prolation
Procédé « solfégique » de la notation proportionnelle en usage aux XIVe et XVe siècles, permettant de diviser une valeur tantôt en 2, tantôt en 3.
D'abord terme général, le mot s'est progressivement limité à la division de la semi-brève (graphie de notre ronde actuelle) en minimes (graphie de notre blanche actuelle) : selon une convention fixée par le signe de « mesure » précédemment apposé, la semi-brève se divisait tantôt en 2 minimes (prolation mineure), tantôt en 3 (prolation majeure). La prolation constituait le troisième échelon de la progression mode (longues en brèves), temps (brèves en semi-brèves), prolation enfin (semi-brèves en minimes). L'expression n'est plus employée aujourd'hui, mais la prolation mineure n'en a pas moins été conservée, tandis que la prolation majeure s'est vue remplacer selon les cas soit par le système des triolets, soit par la division ternaire des mesures composées.
prologue
Situé après l'ouverture (ou sinfonia), il s'agit de la première scène, rattachée ou non à l'action principale, qui sert d'introduction à un opéra. La majeure partie des opéras à l'époque baroque comporte un prologue. Une introduction apparemment banale peut, au moyen de l'allégorie, transformer le livret en un sujet d'actualité, comparant les exploits du héros à ceux du dédicataire de l'ouvrage, qui, le plus souvent, est l'objet même de sa création. C'est le cas des premiers opéras, ou favole in musica, créés à Florence ou à Mantoue. Le prologue, en imitation des deux pastorales dramatiques qui ont mené directement à l'opéra (Aminta du Tasse ; Il Pastor Fido de Guarini) prend d'abord la forme d'un air strophique, chanté par une voix seule. Ainsi, dans l'Euridice de Rinuccini/Peri (1600), la tragédie s'adresse à Marie de Médicis, à l'occasion de son mariage avec Henri IV, et lui demande d'écouter le chant du Thracien Orphée. Au cours des années, le prologue se développe, incorporant d'autres personnages allégoriques qui veillent sur le déroulement de l'action (la Nature, l'Éternité, le Destin). Cependant, en Italie, le prologue, après l'ouverture des théâtres publics, et l'éloignement de l'opéra des cours princières vers un nouveau centre (Venise), ne jouera plus son rôle glorificateur. Désormais, il se lie davantage à l'action. Par exemple, dans le prologue de l'Egisto (1643) de Cavalli, la Nuit, puis l'Aurore introduisant la scène initiale de l'acte I et la rencontre baignée de soleil des amants : Ecco l'alba, ecco Clori.
En France, le prologue joue un rôle politique pendant plus d'un siècle. Celui d'Ercole amante (1662) associe les victoires glorieuses d'Hercule à celles de Louis XIV et bénit son mariage de paix avec Marie-Thérèse d'Autriche. Puis, à l'Académie royale de musique, les ouvrages lyriques de Lully et Rameau continueront cette tradition : le triomphe de l'amour et du pouvoir absolu de la monarchie sur toutes les adversités. Contrairement à ce qu'on a longtemps prétendu, le prologue possède toujours un rapport avec le sujet de l'opéra. Zoroastre (1749) de Rameau est le premier opéra français dépourvu de prologue mais, encore en 1777, J.-J. Rousseau précise que « les opéras français sont… les seuls où l'on ait conservé des prologues ». Sa description du terme mérite d'être citée : « Comme le sujet des prologues est ordinairement élevé, merveilleux, ampoulé, magnifique et plein de louanges, la musique en doit être brillante, harmonieuse, et plus imposante que tendre et pathétique » (Dictionnaire de musique).
La période classique (Gluck, Haydn, Mozart) abandonne le prologue presque entièrement. Au XIXe siècle, il réapparaît occasionnellement, mais, cette fois, il sera purement dramatique. Chez Wagner, l'Or du Rhin forme un prologue à l'ensemble du Ring. Puis, chez Leoncavallo, on retrouve le prologue sous forme de monologue, comme à ses débuts Paillasse. Les opéras avec un prologue ne sont pas rares au XXe siècle ; citons, de R. Strauss, Ariane à Naxos, 1912 ; de Prokofiev, l'Amour des trois oranges, 1921 ; de Berg, Lulu ; de Britten, Peter Grimes, 1945 ; de Poulenc, les Mamelles de Tirésias, 1947 et, de Dallapiccola, Ulysse, 1968.
prolongation
1. On appelle ainsi le fait de maintenir une valeur au-delà de sa durée écrite soit par un signe spécial (point, point d'orgue, etc.), soit en la liant à une autre dont la durée s'additionne à la sienne sans donner lieu à une nouvelle attaque.
