Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
T

Turquie (suite)

Les musiques traditionnelles populaires

La poésie populaire épique est colportée depuis des siècles par des a¸sik-s (cf. achiq), bardes chantant en solo et s'accompagnant d'un saz, luth à manche long. D'autres chants populaires poétiques relèvent du uzun hava, « air long » à récitatif et rythme libre, du kirik hava, « air fragmenté » mesuré, de chansons à refrains, du kaÅ—silama, chant alterné, etc.

   Les danses populaires comprennent, outre les göbek havasi, danses du ventre confiées à des professionnelles ou à des tsiganes, des variantes régionales : çiftetelli : Anatolie occidentale ; zeybek : mer Égée ; halay : Anatolie centrale ; ka¸sik havasi : Sud méditerranéen ; horon : mer Noire ; bar, koçeri : Anatolie orientale. Elles sont dansées par des groupes linéaires séparés d'hommes et de femmes, accompagnées de chants et d'interjections, et désormais interprétées par d'innombrables troupes d'amateurs et de professionnels dans les festivités et festivals.

   Les fêtes et les mariages se font au son du duo habituel zurna – davul, hautbois et grosse caisse. Les ensembles populaires ont souvent recours à des instruments perfectionnés comme les saz-s, luths à manche long à trois rangs de cordes, de différentes tailles, soit du plus grand au plus petit : meydan-sazi, divan-sazi, a¸sik-sazi, bozuk, tanbura, baǧlama, cura, souvent rassemblés en petits orchestres populaires. Le kemençe populaire est un violon allongé spécifique de la mer Noire. Les vents comportent le düdük ou le kaval, flûtes, ou le mey, hautbois, ou la « klarinet » empruntée à l'Europe. Les percussions sont marquées par le darabuka, tambour-calice, le deff (cf. daff), tambour de basque, les dümbek ou dümbelek, timbales, à l'est.

Les musiques du XXe siècle

Après l'avènement de la république, Mustafa Kemal Atatürk veut occidentaliser le pays et éliminer la musique orientale des mœurs et des cœurs en en interdisant l'enseignement public et la diffusion radiophonique. Ainsi, le plus talentueux maître du ud, Cherif Muhieddin, s'exile-t-il pour diriger l'École de luth de Bagdad et former les valeureux iraqiens Jaml Bachr, Salman Chukur et Munr Bachr. Après la levée de cette interdiction, la musique orientale est à nouveau diffusée et enseignée dans les conservatoires d'Istanbul et d'Izmir. Mais l'effort officiel se porte sur le conservatoire d'Ankara qui enseigne exclusivement la musique occidentale depuis 1925.

   La composition contemporaine à l'occidentale relève de trois générations de Turcs. La première, formée en Europe, constitue « le groupe des cinq » avec : Cemal Resid Rey, Ulvi Cemal Erkin, Ferid Alnar, Ahmed Adnan Saygun et Necil Kazim Akses. Dans la deuxième, Bülent Tarcan perpétue le nouveau style, Bülent Arel et Ilhan Usmanba¸s font des musiques sérielles ou électroniques. La troisième génération s'attache comme la première au fonds traditionnel populaire avec Nevid Kodalli, Ferit Tüzün, Ilhan Mimaroǧlu, Ilhan Baran, Cengiz Tanç et Muammer Sun.

tutti (ital. ; « tous »)

Terme utilisé pour indiquer soit que, dans une œuvre donnée, les effectifs au complet sont mis en jeu, soit, dans un concerto, les épisodes purement orchestraux (à effectifs complets ou non) au cours desquels le soliste se tait (tutti s'opposant alors à solo).

Tveitt (Geirr)

Compositeur et pianiste norvégien (Hardanger 1908 – Oslo 1981).

Il fut peut-être le compositeur norvégien contemporain qui affirma le style nordique de la musique avec le plus d'ampleur. Il a recherché notamment de nouvelles voies dans les rapports entre la mélodie, le rythme et la dynamique en s'appuyant sur les modèles primitifs de la musique norvégienne, selon des théories personnelles assez controversées. Son langage s'appuie sur ce qu'il appelle les vieux modes nordiques (rir, sum, fum, tyr), et il s'est expliqué sur sa technique dans son traité Tonalitätstheorie des parallelen Leittonsystems (1937). Dans un œuvre abondant, il faut mentionner Hundrad Hardingtonar op. 151, adaptation de cent thèmes populaires de Hardanger, six suites pour orchestre qui ont conquis une grande popularité, des ballets (Baldurs draumar, 1960), des opéras (Jeppe op. 250, 1966), des concertos (dont deux pour violon de Hardanger et six pour piano), de la musique de chambre, près de trente sonates pour piano, et de nombreuses mélodies.

Tye (Christopher)

Compositeur anglais ( ? v. 1500 – ? 1572).

Choriste au King's College de Cambridge de 1508 à 1513, il fut ensuite musicien de monastère, et la rupture avec Rome le mit dans l'obligation de trouver un nouveau mode de vie et de travail. Maître de chœur à la cathédrale d'Ely en 1541, il semble avoir été le maître de musique d'Édouard VI et avoir bénéficié de ses faveurs. Peu d'années après, il entrait dans les ordres et devait être ordonné prêtre en 1559. Il conserva, par ailleurs, son emploi à la cathédrale d'Ely jusqu'en 1561. Comme ecclésiastique, il fut recteur de Donington jusqu'en 1571, mais son successeur ayant été nommé en mars 1573, il est probable que le vieux maître mourut à la fin de 1572.

   Auteur, en 1553, d'une version anglaise, harmonisée à quatre voix, des Actes des Apôtres, Tye a pourtant écrit une grande partie de son œuvre religieuse sur des textes latins. Cette œuvre comprend trois messes, des motets et psaumes, mais aussi des services en langue vulgaire et une douzaine d'anthems. À cet égard, Tye eut le grand mérite, en recourant à des textes anglais, d'alléger la prosodie, de lui donner un tour plus naturel et plus populaire.

   Mais ce précurseur de la musique anglicane s'est également illustré dans le répertoire instrumental et a laissé d'admirables pièces pour les consorts de violes, dont vingt et un In nomine qui égalent presque en beauté et en maîtrise d'écriture ceux de Byrd. Aussi bien, avant ce dernier, Tye est avec Tallis le grand nom du premier âge d'or britannique.

tympanon

Instrument ancien à cordes frappées, très voisin du dulcimer et du psaltérion.

Probablement importé au Moyen Âge du Proche-Orient (où il est d'ailleurs encore pratiqué), il se composait d'une table d'harmonie trapézoïdale, formant la partie supérieure d'une caisse de résonance plate, disposée horizontalement et généralement montée sur pieds. Il se jouait au moyen d'une paire de battes de bois dur, légèrement incurvées vers le haut, qui attaquaient directement les cordes métalliques, en nombre variable, dont certaines étaient doubles, triples et même quadruples. Muni, vers l'époque de la Renaissance, de marteaux déclenchés par un clavier, cet instrument a donné naissance au clavicorde et figure à ce titre parmi les ancêtres du piano moderne. Mais il a subsisté en Europe occidentale jusqu'au XVIIIe siècle et, agrandi et amélioré, s'est conservé jusqu'à nos jours sous le nom de « cymbalum » en Europe centrale, tout particulièrement en Hongrie. On appelle également « tympanon » le tambourin primitif de l'Antiquité grecque, formé d'une peau tendue sur un simple cerceau de bois.