turba (lat. ; « foule », plur. turbae)
Dans les Passions, chœur représentant un ou plusieurs groupes de personnages : la « foule » des prêtres, des soldats, des disciples, le peuple, etc.
Turina (Joaquín)
Compositeur, pianiste et pédagogue espagnol (Séville 1882 – Madrid 1949).
Il fait ses études à Madrid avec José Trago (piano), puis à Paris avec Moskovski (piano) et Vincent d'Indy (composition). Ses premières œuvres datent de son séjour en France (1903-1914) : Quintette, Sevilla, Procesión del Rocío. Il trouve alors en Albéniz un ami, un guide et un protecteur généreux. C'est grâce à lui notamment qu'il connaît Debussy et Ravel et qu'il s'évade des seules ambitions scholistes pour réaliser une musique « hispano-arabe » authentique. De retour à Madrid, il y passera pratiquement le reste de sa vie dans une activité multiple compositeur, directeur d'orchestre au théâtre Real (notamment pour l'orchestre des Ballets russes), professeur (directeur du conservatoire de Madrid), pianiste, critique musical et commissaire général de la musique (de 1939 à sa mort).
Si l'on excepte les œuvres de la période parisienne écrites dans une esthétique post-franckiste, toute la production de Turina s'inspire des chants populaires et des rythmes espagnols et plus spécialement andalous. L'influence d'Albéniz fut décisive dans l'orientation de sa carrière. Ses pièces pour piano doivent également à l'exemple d'Iberia la fermeté de leur dessin et leur vie intense, d'esprit rapsodique. Mais l'influence des maîtres français ne fut pas moindre dans le coloris de ses pages orchestrales et dans l'expression d'un lyrisme qui fut exactement l'écho de sa sensibilité délicate. Ces différents éléments se sont superposés à la discipline dindyste (culte de la forme cyclique qu'on retrouve dans presque toutes ses œuvres) pour donner à la palette de Turina sa physionomie originale.
Türk (Daniel Gottlob)
Théoricien et compositeur allemand (Clausnitz, près de Chemnitz, 1750 – Halle 1813).
Il étudia à la Kreuzschule de Dresde sous la direction de G. A. Homilius, ancien élève de Bach, puis à Leipzig à l'université et avec J. A. Hiller. En 1774, il devint cantor à l'Ulrichskirche de Halle, et, en 1779, directeur de la musique à l'université de cette ville. Il écrivit alors quatre symphonies ainsi qu'un grand nombre de cantates, lieder et ouvrages vocaux divers. En 1787, il devint organiste et directeur de la musique de la Marktkirche de Halle, poste qu'il devait occuper jusqu'à sa mort.
À partir de cette date, il se consacra surtout à ses travaux théoriques. Parurent entre autres Von den wichtigsten Pflichten eines Organisten : ein Beitrag zur Verbesserung der musikalischen Liturgie (Halle, 1787, réimpr. 1966), une Clavierschule (Leipzig et Halle, 1789, réimpr. 1967), Kurze Anweisung zum Generalbasspielen (Leipzig et Halle, 1791), ouvrage utilisé par Beethoven pour ses leçons à l'archiduc Rodolphe, et Anleitung zu Temperaturberechnungen (Halle, 1808), où se trouvent exposés avec une grande exactitude les différents systèmes de tempérament. Une Violinschule ne fut jamais terminée. Türk forma de nombreux élèves dont le plus important fut Carl Loewe.
Turner (Eva)
Soprano anglaise (Oldham 1892 – Londres 1990).
Étudiante à la Royal Academy of Music de Londres, elle chante dans les chœurs de Carl Rosa en 1911. En 1924, Toscanini l'engage pour chanter Freia dans l'Or du Rhin à la Scala. À cette occasion, par souci de la diction, elle apprend en quelques mois… l'italien ! Elle s'impose aussi en incarnant Fricka et Sieglinde. En 1926, peu de temps après la création de l'œuvre, elle reprend le rôle-titre de Turandot, qu'elle chante au San Carlo de Naples en 1927, puis à Covent Garden en 1928. De 1928 à 1948, elle est la première soprano dramatique anglaise à s'imposer dans le monde entier. De 1950 à 1959, elle enseigne à l'Université d'Oklahoma, puis de 1959 à 1966 à la Royal Academy de Londres. De nombreux chanteurs viennent prendre ses conseils, notamment Gwynneth Jones.
Turquie
Ancienne Asie Mineure ou Anatolie, envahie par les Turcs à partir du XIe siècle, noyau de l'Empire ottoman (XIVe-XXe s.), actuellement dominée par la culture turque et l'islam sunnite avec de notables minorités ethniques et religieuses.
Origines diverses des musiques de Turquie
Les minoritaires gréco-byzantins et arméniens (autochtones) ou juifs (réfugiés d'Espagne) sont désormais rassemblés à Istanbul. Les Kurdes et les Lazes (musulmans), les chaldéens nestoriens, assyriens et syriaques (chrétiens), autochtones de l'Anatolie orientale, y perpétuent discrètement leurs langues et leurs traditions. Les confréries musulmanes orthodoxes (derviches mevlevi-s) ou d'inspiration chiite (bektachi-s ou alévi-s) perpétuent également des rites et des traditions propres et ésotériques. Mais les traditions et les musiques des minoritaires sont méconnues ou sont assimilées à la culture dominante turque et sunnite.