2. En harmonie, on appelle parfois prolongation le maintien d'une note au-delà de la consonance qui la justifiait ; la prolongation prend le plus souvent le nom des diverses catégories de notes étrangères qu'elle engendre : retard, pédale, etc.
proportion
1. Manière dont les parties d'un tout s'équilibrent entre elles et avec ce tout. C'est le sens usuel, valable en musique comme ailleurs.
2. En acoustique, rapport de nombres définissant un intervalle. Le rapport de 1 à 2, de 1 à 3, etc., s'appelle proportion double, triple, etc. ; le rapport de 2 à 3 s'appelle proportion hémiole ou sesquialtère. Une proportion est dite superpartielle, ou superparticulière, quand l'un de ses nombres est supérieur ou inférieur à l'autre d'une unité, ce qui est toujours le cas quand l'intervalle en cause correspond à deux harmoniques consécutifs d'une même fondamentale. La théorie ancienne classait également les proportions en 3 catégories : arithmétique, harmonique, géométrique, principalement lorsqu'elle s'appliquait à la recherche des médiétés, c'est-à-dire de la manière dont, entre les sons A et B d'un intervalle connu, doit se placer un son x susceptible de le diviser rationnellement pour former deux intervalles nouveaux. Les sons sont, on le rappelle, définis sur le monocorde par un nombre représentant la longueur de corde qui les produit à partir d'un point commun d'origine de valeur zéro. Peu importe le choix du nombre initial et de l'unité de mesure, puisque seules comptent les proportions, c'est-à-dire les rapports. On peut également « tirer », c'est-à-dire faire résonner la corde, indifféremment à droite ou à gauche, à condition de compter à partir du même point zéro, puisque les proportions restent les mêmes.
Soit par exemple une octave B = 2A, dont A = 6, B = 12. Selon la proportion arithmétique, x est donné par la formule :soit x = 9
Elle divise l'octave, de bas en haut, 2 en quarte + quinte. Selon la proportion harmonique, inverse de la précédente, x est donné par la formulesoit x = 8.
Elle divise l'octave, de bas en haut, en quinte + quarte. Selon la proportion géométrique, x est donné par la formule, soit. Elle divise l'octave en deux intervalles égaux de triton. Cette dernière proportion, aux nombres irrationnels, est en général négligée par les anciens théoriciens. Ceux-ci ont d'abord considéré les deux premières comme de valeur équivalente, puis ont peu à peu découvert la prééminence de la proportion harmonique dans le mode naturel de formation des intervalles par la résonance, dont le phénomène des harmoniques est l'expression privilégiée (d'où le nom qu'on leur a donné lors de leur découverte au début du XVIIIe s.).
3. Dans la notation des XIIIe-XVIe siècles, dite pour cette raison « proportionnelle », on appelait « proportion » la manière variable dont, selon les cas, une valeur pouvait se diviser tantôt en 2 (proportion double) tantôt en 3 (proportion triple). Selon qu'elle s'appliquait aux longues, brèves ou semi-brèves, la proportion à partir du XIVe siècle prit le nom de mode, temps ou prolation.
4. Par extension du sens précédent, on appelait proportion, aux XVe et XVIe siècles, le procédé consistant à signaler une augmentation ou diminution de valeur par simple changement de l'unité de battue sans en modifier l'écriture. La pratique des proportions a engendré un système compliqué de signes conventionnels, dont nous avons conservé des résidus tels que le demi-cercle (improprement appelé « lettre C ») et son dérivé C barré ; il y a, en effet, « proportion double » dans le fait que la même valeur (blanche) vaut 2 temps avec C et un seul avec C barré.