hébraïque (musique) (suite)
La musique populaire
La musique populaire hébraïque trouve ses origines dans les temps les plus reculés de son histoire, car le chant populaire qui en est l'expression la plus tangible a été pratiqué et vénéré depuis toujours si l'on se rapporte aux témoignages de la Bible. Ainsi, parmi les plus anciennes cantilations populaires, on peut admettre celle de Déborah (Juges V, 2-31), celle de Lamech (Genèse IV, 23-24), celle du puits (Nombres XXI, 17-18), celle de la mer Rouge (Exode XV, 2-19) ou le chant funèbre de David (II Samuel I, 19-27).
Pour ce qui est de la chanson populaire actuelle, l'élément le plus frappant reste le mélange d'une musique authentiquement populaire avec des éléments historiques de différentes musiques étrangères. Ce mélange rend l'identification des traditions musicales populaires actuelles, vis-à-vis de leurs prototypes anciens, très difficile. Quoi qu'il en soit, on peut dire que les plus anciennes chansons populaires connues encore aujourd'hui plongent leurs racines dans la poésie populaire mystique, semi-religieuse ou messianique du Moyen Âge. Le XVIe siècle verra l'apparition d'une nouvelle phase du chant populaire grâce au mouvement cabalistique de Safed, en Galilée, dont le poète-chantre le plus connu fut Israël Nagara (v. 1555-1625). Ses cantiques adoptent des mélodies populaires connues, issues des traditions arabe, turque, grecque et espagnole et sont classés selon l'ordre des maqamât arabes.
Toutes les traditions actuelles de chant populaire émanent bien entendu des communautés juives orientales, à savoir : géorgienne, kurde, samaritaine, karaïte, irakienne, iranienne, de Boukhara, d'autres communautés moins importantes et surtout du Yémen. Cette dernière communauté reste la source la plus importante du chant populaire juif, due sans doute à une vie communautaire ininterrompue de presque 2 500 ans au milieu de cultures arabes. Le centre d'intérêt des traditions populaires musicales yéménites est le mariage et les chansons qui s'y réfèrent. On peut discerner à travers ces manifestations un symbolisme latent, à savoir le constant dialogue entre Dieu (représenté par le fiancé) et Israël ou l'âme humaine (représentée par la fiancée).
On peut diviser la musique séculaire et populaire juive en deux branches : celle des juifs séfardim et celle des juifs ashkenaze. La première branche compte la période ibérique (du premier millénaire av. J.-C. à 1492 et 1497, dates de l'expulsion des juifs d'Espagne et du Portugal), la période de la diaspora séfardique et celle du romancero judéo-espagnol, dont les chants peuvent être classés en deux catégories : les romances et les cantigas. Les romances sont des poésies assonancées sans forme strophique ; les cantigas sont toujours composées en strophes, généralement assonancées et suivies souvent par des refrains. La seconde branche comprend les juifs de l'Europe de l'Ouest (généralement allemands) et ceux de l'Europe de l'Est (polonais, russes, hongrois, etc.). C'est précisément dans ces contrées de l'Est que la chanson populaire juive trouva un nouvel essor à partir du milieu du XVIIIe siècle, grâce au mouvement néomystique du hassidisme. Le support stylistique des mélodies hassidiques, dont le centre d'intérêt est la mélodie vocale sans texte, est basé sur des formules anciennes de chants et de prières orientaux, russes, hongrois, allemands, roumains ou ukrainiens, sans pour autant négliger des adaptations de pièces instrumentales et même des marches ou vaudevilles. L'intérêt du chant populaire juif s'est accru pendant le XXe siècle, grâce aux efforts de quelques musicologues qui ont commencé à recueillir sur place et à publier des mélodies liturgiques ou non des différentes communautés. Abraham Zvi Idelsohn (1882-1938) a été un pionnier dans ce domaine. Son Hebraïsh-orientalisher Melodien-Shatz (10 vol., Leipzig, 1914-1932) contient des milliers de mélodies liturgiques ou religieuses qui donnent un aperçu non seulement du chant cultuel, mais aussi du chant populaire ou du chant juif tout simplement.
La musique israélienne
L'histoire de la musique israélienne ne commence qu'après 1880, date de la migration massive de juifs en Palestine. En 1910 est fondée la première école de musique à Tel-Aviv ; en 1924 est créé le premier opéra « israélien » : les Pionniers de Jacob Weinberg (1879-1957) ; en 1936 naît le Palestine Symphony Orchestra (actuellement Israel Philharmonic Orchestra), créé par le célèbre violoniste Bronislav Hubermann ; puis, petit à petit, apparaissent toutes les autres institutions musicales israéliennes (festivals, concours internationaux, instituts, associations, etc.), dont l'une des dernières a été la création du concours international de piano Arthur-Rubinstein (1974).
La source d'inspiration des compositeurs israéliens est, dès le départ, multiple : la chanson populaire juive de l'Europe de l'Est, des éléments mélodiques de la cantilation biblique, ainsi que les traditions musicales des pays d'origine des compositeurs.
La vieille génération est représentée par des noms comme ceux de Salomon Rosowsky (1878-1962), Yizhak Edel (1896-1973), Joachim Stutschewsky (1891), Erich-Walter Sternberg (1891-1974), Joseph Kaminsky (1903-1972), Abraham Dazs (1902-1974), Karel Salomon (1897-1974), Mark Lavry (1903-1967), Alexandre Uria Boscovich (1907-1964) et, surtout, Paul Ben-Haim (1897), peut-être le compositeur le plus représentatif de l'école dite est-méditerranéenne. La caractéristique de cette école réside dans l'utilisation d'éléments de la cantilation biblique et des héritages folkloriques et traditionnels des peuples du Moyen-Orient, à savoir des mélodies mélismatiques, des rythmes compliqués et une saveur spéciale qui caractérise aussi bien la tradition israélienne que celle des pays avoisinants et même celle des pays comme la Grèce ou la Turquie. Tous les compositeurs cités de cette génération se partagent, en tout cas, deux types d'expression musicale : soit un style influencé par le folklore de l'Europe orientale, soit un langage imprégné par les traditions orientales citées plus haut. Toujours est-il qu'un certain style postimpressionniste et une tendance vers l'expressionnisme sont évidents.
Une transition est faite par certains compositeurs, comme Odoen Partos (1907-1977), qui, après avoir adhéré à l'école est-méditerranéenne, se tourne (dans les années 1960) vers le dodécaphonisme et la musique sérielle, créant une synthèse entre un expressionnisme évident et un approfondissement de la structure des musiques du Moyen-Orient.
La génération suivante est marquée par quelques compositeurs qui se sont efforcés de trouver une solution individuelle aux problèmes de l'expression musicale israélienne, créant une synthèse entre une musique d'avant-garde et des traditions du Moyen-Orient. Abel Ehrlich (1915) ou Zvi Avni (1927) sont, parmi d'autres, des représentants de cette tendance. Leur précurseur immédiat a été Joseph Tal (1910), qui fonde en 1961 le premier studio en Israël pour la reproduction de la musique électronique. Par ailleurs, les tendances actuelles sont représentées par des compositeurs comme Noam Sheriff (1935), Yehuda Yannay (1937), Michael Barolsky (1947) ou Ron Kolton (1951).