à l'origine du motet médiéval. Le terme peut aussi signifier « fin de phrase » et, par extension, se rapprocher de « formule cadentielle ».

Clavé (José Anselmo)

Compositeur et chef de chorales espagnol (Barcelone 1824 – id. 1874).

Entièrement autodidacte, venu à la musique après avoir dû abandonner pour raisons de santé le métier de tourneur, il composa quelques zarzuelas, des romances, des chœurs, et fut un grand animateur de la vie musicale catalane. Ayant pris en 1845 la direction d'une société musicale d'étudiants, « La Aurora », il la transforma en un groupe choral à la manière des orphéons français, qui prit le nom de « La Fraternidad » (1850), puis « Euterpe » (1857). À l'instar de ce groupe se constituèrent en Catalogne de nombreuses sociétés chorales. Clavé demeura le catalyseur de ce mouvement en organisant des concours et des fêtes auxquelles se joignaient des musiciens professionnels. Au cours de l'une d'elles, en juillet 1862, il dirigea la « marche des pèlerins » de Tannhäuser : ce fut la première exécution d'une page de Wagner en Espagne. Attaché au progrès social, Clavé participa d'autre part activement à la vie politique de sa province.

clavecin (en angl. harpsichord ; en all. kielflügel ou cembalo ; en ital. clavicembalo)

Famille d'instruments à clavier dont les cordes sont mises en vibration par un mécanisme comportant un plectre. De forme, d'étendue et de dimensions variables, le clavecin a été employé dans toute l'Europe dès le milieu du XVe siècle, pour ensuite disparaître presque complètement de la vie musicale vers 1800, cédant ainsi la place à un instrument totalement différent et correspondant mieux à l'évolution du goût à cette époque : le piano-forte. Redécouvert par quelques pionniers au début du XXe siècle, le clavecin a progressivement retrouvé son langage propre tout en élargissant son répertoire par l'augmentation de ses possibilités. Sous l'action conjuguée des compositeurs et de certains facteurs d'instruments, on assiste aujourd'hui à la naissance d'un clavecin nouveau mis à la disposition d'interprètes de talent défendant courageusement la musique de leur temps.

Les origines

On ne sait pas avec précision à quelle date apparaît le clavecin en Europe. Son nom nous est révélé pour la première fois, sous la forme latine clavicymbalum, dans un poème en bas allemand de 1404, Der Minne Regeln. On pense généralement que ce nouvel instrument résulte de la combinaison, réalisée par un artisan inconnu, d'un instrument à cordes à caisse trapézoïdale d'origine arabo-persane, le « qâ nun », avec un clavier à touches étroites comme ceux des orgues portatifs ou positifs. Dès 1420, de nombreux témoignages iconographiques attestent la rapidité de sa diffusion. Vers 1440, un traité capital révèle les règles de construction de divers instruments parmi lesquels figure en bonne place le clavicimbalum. Rédigé par Henri Arnaut de Zwolle (v. 1400-1466), physicien et astronome du duc de Bourgogne Philippe le Bon, puis de Louis XI, ce manuscrit constitue le seul traité de construction de toute l'histoire de la facture de clavecins. Le plan très précis du clavicimbalum qui nous est proposé a de quoi surprendre le lecteur ; en effet, toutes les dimensions de l'instrument sont indiquées par rapport à un « module » de base qui sera ensuite reporté selon une « série » mathématique précise (1, 2, 3, 5, 8, 13…). Aucune dimension mesurée n'est indiquée et toutes les reconstitutions actuelles sont des hypothèses qui s'appuient principalement sur la largeur des touches du clavier. Les plus vraisemblables de ces reconstitutions conduisent à un instrument relativement court à la courbe très prononcée ­ un arc de cercle parfait ­, tendu d'un seul rang de cordes de fer. Son étendue est de trois octaves (35 notes de si à la) et sa sonorité extrêmement brillante et percutante s'explique à la fois par le faible volume de la caisse de résonance, par les plectres de bronze qui mettent les cordes en vibration, et par l'absence de tout système d'étouffoir. Cette dernière particularité contraint l'interprète à adopter un tempo plus que modéré s'il veut éviter toute confusion.

