portamento
Manière de lier deux notes en « portant » légèrement la première vers la seconde et en faisant entendre ainsi tous les sons intermédiaires très rapidement et avec moins d'intensité.
Ce procédé est principalement employé par les instrumentistes à archet et par les chanteurs ; il peut être explicitement indiqué par le compositeur, mais il est généralement implicitement sous-entendu, notamment dans le contexte de l'écriture de certaines époques anciennes. Pour la technique vocale, les Italiens utilisent également le mot legatura (« liaison »). Cette pratique, essentielle dans l'émission vocale, a, malgré de sensibles variations au cours des siècles, toujours été recommandée depuis Caccini et Monteverdi jusqu'à nos jours, bien que l'école française semble l'avoir en partie proscrite au XXe siècle.
Le portamento (ou « port de voix ») descendant est souvent déconseillé, mais, en mouvement ascendant, il donne une grande élégance au phrasé et évite les ruptures audibles entre les registres de la voix. Il doit être exécuté assez rapidement (dans le cas contraire le son est dit « traîné »), et toujours en haussant la première note vers la seconde, jamais en attaquant la seconde en dessous de la hauteur donnée. C'est d'ailleurs dans ce seul cas que le terme français « port de voix » prend une nuance péjorative, de même que le mot « glissade » désigne, pour les instruments à cordes, un portamento mal exécuté.
portatif
Petit orgue de dimensions très réduites, aisément transportable.
En usage pendant le Moyen Âge, il était joué de la main droite, tandis que l'autre main actionnait le soufflet placé à l'arrière de l'instrument ; il était soit porté en bandoulière, soit posé sur les genoux ou sur un meuble. Le clavier, court, faisait sonner les notes élevées de deux ou trois jeux de fond. Le portatif servait ainsi à accompagner le chant, à remplacer d'autres instruments ou à s'y mêler, en de très nombreuses circonstances de la vie quotidienne.
portée
Ensemble de lignes horizontales et équidistantes servant de points de repère pour indiquer la hauteur des notes.
C'est à tort qu'on attribue à Guy d'Arezzo l'invention de la portée. Elle se fit par étapes successives. D'abord une seule ligne pour indiquer une note de référence, puis deux lignes de couleurs différentes pour le do et le fa (G. d'Arezzo), puis, quatre lignes (tradition conservée dans la notation du chant grégorien), puis cinq lignes et, même, six lignes (surtout en Angleterre au XVIIe s.). Notre portée s'est stabilisée à cinq lignes, ce qui semble correspondre le mieux à la perception visuelle humaine.
Porter (Quincy)
Compositeur américain (New Haven, Connecticut, 1897 – Bethany 1966).
Il fit ses études à l'université Yale (avec Horatio Parker et D. S. Smith), puis à Paris (avec Vincent d'Indy), New York (avec Ernest Bloch) et Cleveland. Altiste du quatuor de Ribeaupierre, il enseigna tour à tour au College Vassar et à l'université Yale avant d'être nommé doyen de la faculté de musique de Nouvelle-Angleterre à Boston, puis directeur du conservatoire de cette ville. Respectueux de la tradition, d'obédience néoclassique, il cultiva principalement le quatuor à cordes (8, de 1923 à 1959).
Portugal
L'existence d'une chaire de musique à l'université de Coïmbra dès 1290 atteste la place qui était assignée à cette discipline par le pouvoir royal et l'importance qu'elle avait prise au cours du règne d'Alphonse III (1248-1279). Depuis un ou deux siècles déjà, les innombrables monastères lusitaniens (Coïmbra, mais aussi Santa-Cruz, Alcobaça et Braga) étaient des foyers de culture musicale où le répertoire mozarabe venu de Tolède au VIIe siècle était, peut-être, influencé par la règle de saint Benoît (ce que confirmerait un voyage de moines à Cluny en 1120). Dès le Xe siècle, on signalait des orgues à Lisbonne, et, si la musique religieuse attendit la fin du XIIIe siècle pour être régulièrement organisée, à la suite de la visite des évêques français à Coïmbra, Braga et Lisbonne, le rôle des pionniers qu'on rencontre au cours des siècles précédents est loin d'être négligeable. On sait notamment que le chant ecclésiastique y fut introduit dès le VIe siècle.
