Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
S

Swieten (Gottfried, baron Van)

Diplomate, mécène et compositeur autrichien de naissance hollandaise (Leyde 1733 – Vienne 1803).

Fils de Gerhard Van Swieten, médecin personnel de l'impératrice Marie-Thérèse à partir de 1745, il entra dans le service diplomatique autrichien en 1755, séjournant à Bruxelles (1755-1757), Paris (1760-1763), Varsovie (1763-64) et Londres (1769). Au cours de ces années, il écrivit 3 opéras-comiques, les Talents à la mode, Colas, toujours Colas et la Chercheuse d'esprit (perdu). Il composa au moins 10 symphonies, dont 7 ont survécu. Il fut, de 1770 à 1777, ambassadeur d'Autriche à Berlin, où il développa un goût pour la musique de J.-S. Bach et de Haendel, et d'où il commanda à C. P. E. Bach, alors à Hambourg, 6 symphonies pour cordes (1773). À son retour à Vienne, il devint bibliothécaire impérial, et, comme président de la commission de l'éducation et de la censure, participa activement à la politique de réformes de Joseph II. Il fit connaître à Mozart la musique de Bach et de Haendel, et, après 1785, pour promouvoir des exécutions privées d'oratorios, fonda la Gesellschaft der Associierten (Société des associés), composée d'une douzaine de membres de la haute aristocratie, dont lui-même, jouant un rôle de mécène. C'est pour cette société que Mozart réalisa ses arrangements d'Acis et Galatée (1788), du Messie (1789) et enfin de l'Ode à sainte Cécile et d'Alexanders Feast (1790) de Haendel, et que Haydn composa la version vocale des Sept Paroles du Christ (1796), puis surtout la Création (1798) et les Saisons (1801). De la Création et des Saisons, Van Swieten rédigea en outre les livrets. Beethoven, qu'il avait protégé dès son arrivée à Vienne en 1792, lui dédia sa Première Symphonie (1800), et Forkel sa biographie de J.-S. Bach (1802).

swing

Courant rythmique propre au jazz, qui résulte d'une certaine construction de la phrase, d'une distribution typique des accents, de leur mise en place dans l'exécution et du caractère à la fois vivant et décontracté de celle-ci.

Différents types de swing sont concevables, selon que la section rythmique met plus ou moins en valeur l'afterbeat, mais un accord doit toujours se faire, sur le plan de la dynamique comme sur celui des durées, entre la section rythmique et le soliste (ou les divers pupitres de l'orchestre). Historiquement, le swing se manifeste à toutes les époques de l'histoire du jazz, mais c'est à partir de 1930-1935 qu'il cesse d'être un don individuel assez rare pour devenir une acquisition collective, permettant ainsi la constitution d'un nombre relativement élevé d'orchestres de jazz. Dans le free jazz, toutefois, la recherche du swing cesse d'être la motivation essentielle du musicien. Ultérieurement, certains chefs d'orchestre, en intégrant à l'occasion la rythmique binaire du rock'n'roll, ont accepté de ne plus même se référer à cette notion longtemps tenue pour fondamentale.

Swing craze : période, de 1935 à 1941, pendant laquelle le jazz orchestral, qu'on appelait alors « swing music », fut très apprécié du grand public américain.

symphonie

Dans son sens principal, le terme de symphonie désigne le plus important genre orchestral, avec le concerto, de la musique occidentale à partir du XVIIIe siècle ; le plus représentatif aussi, puisque la symphonie beethovénienne a été dans toute la planète l'ambassadrice privilégiée de cette musique.

Caractéristiques

La symphonie est caractérisée par :

   ­ l'emploi de l'orchestre comme ensemble-masse, sans qu'il y ait opposition permanente d'un soliste à cette masse ; les solos dans les symphonies sont en principe des « prises de parole » isolées, au nom et au bénéfice de l'ensemble dont ils se détachent ;

   ­ un plan en 4 mouvements, disposés selon le moule de la sonate classique : allégro de forme sonate, précédé ou non d'une courte introduction lente ; mouvement lent, adagio ou andante ; menuet ou scherzo dansant à trois temps ; finale rapide de forme sonate, ou rondo-sonate ; on a parfois appelé, pour cette raison, la symphonie une sonate pour orchestre ;

   ­ des proportions qui, après Haydn, « fondateur » de la symphonie au sens moderne, et à partir de Beethoven, tendent (à de notables exceptions près il est vrai) à être de plus en plus importantes (une heure et demie chez Mahler, voire deux heures chez Messiaen).

   Étymologiquement, le terme de symphonie dérive du grec symphonia (sun, « avec » ; phônê, « son »), « union de sons », « harmonie », « accord », « consonance » et aussi « concert ». Il a pris par métonymie une foule de sens, désignant tantôt un instrument (dans l'Antiquité une sorte de tambour et au Moyen Âge, sous le nom de « chifonie » ou « chifoine » la vielle à roue ou un autre instrument basé sur le même principe), tantôt la masse de l'orchestre lui-même, tantôt une intervention purement instrumentale ou orchestrale au sein d'une œuvre vocale sacrée (motet) ou profane (opéra), et enfin, à partir du XVIIe siècle, différents genres musicaux d'abord peu définis, dont le point commun était d'employer le ou les instruments sans la voix ni le texte, qu'il s'agisse de suites instrumentales (Symphonies pour les soupers du roy, de Michel Richard Delalande), de pièces polyphoniques pour instruments seuls (les sinfonie de Rossi et Banchieri) ou même de pièces instrumentales en solo (sinfonia au début d'une partita pour clavecin de Jean-Sébastien Bach). La symphonie moderne ne s'est trouvée qu'au milieu du XVIIIe siècle, mais il est curieux de noter qu'elle s'est définie d'abord par l'exclusion de la voix et du texte, et que celui qui l'a portée le plus haut, Beethoven, est aussi celui qui a fini par y réincorporer, dans sa 9e, le texte et la voix. Comme si la symphonie avait toujours conservé un rapport secret avec la voix humaine et la musique dramatique, fût-ce sous la forme de l'exclusion ou de la sublimation.

