France (XVe s.) (suite)
La musique religieuse
En ce qui concerne la musique religieuse, deux faits retiennent l'attention. D'une part, le motet, de profane (cf. Machaut), devient religieux ; d'autre part, on assiste à la constitution progressive du cycle unitaire de la messe par le biais de l'adoption d'un thème donné (cantus firmus) commun aux différents fragments, emprunté au répertoire liturgique ou profane (d'où le nombre de messes portant un titre de chanson) ou, parfois, plus artificiel (cf. la messe Mi-mi d'Ockeghem). Ainsi naissent trois types : la messe à teneur (thème présenté au ténor en valeurs longues), la messe paraphrase (un ou plusieurs thèmes divisés en sections), la messe parodie (adaptation plus ou moins libre d'un modèle polyphonique). En effet, si chez Binchois, malgré quelques timides groupements, le fragment indépendant écrit dans un style proche de celui de la chanson reste la règle, Dufay, manifestant son esprit d'invention, met en place le cycle de la messe et bâtit de grandes architectures à 4 voix en tirant parti de la technique du cantus firmus reprise au motet (cf. ses œuvres postérieures à 1460 : messes de l'Homme armé, Ecce ancilla, Ave Regina). C'est la marque d'un esprit nouveau se dégageant résolument de l'héritage de l'Ars nova et qui annonce la découverte des possibilités de la maîtrise de la technique du contrepoint et du style en imitation par la génération d'Obrecht, de La Rue et Ockeghem. Ce dernier est sans doute l'un des premiers compositeurs à traiter dans un esprit différent la musique profane et la musique religieuse. Sa virtuosité technique, sa mathématique transcendante ne sauraient gêner son goût pour l'émotion immédiate ; l'expression, le souci du rapport texte-musique conditionnent le choix de ses moyens et la création d'un tissu sonore où point le sentiment de l'harmonie. Josquin ira encore plus loin. Il adopte, certes, le principe d'imitation continue à toutes les voix comme une marque essentielle de son style, mais la division en deux groupes du quatuor vocal place son écriture sous le signe de la clarté. En outre, son souci constant est bien de mettre en valeur le sens figuratif émotionnel du texte par des figures types à valeurs symboliques. C'est surtout dans le motet à mélodie libre (par opposition au motet sur mélodie donnée où, à partir du style cantilène de Binchois, se précisera la technique de développement par sections adoptée par Dufay et mise au point par Josquin) que ce figuralisme s'épanouira. Dans ce genre plus libre, Josquin laisse aller son imagination créatrice et sa virtuosité (une quarantaine de pièces à 5 ou 6 voix, le reste à 4 voix comme les messes) tout en recherchant un équilibre entre texte et musique, mélodie et rythme, harmonie et polyphonie. Cette importance du texte au détriment du nombre sur lequel se fonde encore la forme au début du siècle (le motet isorythmique est constant chez Grenon, fréquent chez Binchois) est significative de la transformation stylistique qui s'est opérée. Aussi ne sommes-nous pas étonnés de voir à la fin du XVe siècle la musique passer, à l'intérieur des Arts libéraux, du quadrivium (qui regroupe au Moyen Âge les disciplines scientifiques : arithmétique, géométrie, astronomie et musique) au trivium (qui regroupe les disciplines littéraires : grammaire, philosophie, rhétorique).
Enfin, il ne faudrait pas oublier l'existence d'un théâtre religieux très vivant et populaire : le XVe est le siècle des mystères consacrés à la Passion (cf. celles d'Arnoul Greban à Paris, 1450, de Jehan Michel à Angers, 1485) ou à la vie des saints (cf. le tableau de Jean Fouquet, le Martyre de sainte Apolline). Même si nous n'en avons aucune trace manuscrite, nous savons que la musique y jouait un grand rôle.