Dans le domaine profane, l'arrivée au Portugal des troubadours chassés de France pendant la guerre des Albigeois avait provoqué à la cour un intérêt pour les divertissements et la lyrique, « art de rimer en musique » et de chanter en s'accompagnant de la harpe, de la citole, du rebec, de la viole ou du psaltérion. Ainsi les premiers troubadours lusitaniens ont-ils pu s'inspirer de l'exemple français bien avant que le roi Denis, lui-même compositeur de 128 chansons et créateur de la chapelle royale, favorise l'essor d'un genre capable d'exalter les sentiments nationaux. Il ne nous est malheureusement parvenu aucun témoignage de la musique qui accompagnait les textes, aujourd'hui connus par les Cancioneros d'Ajuda et du Colloci-Brancuti. Seul le Cançao do Figueiral, réalisé au XVe siècle parmi les cantigas d'Alphonse le Sage, nous en apporte un écho, à travers la tradition orale entretenue jusqu'alors, ainsi que les 7 Chansons d'amour de Martin Codax (XIIIe s.), notées dans le plus ancien manuscrit lusitanien.
Si les règnes troublés d'Alphonse IV, de Pedro Ier et de Ferdinand n'ont pas été favorables au développement des arts et de la musique, celui d'Alphonse V a pris, en revanche, une importance historique indéniable dans l'épanouissement de l'école musicale portugaise jusqu'à la fin du XVe siècle. C'est alors que le style vocal, introduit à l'aube de la Renaissance, connaît un essor particulier à partir des Amables de la musica, collection de chants commandés par le roi à Tristao da Silva (période active 1440-1475) et de l'office en plain-chant d'Alvaro dédié au roi pour célébrer la conquête d'Arzilla. En dehors de sa voisine, l'Espagne, dont il ne pourra pas toujours éviter l'influence, le Portugal a déjà des contacts avec d'autres pays, l'Angleterre, par exemple, où Alphonse V dépêche des informateurs pour organiser sa chapelle à la manière de celle d'Henry VI, ou la cour de Bourgogne, dont Jean II voudra retrouver le luxueux cérémonial. À partir de la même époque, les musiciens attachés à la Cour sont considérés comme les égaux des chanteurs et participent à la réalisation des villancicos, drames sacrés comportant des éléments populaires et qui ont alors une immense audience (la bibliothèque musicale fondée par Jean IV en comportera près de 3 000). C'est également au XVe siècle qu'on trouve les premiers virtuoses de la vihuela, dont les compositions constituent un ensemble de qualité comparable à celui des vihuelistes espagnols. Madeira, Pero Vaz, Aguiar, Peixoto da Cunho et Rodriguez da Covilha sont les principaux représentants de ce répertoire que les luthistes rejetteront dans l'ombre et qui demeure cependant le plus précieux visage de la musique instrumentale antérieure à la Renaissance.
L'âge d'or
La prospérité économique du royaume ouvre alors au Portugal une ère fastueuse, pendant laquelle les fêtes se succèdent et dans laquelle la musique a quotidiennement sa place, à la Cour comme à la ville. Tous les genres y connaissent un épanouissement exceptionnel sous l'impulsion des premiers grands compositeurs et en particulier de Manuel Mendès († 1605), « prince de la musique » et fondateur de l'école d'Evora. Parmi une soixantaine de compositeurs intéressants à des titres divers, la pépinière de polyphonistes qu'il a formés, faisant ainsi de sa cathédrale le centre le plus important de musique sacrée, méritait d'être tirée de l'oubli, quand la fondation Gulbenkian entreprit la publication de leurs messes, motets et antiennes. Un Duarte Lobo (v. 1565 – 1646), un Felipe de Magalhaes (apr. 1648) et surtout le Fray Manuel Cardoso (1566-1650) y montrent une science à la hauteur de leur ferveur (les messes du F. Cardoso, et notamment Miserere mihi Domine à 6 voix, sont parmi les plus remarquables de sa génération. On y perçoit, comme dans celles de Duarte Lobo, l'écho de Palestrina).