   Au XVIIe siècle, le dictionnaire de musique de Brossard définit la symphonie comme une « composition pour les instruments », et, dans celui de Jean-Jacques Rousseau on lit que « le mot symphonie s'applique à toute musique instrumentale, tant à des pièces qui ne sont destinées que pour les instruments, comme les sonates et les concertos, qu'à celles où les instruments se trouvent mêlés avec les voix, comme dans nos opéras et dans plusieurs autres sortes de musique ».

   On fait dériver la symphonie au sens moderne, c'est-à-dire la « sonate pour orchestre » dont Haydn a stabilisé le moule, de genres tels que l'ouverture d'opéra à l'italienne, avec ses 3 mouvements vif-lent-vif, jouée avant le lever du rideau, ou que l'ouverture d'opéra à la française fixée par Lully, également à 3 parties, mais dans l'ordre inverse : lent (pointé)-vif (fugué)-lent. De l'ouverture à la française, la symphonie aurait gardé le principe d'une introduction lente au premier mouvement rapide, enchaînée directement à lui. Les genres de la suite, du concerto et de la sonate instrumentale ont également contribué à la naissance de la forme symphonique.

Naissance de la symphonie classique

Le XVIIIe siècle voit d'une manière générale l'émancipation des formes instrumentales en dehors du cadre religieux ou dramatique, c'est-à-dire en dehors de la voix, du texte et du rite. Parallèlement à la symphonie, et en rapports étroits avec elle, naquit et se développa la salle de concerts. On sait l'importance qu'eut en France et en Europe la fondation d'une institution comme le Concert spirituel, grande consommatrice de pièces instrumentales, et en particulier de symphonies : ces pièces, destinées au début à être exécutées avant les grands motets, attirèrent peu à peu l'intérêt. Au Concert spirituel furent jouées les symphonies d'auteurs français comme Charles-Henri Blainville (né en 1711), Louis-Gabriel Guillemain, François Martin (1727-1757), Joseph Touchemoulin (1727-1801), Jean-Baptiste Miroglio, et plus tard celles de François Joseph Gossec (1734-1829), auteur d'une quarantaine de symphonies qui purent le faire passer pour un Haydn français. La plupart de ces symphonies françaises sont encore en 3 mouvements.

   Les origines de la symphonie de concert sont aussi à chercher en Italie, du côté des sinfonie (pluriel de sinfonia) émancipées de leur fonction de préludes d'opéras, mais surtout de l'autre côté du Rhin : d'abord à Vienne, avec les symphonies en 3 ou en 4 mouvements de ces prédécesseurs ou contemporains de Haydn que furent G.-M. Monn (1717-1750), Wagenseil (1715-1777), Carlo d'Ordonez (1734-1786), Michael Haydn (1737-1806), Johann Baptist Vanhal (1739-1813) ou Carl Ditters von Dittersdorf (1739-1799). Il est vrai que l'époque consommait les symphonies comme aujourd'hui le public consomme des films, et Barry S. Brook, dans une étude sur la symphonie française à l'époque, compte environ 1 200 symphonies différentes exécutées à Paris entre 1750 et 1800.

   Mais c'est surtout à Mannheim que l'on a voulu localiser la naissance de la symphonie moderne. De l'école de Mannheim, il semble à présent que l'on ait surestimé le rôle, même s'il ne fut pas mince. Les précurseurs et les modèles de Haydn sont en effet à rechercher à Vienne, et non à Mannheim. L'orchestre de Mannheim, assez important en effectifs, et dont le premier chef fut Johann Stamitz, permit à la symphonie de trouver un certain équilibre formel et orchestral (FORME SONATE).

   Il faut signaler aussi, en Allemagne et en Angleterre, les symphonies de J. H. Hasse (1699-1783), de Johann-Gottlieb Graun (1698-1771), Karl-Henrich Graun (1701-1759), de J.-M. Molter (1695-1765), sans oublier celles des quatre fils de Jean-Sébastien Bach.

   Dans toute cette activité symphonique européenne, s'affirment, malgré les différences notables quant au nombre et à la nature des mouvements, à la forme, à l'orchestration et au statut donné au genre, quelques constantes : raffinement de l'écriture orchestrale, des nuances et des procédés d'exécution ; enrichissement de la palette, avec des instruments à vent plus individualisés, sortant parfois de leur rôle de doublure ou de soutien harmonique pour tenir une partie propre ; allégement progressif de la basse continue. Ainsi, l'orchestre assouplit ses articulations et assoit sa formule de base : la naissance du genre de la symphonie s'accompagne de celle de l'orchestre symphonique au sens moderne.