   Il n'y a pas à cette époque de littérature spécifique spécialement destinée au clavicimbalum. Son clavier lui permet cependant d'aborder les transcriptions de messes polyphoniques ou bien les tablatures d'orgue d'un Conrad Paumann, dont le Fundamentum Organisandi voit le jour en 1452. Son encombrement réduit et sa légèreté lui permettent sans doute aussi de participer à des musiques de divertissement où son éclat et la précision de son timbre lui permettent de soutenir quelque « danserye ».

   Certains regretteront peut-être que le quatrième dispositif décrit par Henri Arnaut de Zwolle pour mettre les cordes en vibration ait été si rapidement oublié : il s'agissait d'une sorte de levier comportant un « crampon » métallique, projeté contre la corde par la touche du clavier. Oublié pendant trois siècles, il devait être redécouvert ensuite pour devenir… le marteau du piano-forte !

Le fonctionnement

Dès le milieu du XVe siècle, le principe directeur du clavecin est acquis. Il restera identique, plus ou moins amplifié, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Ce principe est simple : un certain nombre de cordes métalliques, de longueur décroissante et correspondant chacune à une note de la gamme, sont tendues au moyen de chevilles d'accord entre deux points fixes. L'un de ces points fixes est destiné à transmettre et amplifier la vibration des cordes, au moyen de la table d'harmonie, véritable membrane de bois mince qui agit à la façon d'une peau de tambour. Le second point fixe est placé sur une partie généralement non résonnante. La réunion de ces différents points constitue respectivement le chevalet et le sillet. Le mécanisme de mise en vibration de chaque corde, le sautereau, est constitué d'une mince réglette de bois (d'environ 14 X 3 mm de section dans un clavecin classique) armée d'un plectre à sa partie supérieure. Ce plectre, jadis en plume de corbeau et maintenant souvent remplacé par un matériau de synthèse, est enchâssé dans une languette de bois dur susceptible de pivoter autour d'un minuscule axe métallique. Un infime ressort, autrefois tiré d'une soie de sanglier, maintient cette languette en position verticale de repos. Lorsque l'on enfonce une touche du clavier, le sautereau qui repose sur l'arrière de la touche se soulève d'autant, guidé dans sa course par une réglette de bois percée de mortaises : le registre. Le plectre qui se trouvait sous la corde accroche ou « pince » celle-ci dans son mouvement ascendant, la mettant ainsi en vibration. La corde « sonne » jusqu'à ce que ses vibrations s'éteignent par perte d'énergie. Relâche-t-on cette même touche ? Le sautereau retombe par son propre poids, son plectre rencontre à nouveau la corde dans un mouvement inverse qui oblige la languette à basculer autour de son axe, laissant ainsi échapper la corde sans émission de son. Toute vibration parasite est évitée grâce à un étouffoir de drap ou de feutre qui coiffe le sautereau. À chaque touche du clavier correspond au moins une corde mise en vibration par un sautereau.

   S'il a existé des clavecins à une corde seulement pour chaque note, les facteurs ont eu bientôt l'idée ­ inspirés peut-être en cela par les facteurs d'orgues ­ d'ajouter une seconde corde, accordée à l'unisson ou à l'octave de la première, créant ainsi des « jeux » supplémentaires. Ces jeux posséderont chacun leur propre rang de sautereaux sur des registres séparés qui pourront être mis « en jeu » ou « hors jeu » au moyen de mécanismes simples actionnés par le musicien. Par analogie avec l'orgue, l'arrangement des différents jeux d'un clavecin est appelé sa « disposition ».

   Si nous ajoutons que tout clavecin doit posséder une caisse de résonance close ­ à l'inverse de celle du piano moderne ­, nous aurons résumé tous les éléments spécifiques propres à cet instrument. Tous les clavecins dignes de ce nom possèdent ces caractères généraux, mais leur structure ainsi que leur disposition ont sans cesse varié selon les époques ou selon les régions, aboutissant ainsi à des instruments d'esthétique et de sonorité différentes que l'on a l'habitude de regrouper au sein de plusieurs grandes écoles.