À Vila Viçosa, autre foyer de la vie musicale et siège du palais ducal de la famille de Bragance, le duc fonde, peu après, l'école des Rois-Mages pour former les chanteurs de la chapelle royale. Un compositeur de talent en sortira, Marcos Soares Peirera († 1655), auteur de villancicos. Enfin, à Coïmbra, où le monastère de Sainte-Croix a encore plus d'activité et plus de rayonnement que la cathédrale, plusieurs représentants valeureux du style a cappella retiennent l'attention : Don Pedro de Cristo ( ?-1618), auteur de motets, le moine Heliodoro de Paiva, organiste, harpiste et chantre, surnommé « Orphée » pour la beauté de sa voix, ou Francisco de Santa Maria (1661-1721), qui n'écrivit que de la musique religieuse. Cette musique connaît ainsi un essor remarquable entretenu par ses interprètes (70 chantres à Odivellas) à la suite de la tradition créée par Damiao de Goes, diplomate et grand amateur de musique, de chanter les motets à 3 et 4 voix, avec ou sans accompagnement d'orgue, à la manière des musiciens franco-flamands, dont il avait précisément étudié les règles au cours de ses voyages.
Dans le domaine profane et instrumental, les progrès sont plus lents malgré l'importance accordée à la musique par l'auteur dramatique Gil Vicente dans ses monodrames tragiques ou comiques. La modinha, romance portugaise qui doit peut-être son origine à l'aria italienne, est alors consacrée par des compositeurs, comme M. Rodriguez Coelho (1583-1640 ?) dans ses Flores de Musica (1620), aires ou pires. Antonio Carreira (v. 1525 – 1599), auteur de Lamentations et de motets, se spécialise dans la musique de clavier (clavecin ou orgue), et Agostinho da Cruz dans les instruments à archet qui lui inspirent son traité Lyra da Arco (1639), l'un des plus anciens sur la technique du violon. En 1626, Antonio Fernandez, disciple de Duarte Lobo, avait fait éditer à Lisbonne son Arte de Musica (1626) qui fit beaucoup moins de bruit que la polémique entre Vicente Lusitano (1510 ? – 1553) et l'Italien Nicola Vicentino au sujet de l'introduction dans la polyphonie du chromatisme de l'ancienne musique grecque, polémique d'où Lusitano sortit vainqueur. Dans le même domaine de la théorie musicale, le jésuite Tomas Pereira (1645-1708), qui passe pour avoir construit un orgue dans la chapelle des missionnaires de Pékin, est l'auteur d'un important traité dont l'empereur de Chine ordonna lui-même la traduction à l'usage de ses sujets.
Après les soixante ans d'occupation espagnole, le règne de Jean IV (1640-1656) marquera le point culminant de l'activité musicale. Élève de Lourenço Rebello (1610-1661) qui lui a dédié une messe à 39 voix, il était lui-même compositeur et théoricien et l'un des avocats les plus acharnés de l'art de son temps (cf. son traité Défense de la musique moderne contre l'opinion erronée de l'évêque Cyrille Franco…). On lui doit l'initiative d'une somptueuse bibliothèque musicale (détruite par le tremblement de terre de 1755), comportant d'innombrables partitions religieuses ou instrumentales. Aux compositeurs déjà cités, il convient d'ajouter Estevao Lopez Morago, auteur de motets, Francisco Martins (1620-1680) et Dias Melgaz (1638-1700), dernier des polyphonistes d'Evora et l'un des plus brillants (messes, motets, offertoires). Beaucoup de leurs œuvres franchissaient déjà les mers et devenaient populaires en Amérique latine.
Les préoccupations nationalistes, nuancées d'un certain mysticisme propre à l'esprit portugais du XVIIe siècle, ne sont pas exclues de la plupart des œuvres de cette époque. Ce qui les différencie des productions espagnoles contemporaines et des modèles franco-flamands qu'elles se sont efforcées de suivre, parfois avec des initiatives insolites (messes à 9 ou 12 chœurs allant de 35 à 48 voix ; audaces harmoniques concernant l'accord de neuvième, etc.). L'aspect le plus remarquable de l'évolution vers une expression spécifiquement portugaise est, cependant, le développement de la musique instrumentale, où la vihuela reste au premier plan, en utilisant déjà le principe de la variation (diferencia) sur un thème donné. Doizi de Velasco, édité à Naples (1645), aurait été le meilleur vihueliste de cette période.