Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
H

Hawkins (sir John)

Homme de loi et historien de la musique anglais (Londres 1719 – id. 1789).

Procureur (cette fonction le fit anoblir en 1772), il n'avait pas reçu la formation d'un musicien, mais se consacra de bonne heure à l'étude de la musique, qu'il estimait, avec raison, négligée. Il fut membre de l'Academy of Ancient Music et de la Madrigal Society. Il eut également une activité littéraire importante. Après de longues recherches, il publia en 1776 l'une des deux premières histoires de la musique parues en Angleterre (l'autre est celle de Burney, qui commença à paraître la même année) : A General History of the Science and Practice of Music (5 vol., Londres, 1776 ; rééd. en 2 vol., 1853, puis 1875 ; New York, 1963, 1969). L'importance de cette entreprise tient non seulement à sa dimension monumentale, mais aussi à sa nouveauté : rassemblant un nombre considérable de textes et de compositions anciennes, inconnues jusqu'alors, elle est, en effet, l'une des premières études historiques consacrées spécifiquement à la musique. S'il trahit le jugement sévère porté par son auteur sur la musique de son temps, cet ouvrage garde néanmoins une grande valeur, tant parce qu'il reproduit des documents disparus que parce qu'il témoigne, dans une large mesure, du goût musical de l'Angleterre au XVIIIe siècle.

Œuvres

Memories of the Late Sig. Agostino Steffani(Londres, 1758), The General History of A. Corelli (Londres, 1777).

Haydn (Joseph)

  • Pietro Tavaglio, décor pour L'Incontro improvviso
  • Joseph Haydn, la Création : le Chaos
  • Joseph Haydn, Symphonie n° 26 en ré mineur, « Lamentatione » (1ermouvement : allegro assai con spirito)
  • Joseph Haydn, Symphonie n° 49 en fa mineur, « La Passione » (finale, presto)
  • Joseph Haydn, Concerto pour piano n° 4 en sol majeur (Finale : rondo, presto)
  • Joseph Haydn, Quatuor à cordes en ut majeur n° 3 « l'Empereur », op. 76 (2emouvement, andante)
  • Joseph Haydn, Symphonie n° 103 en mi bémol majeur, « Roulement de timbales » (1ermouvement, allegro con)

Compositeur autrichien (Rohrau-sur-la-Leitha, Basse-Autriche, 1732 – Vienne, faubourg de Gumpendorf, 1809).

Fils du charron Mathias Haydn et de Anna Maria Koller ­ qui était avant son mariage cuisinière chez le comte Harrach, seigneur de Rohrau ­, deuxième de douze enfants, dont six devaient survivre, Franz Joseph Haydn naquit aux confins de l'Autriche et de la Hongrie ­ ce qui devait largement influencer sa musique ­, et passa dans cette région et à Vienne, exception faite de ses deux voyages à Londres, la totalité de sa vie. Aucun de ses ancêtres n'était musicien de profession.

La jeunesse à Vienne

À six ans, il alla habiter chez un certain Mathias Franck, époux de la demi-sœur de son père, qui lui apprit les rudiments de son futur métier, et, de 1740 à 1749 environ, fut petit chanteur à la maîtrise de la cathédrale Saint-Étienne de Vienne, alors dirigée par Georg Reutter le Jeune et d'où il fut chassé après que sa voix eut mué. Des années qui suivirent, on sait fort peu de chose. Livré à lui-même sur le pavé de Vienne, Haydn subsista en donnant des leçons, en jouant du violon ou de l'orgue. Par l'intermédiaire du poète Métastase, il devint, vers 1753, élève-factotum du compositeur Porpora et étendit le cercle de ses relations. Il travailla aussi pour la cour en 1754-1756. Pour l'essentiel, il se forma en autodidacte, grâce notamment au Gradus ad Parnassum de Fux et en s'appuyant sur ses prédécesseurs (Wagenseil). Haydn composa vers 1757 chez le baron Karl Joseph von Fürnberg, qui l'avait invité dans sa résidence de Weinzierl, ses premiers quatuors à cordes. En 1758 ou 1759, il entra au service du comte Morzin, qui passait l'été dans son château de Lukavec, près de Pilsen en Bohême. Il composa pour lui, notamment, ses premières symphonies et une série de divertissements pour instruments à vent. Mais des revers de fortune obligèrent bientôt Morzin à licencier son orchestre.