L'ampleur du destin géographique et historique des Turcs, ouralo-altaïques originaires de l'Asie centrale et implantés en Asie Mineure, justifie la coexistence de nombreuses théories scientifiques ou officielles sur la nature de la musique turque, évoquant notamment, séparément ou concurremment :
l'héritage géographique des traditions proto-hittites, hittites, anatolo-helléniques avec référence aux tétracordes musicaux antiques ou grecs qui inspire les théoriciens ou les compositeurs contemporains ;
l'héritage ethnique des traditions touraniennes de l'Asie centrale marquées par le chamanisme et les musiques pentatoniques descendantes que l'on cherche à déceler dans les musiques populaires ;
l'héritage religieux des traditions islamiques authentiques perpétuées par les confréries sunnites et chiites ésotériques ;
l'héritage institutionnel de l'élitisme médiéval abbasside affiné par le mécénat des empereurs califes ottomans et le talent des musiciens de la cour, enfin répertorié et enseigné par les institutions de la République, qui est évoqué dans les manuels d'enseignement de la musique turque savante, avec description des modes orientaux heptatoniques (cf. maqam-s) selon le tempérament commatique perpétué par les Turcs.
Une identité musicale turque
L'identité musicale turque, encore que bien différenciée, s'inscrit dans un courant historique et une zone géographique porteurs de musiques comparables. Les musiques de l'Antiquité et de la Grèce reposent sur des modes musicaux. Les grands traités musicologiques de l'islam médiéval multinational s'inspirent des théories grecques et des pratiques autochtones du Moyen-Orient pour décrire des systèmes acoustiques ou des tempéraments, en définissant des doigtés-degrés, des intervalles, des genres et des modes sur la touche du luth à manche court (ud). Ainsi naît au sein et autour de l'islam abbasside une théorie musicale confluentielle mise au point par des savants arabes, iraniens ou turcs du VIIIe au XIIIe siècle, et cette théorie peut désormais être revendiquée par les Arabes, par les Iraniens et par les Turcs.
À partir du XIVe siècle, la récession des Arabes et des Iraniens et l'ascension des Turcs ottomans conduit ces derniers à hériter de l'élitisme et du califat. Avec le mécénat impérial, Istanbul va attirer les musiciens brillants du Moyen-Orient et perpétuer le tempérament commatique mis au point à Bagdad au XIIIe siècle par Safiy al-Din, tandis qu'Arabes et Iraniens sombrent dans l'empirisme avant de se raccrocher au tempérament à quarts de ton à la fin du XIXe siècle. De nos jours, la différence entre les structures modales, maqam-s arabes, dastgan-s iraniens et makam-s turcs, est une différence de tempérament accentuée par sept siècles de divergence au niveau des formes et de la transmission.
Les musiques traditionnelles savantes
La nature théocratique de l'Empire ottoman marque la vie musicale de toutes les pratiques rituelles quotidiennes ou saisonnières de l'islam sunnite orthodoxe. En outre, les confréries de derviches perpétuent leurs traditions propres. Les bektachi-s, se recommandant de Haji Bektach (XIIIe siècle), perpétuent un ésotérisme à vocation populaire. Les mevlevi-s, se recommandant de Jalaleddn Rum (XIIIe siècle) et de son fils Sultan Veled, fondateur de l'ordre des derviches tourneurs, perpétuent un rituel ou ayn de danse accompagnée par des ney-s (flûtes, cf. nay) et des kudüm-s (timbales). Ces mevlevi-s, influents dans les activités artistiques de la cour, ont fourni un bon nombre de compositeurs savants, comme Itr Çeleb (1641-1711) et Dede Efend (1777-1845).
L'islam turc de rite hanéfi tolérant admet la pratique de la musique et la haute société en profite pour s'adonner au chant, aux instruments et à une écriture musicale qui n'exclut pas l'improvisation à l'orientale. Les empereurs jouent, chantent et composent, et le plus fameux de ces souverains musiciens est Selim III (1761-1808), meilleur poète que guerrier. Cette mélomanie active des notables a conduit une princesse ottomane et un médecin d'Istanbul à briller dans la musique et le chant au plus haut niveau professionnel.
Les grandes compositions classiques (fasil) comprennent une introduction instrumentale (taksim-solo et pe¸srev-tutti), des poésies chantées (kar, beste, murabba, sema, ¸sarki, etc.), et un final instrumental (saz semasi). Elles font appel à des chœurs (jadis masculins et mixtes depuis Selim III) chantant en monodie mélismatique.
Les instruments jouent en homophonie ou parfois en hétérophonie. Le tanbur, luth à manche long, est considéré comme essentiellement turc. Le ud, luth à manche court, caractéristique de l'islam depuis l'époque abbasside, est ici toujours pourvu de six rangs de cordes. Le kanun (cf. qanun), cithare-psaltérion, absent au XVIIIe siècle, est revenu de Damas au XIXe siècle. Le santur, cithare-tympanon, jadis florissant, disparaît. Le rebab (cf. rabab), vièle traditionnelle, s'efface au profit du keman (cf. kaman), violon européen. Le kemençe (cf. kaman) est une vièle hémipiriforme à trois cordes. Le violoncelle européen est apprécié. Les ney-s, flûtes obliques, sont souvent confiés à des derviches. Les kudüm-s, timbales, et les deff-s (cf. daff), tambours de basque, marquent les rythmes, fort complexes.