Turquie (suite)
Les musiques traditionnelles populaires
La poésie populaire épique est colportée depuis des siècles par des a¸sik-s (cf. achiq), bardes chantant en solo et s'accompagnant d'un saz, luth à manche long. D'autres chants populaires poétiques relèvent du uzun hava, « air long » à récitatif et rythme libre, du kirik hava, « air fragmenté » mesuré, de chansons à refrains, du kaÅ—silama, chant alterné, etc.
Les danses populaires comprennent, outre les göbek havasi, danses du ventre confiées à des professionnelles ou à des tsiganes, des variantes régionales : çiftetelli : Anatolie occidentale ; zeybek : mer Égée ; halay : Anatolie centrale ; ka¸sik havasi : Sud méditerranéen ; horon : mer Noire ; bar, koçeri : Anatolie orientale. Elles sont dansées par des groupes linéaires séparés d'hommes et de femmes, accompagnées de chants et d'interjections, et désormais interprétées par d'innombrables troupes d'amateurs et de professionnels dans les festivités et festivals.
Les fêtes et les mariages se font au son du duo habituel zurna – davul, hautbois et grosse caisse. Les ensembles populaires ont souvent recours à des instruments perfectionnés comme les saz-s, luths à manche long à trois rangs de cordes, de différentes tailles, soit du plus grand au plus petit : meydan-sazi, divan-sazi, a¸sik-sazi, bozuk, tanbura, baǧlama, cura, souvent rassemblés en petits orchestres populaires. Le kemençe populaire est un violon allongé spécifique de la mer Noire. Les vents comportent le düdük ou le kaval, flûtes, ou le mey, hautbois, ou la « klarinet » empruntée à l'Europe. Les percussions sont marquées par le darabuka, tambour-calice, le deff (cf. daff), tambour de basque, les dümbek ou dümbelek, timbales, à l'est.
Les musiques du XXe siècle
Après l'avènement de la république, Mustafa Kemal Atatürk veut occidentaliser le pays et éliminer la musique orientale des mœurs et des cœurs en en interdisant l'enseignement public et la diffusion radiophonique. Ainsi, le plus talentueux maître du ud, Cherif Muhieddin, s'exile-t-il pour diriger l'École de luth de Bagdad et former les valeureux iraqiens Jaml Bachr, Salman Chukur et Munr Bachr. Après la levée de cette interdiction, la musique orientale est à nouveau diffusée et enseignée dans les conservatoires d'Istanbul et d'Izmir. Mais l'effort officiel se porte sur le conservatoire d'Ankara qui enseigne exclusivement la musique occidentale depuis 1925.
La composition contemporaine à l'occidentale relève de trois générations de Turcs. La première, formée en Europe, constitue « le groupe des cinq » avec : Cemal Resid Rey, Ulvi Cemal Erkin, Ferid Alnar, Ahmed Adnan Saygun et Necil Kazim Akses. Dans la deuxième, Bülent Tarcan perpétue le nouveau style, Bülent Arel et Ilhan Usmanba¸s font des musiques sérielles ou électroniques. La troisième génération s'attache comme la première au fonds traditionnel populaire avec Nevid Kodalli, Ferit Tüzün, Ilhan Mimaroǧlu, Ilhan Baran, Cengiz Tanç et Muammer Sun.