Les Esterházy

Le 1er mai 1761, peu après son mariage (26 novembre 1760, Vienne), Haydn signa avec le prince Paul II Anton Esterházy, le plus riche seigneur de Hongrie, un contrat (souvent cité comme typique des conditions imposées au musicien d'Ancien Régime) le nommant vice-maître de chapelle responsable de toute la musique du prince, à l'exception du domaine religieux, réservé en principe au maître de chapelle Gregor Joseph Werner (à la mort de Werner en mars 1766, Haydn lui succéda comme maître de chapelle). La résidence principale du prince hors de Vienne était Eisenstadt (en hongrois, Kismarton, à l'ouest de la Hongrie, aujourd'hui capitale de la province orientale autrichienne du Burgenland). Le prince Paul II Anton ayant disparu le 18 mars 1762, son frère Nicolas, qui devait bientôt mériter le nom de Nicolas le Magnifique, lui succéda. Haydn devait servir ce prince pendant vingt-huit ans, jusqu'à la mort de celui-ci en 1790. Le château d'Eisenstadt ne suffit bientôt plus à Nicolas. Avant son avènement, il avait habité un pavillon de chasse à Süttor (aujourd'hui Fertöd), dans la plaine hongroise, à l'extrémité sud du lac de Neusiedl. L'endroit était marécageux, mais cela n'empêcha pas le prince d'y faire édifier un magnifique château que les contemporains n'hésitèrent pas à comparer à Versailles. Dès 1766, ce château était officiellement appelé Eszterháza. Haydn et ses musiciens s'y installèrent définitivement en 1769. Pourtant, Eszterháza ne fut considéré comme vraiment terminé qu'en 1784, avec l'inauguration de la cascade face au bâtiment central. Le château comprenait alors 126 pièces, et sa construction avait coûté 13 millions de florins (en 1761, le salaire annuel de Haydn, augmenté par la suite il est vrai, avait été fixé à 400 florins par an). Pendant plus de vingt ans, concerts, représentations d'opéras, représentations théâtrales (Haydn put voir des pièces de Shakespeare), fêtes et illuminations s'y succédèrent sans relâche, l'été surtout, car en principe le prince et sa cour passaient l'hiver à Vienne. La saison de 1778, pour ne prendre qu'un exemple, dura cependant du 23 janvier au 22 décembre, avec un total de 242 manifestations. Parmi les grandes festivités organisées à Eszterháza, il faut citer celles de juillet 1772 en l'honneur du cardinal de Rohan, ambassadeur de France à Vienne et futur héros de l'affaire du Collier, celles de septembre 1773 en l'honneur de l'impératrice Marie-Thérèse et celles d'août 1775 en l'honneur de l'archiduc Ferdinand, troisième fils de l'impératrice.

Haydn, maître de chapelle

Haydn, chez les Esterházy, se trouvait à la tête d'une troupe de chanteurs et d'instrumentistes de très grand talent certes, mais parfois turbulents. Il noua avec beaucoup d'entre eux, en particulier avec le violoniste Luigi Tomasini, des relations d'amitié assez étroites et fut plus d'une fois témoin à leur mariage ou parrain de leurs enfants. Mais la vie n'était pas seulement idyllique. Pétitions, requêtes, querelles et cas litigieux étaient monnaie courante, et Haydn servait en général d'intermédiaire entre l'intéressé et le prince. Fin 1765, le flûtiste Franz Nigst fut renvoyé : son fusil de chasse avait explosé alors qu'il visait des oiseaux sur le toit d'une maison princière, et cette maison avait brûlé complètement. Il y eut aussi la rixe qui, en novembre 1771, opposa dans une taverne d'Eisenstadt le violoncelliste Franz Xaver Marteau au flûtiste Zacharias Pohl, et au cours de laquelle ce dernier perdit un œil ; ou encore la violente querelle qui, en 1769, opposa les deux violoncellistes Ignaz Küffel et Joseph Weigl. Dans cette perspective, le célèbre épisode de la symphonie des Adieux (novembre 1772) n'apparaît que comme un cas parmi d'autres.

   Haydn se plaignit souvent de devoir rester isolé à Eszterháza et de ne pouvoir se rendre comme il le voulait à Vienne. Il reconnut cependant que cette situation avait ses avantages : « À la tête d'un orchestre, je pouvais faire des expériences, j'étais libre de changer, d'améliorer, d'ajouter ou de supprimer, de me livrer à toutes les audaces. Coupé du monde, je n'avais personne pour m'importuner, et fus forcé de devenir original. » Il reste qu'au fil des ans cette situation lui pesa toujours plus et qu'il chercha toujours davantage des contacts avec l'extérieur, tant sur le plan professionnel que personnel. Jusque vers 1780, nous sommes assez mal renseignés. En 1766, Haydn acheta à Eisenstadt une maison qui brûla deux fois (1768 et 1776). En 1768, il envoya au monastère de Zwettl, en Basse-Autriche, sa cantate Applausus accompagnée d'une lettre de recommandations en dix points, précieuse aussi bien par les renseignements qu'elle contient sur les conditions d'exécution de la musique au XVIIIe siècle que sur la conception qu'avait Haydn de son rôle de chef d'orchestre. Le 22 mars 1770, il dirigea à Vienne son opéra Lo Speziale, « l'Apothicaire », créé deux ans auparavant à Eszterháza. Les 2 et 4 avril 1775, son oratorio Il Ritorno di Tobia était créé dans la capitale.

   En 1779 arriva à Eszterháza la chanteuse Luigia Polzelli, ce qui consola tant soit peu Haydn d'un mariage malheureux. Le prince Esterházy développait alors pour l'opéra italien une passion qui remplaça vite celle qu'il avait eue pour le baryton, instrument de la famille des violes, dont il avait longtemps joué lui-même. Haydn dut donc déployer dans le domaine de l'opéra une activité fébrile, dirigeant non seulement ses propres ouvrages, mais ceux de ses contemporains (Anfossi, Gazzaniga, Traetta, Sarti, Piccinni, Grétry, Paisiello, Cimarosa). Il ne se borna pas à les choisir, à les faire répéter et à les diriger, mais il les révisa plus ou moins profondément sur le plan musical, allant même, selon une coutume de l'époque, jusqu'à remplacer tel ou tel air par un autre de sa composition. De 1780 à 1790, il s'occupa ainsi de 96 opéras différents, dont 17 pour la seule année 1786, ce qui, compte tenu des reprises, correspondait à un total de 1 026 représentations, dont 125 pour 1786 ! On s'étonne que, dans ces conditions, il ait encore trouvé le temps de composer.