Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Desmarest (Henry)

Compositeur français (Paris 1661 – Lunéville 1741).

Page de la Musique du roi, il reçut son éducation musicale auprès de Robert et de Du Mont. Ayant été écarté d'un des postes de la chapelle royale, il se tourna vers l'art lyrique. En 1686, il donna deux opéras à la cour, puis devint, à partir de 1693, l'un des principaux compositeurs de l'Académie royale de musique. Jusqu'en 1698, il fournit en moyenne un ouvrage par an au théâtre parisien. Sa carrière dans l'opéra fut interrompue par une aventure galante : en raison de l'enlèvement d'une de ses élèves, dont il s'était épris, il dut quitter la France. En 1699, il entra à Bruxelles au service de Maximilien Emmanuel de Bavière, puis en 1701, à Madrid, à celui du roi d'Espagne, Philippe V. Enfin, en 1707, il fut surintendant à la cour de Lorraine. Entre-temps, en 1704, sa tragédie lyrique, Iphigénie, laissée inachevée lors de son départ de Paris, fut représentée dans cette ville, grâce à Campra qui termina l'œuvre. Pardonné par le régent en 1720, Desmarest allait avoir l'occasion de retourner en France et d'assister, en 1722, à la création de son dernier opéra, Renaud ou la Suite d'Armide. N'étant pas parvenu, en 1726, à succéder à Delalande à la chapelle royale, il termina sa carrière en Lorraine. En dépit de ses échecs pour entrer à la chapelle du roi, il laissa une messe à deux chœurs, deux Te Deum et plusieurs psaumes et motets. Son œuvre lyrique fut critiquée de son vivant : on lui reprochait de plagier Lully, ce qui est en effet sensible dans un opéra comme Circé (1694). Certains de ses ouvrages furent toutefois appréciés et ne manquent pas d'originalité : Didon (1693), Iphigénie (1704).

Desormière (Roger)

Compositeur et chef d'orchestre français (Vichy 1898 – Paris 1963).

Élève de Charles Kœchlin, il écrit ses premières compositions, dont des mélodies sur des Quatrains de Francis Jammes. Il reçoit le prix Blumenthal de composition en 1922. En 1923, il prend la direction des concerts de l'école d'Arcueil qui réunit Maxime Jacob, Henri Sauguet et Cliquet-Pleyel autour d'Erik Satie. Dès l'année suivante, il se consacre à la direction d'orchestre, n'écrivant plus que quelques partitions pour le cinéma. Il est successivement chef d'orchestre aux Ballets suédois (1924), aux Ballets russes de Serge de Diaghilev (1925), à la Société de musique d'autrefois (1930). En 1931, il ressuscite, au théâtre Pigalle, de vieux opéras-comiques : On ne s'avise jamais de tout de Monsigny, Giannina e Bernadone de Cimarosa. Par la suite, il devient directeur musical des Ballets russes de Monte-Carlo (1932). En 1937, il entre à l'Opéra-Comique en dirigeant la création en France du Testament de tante Caroline d'Albert Roussel. Il assume ensuite, dans ce théâtre, la responsabilité de nombreuses créations et reprises, notamment dans le répertoire français. En 1945, il est chargé de diriger les spectacles de ballets au palais Garnier et, en 1948, il participe à la fondation de l'Association française des musiciens progressistes. En 1950, atteint de paralysie, il doit cesser toute activité. Mais ce chef, aux interprétations raffinées, riches en coloris subtils, a été durant un quart de siècle un ardent défenseur de la musique française, en particulier contemporaine. C'est à lui, en effet, que l'on doit, entre autres, les créations de la Chatte de Henri Sauguet, la Mort du tyran de Darius Milhaud, Passacaille de Daniel-Lesur, les Animaux modèles de Francis Poulenc, le Soleil des eaux de Pierre Boulez et la Première Symphonie de Henri Dutilleux.

Desportes (Berthe Melitta, dite Yvonne)

Femme compositeur française (Coburg, Saxe, 1907 – Paris 1993).

Élève de Marcel Dupré, de Maurice Emmanuel et de Paul Dukas au Conservatoire de Paris (1925-1932), Premier Grand Prix de Rome en 1932, elle a partagé sa carrière entre la composition et l'enseignement, dirigeant au Conservatoire une classe de solfège de 1943 à 1959, puis de composition et de fugue de 1959 à 1978. Comme compositeur, elle est une traditionaliste non conformiste. Ses œuvres pour le théâtre, comme Maître Cornelius (1939), d'après Balzac, la Farce du carabinier (1943), la Chanson de Mimi-Pinson ou le Forgeur de merveilles (1965), d'après O'Brien, sont fort spirituelles, et de son intérêt pour la percussion témoignent Voyage au-delà d'un miroir (1963), pour trois percussions, Vision cosmique (1964), pour percussion avec bronté ­ instrument à percussion métallique inventé par son fils ­, et Au-delà de la prière (1970), pour bronté et orchestre à cordes. On lui doit aussi trois concertos (À bâtons rompus pour 2 percussions ; le Tambourineur pour percussion ; l'Exploit de la coulisse pour trombone), trois symphonies (Saint Gindolph ; Monorythmie ; l'Éternel féminin) et un Traité d'harmonie en vingt leçons (1978).

Dessau (Paul)

Compositeur allemand (Hambourg 1894 – Berlin 1979).

Il a occupé après la Première Guerre mondiale des postes à Hambourg, Cologne, Mayence, Berlin. En 1933, il émigra à Paris, puis aux États-Unis, et, en 1948, se fixa à Berlin-Est, où il poursuivit sa collaboration avec B. Brecht : musiques de scène pour Mère Courage (1946) et pour le Cercle de craie caucasien (1954) ; opéras Das Verhör des Lukullus (« le Procès de Lucullus », 1949), devenu après controverses et remaniements Die Verurteilung des Lukullus (« la Condamnation de Lucullus », 1951), et Maître Puntila (1966). Attiré dans sa jeunesse par les techniques dodécaphoniques, il s'en est assez vite éloigné, choisissant délibérément une voie plus ouverte et plus large : « Écrire une musique réaliste, c'est ce qui compte pour moi. » Il a sans doute donné le meilleur de lui-même dans des témoignages comme In memoriam Bertolt Brecht (1957), Requiem pour Lumumba (1963), ou encore Lénine, musique pour orchestre no 3 avec chœur final sur l'Épitaphe pour Lénine de B. Brecht (1970). On lui doit encore des musiques de scène pour les différents Faust de Goethe (1949-1953), Variations sur un thème de Bach pour orchestre (1964), les opéras Lancelot (1967-1969) et Einstein (1971-1973). Une œuvre scénique posthume d'après Büchner, Leonce und Lena, a été créée à l'opéra de Berlin-Est fin 1979.