Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Teyte (dame Maggie Tate)

Soprano anglaise (Wolverhampton 1888 – Londres 1976).

Elle complète des études de chant faites au Collège royal de musique de Londres en suivant, à Paris, l'enseignement de Jean de Reszke et de Reynaldo Hahn. Pour ses débuts, elle interprète le rôle de Zerline (Paris, 1905 ; Monte-Carlo, 1907). Membre de la troupe de l'Opéra-Comique (1908-1910), où elle est utilisée à contresens, elle est remarquée par Debussy, qui la choisit pour chanter Mélisande après la créatrice, Mary Garden (Paris, 1908 ; Londres, 1910), rôle qu'elle reprend encore à soixante ans passés (New York City Opera, 1948). Elle interprète Chérubin pour ses débuts américains, en 1911 à Philadelphie, et, plus tard, au Covent Garden (1922-23), fait partie de la troupe de l'Opéra de Chicago (1912-1914) et chante également à Boston (1915-16). Mais sa carrière lyrique, malgré ces brillantes incarnations, et quelques créations dont Circé de Hillemacher (1908), le Secret de Suzanne de Wolf-Ferrari (1909) et The Perfect Fool de Holst (1923), s'efface devant son dévouement à la cause de la mélodie française, dès la fin de la Première Guerre mondiale (accompagnée par Cortot ou Gerald Moore), puis durant la Seconde lors de concerts de soutien à la cause alliée. Elle fait ses adieux en 1951, à Londres, en chantant Didon et Énée de Purcell, aux côtés de Flagstad.

Thaïlande

La musique thaïlandaise, dont les origines demeurent obscures, a été influencée successivement par les éléments indiens, khmers et chinois. Si le Nâtyaçâstra de Bharata continue à en marquer l'essentiel, comme dans le théâtre dansé, la civilisation khmère, également pénétrée d'hindouisme, a été assimilée par les Thaïs venus du sud de la Chine dans une synthèse des deux traditions qui s'est imposée au cours des siècles. Appartenant, comme le Cambodge et le Laos, au « petit véhicule », le bouddhisme thaïlandais se différencie peu de ses voisins dans sa musique rituelle, en dehors d'une accélération rythmique particulièrement sensible pendant les dernières décennies et qui a elle-même influencé la musique cambodgienne. Réciproquement, c'est le Cambodge qui a donné au ballet thaïlandais ses plus récents exemples, au point d'en avoir pratiquement éliminé tout élément national.

   Les deux formes traditionnelles de la musique thaïlandaise sont le ruang et le thao, cette dernière n'étant qu'une suite de séquences empruntées au ruang et mêlant la voix aux instruments en vertu d'un même principe structurel. Le ruang comporte une mélodie principale revenant inlassablement soit dans sa forme originelle, soit dans des variantes qui en respectent l'esprit et le schéma. Elle est toujours binaire et diatonique et fondée sur un certain nombre de cellules et de formules cadentielles transmises de génération en génération suivant des règles strictes, de même que ses accents rythmiques qui tombent obligatoirement sur les temps pairs (2 et 4) de chaque groupe binaire.

   Les cinq modes correspondent aux notes de l'échelle pentatonique, comme dans la musique chinoise, mais chacun d'eux est défini par le degré fondamental qui est révélé au quatrième temps et qui en précise le caractère.

   Le thao, de conception plus récente, admet un principe de variations plus complexe qui double fréquemment la durée de la mélodie originelle, à la suite de quoi elle est répétée jusqu'à la moitié de cette durée. De même les mélodies anciennes (thaï) qui reposent, comme en Chine, sur un canevas pentatonique offrent un schéma plus simple et plus traditionnel que les récentes (mon), plus lyriques et s'écartant volontiers du cadre pentatonique pour utiliser les autres notes de l'octave dans le profil de la mélodie ou dans ses variations.

   L'octave est divisée en sept degrés égaux, chacun d'eux portant un nom qui correspond au style qu'il commande et à l'instrument traditionnellement requis pour ce style afin de créer le climat émotionnel particulier par l'approfondissement d'un état d'âme. Aussi bien l'accord des instruments à gamme fixe se fait sur les sept degrés qui composent l'octave.

   On distingue plusieurs ensembles instrumentaux : par exemple le pî phat, ensemble standard d'instruments à percussion mélodiques avec, en outre, un instrument à vent nommé et donnant son nom à l'ensemble ; le mahori, ensemble d'instruments à percussion mélodiques plus petits ; le kruang sai, ensemble à cordes comprenant notamment le jakhe à 3 cordes et le krajappi, sorte de luth avec résonateur.

   La sonorité de la plupart de ces instruments est, du reste, assez confidentielle et leurs moyens sont limités. Depuis la chute de Rama VII, le thao a consacré l'alternance des voix et des instruments en respectant la principale caractéristique du style vocal thaï qui consiste, à la fin de la mélodie, en une augmentation du volume sonore accompagnée d'un motif ornemental en fausset et fréquemment à la quarte supérieure de la note choisie comme base du mode.

   Cette musique, qui n'admet ni notation ni structure harmonique, a subi discrètement l'influence occidentale dans ses dessins ornementaux et rythmiques.

Thalberg (Sigismond)

Pianiste et compositeur autrichien (Genève 1812 – Naples 1871).

Formé à l'École polytechnique de Vienne, élève de Mittag, Sechter et Hummel, il donna très jeune de nombreux récitals privés. On l'opposa comme rival à Liszt, qui ne pouvait le souffrir, et, après une sévère critique de ce dernier contre une de ses compositions, l'affaire se conclut par une joute finale, à Paris en 1837, où Liszt remporta la palme. Thalberg fit des tournées couronnées de succès au Brésil (en 1855 et 1863), et en Amérique du Nord (1856). Pendant ses dernières années, il mena une vie retirée dans sa villa près de Naples, où il s'occupait de ses vignes. Il avait épousé en 1843 la veuve du peintre Boucher.

   Thalberg était réputé pour son legato, et on peut lui attribuer l'invention d'une technique reprise par Liszt, et consistant à faire chanter une mélodie dans le médium avec les deux pouces, tout en jouant des accords, des arpèges et des traits dans les graves et les aigus. Son jeu de virtuose lui valut de nombreux admirateurs, mais il était peu apprécié auprès de connaisseurs comme Chopin. Son œuvre est avant tout composée de nombreuses pièces pour piano solo (études, caprices, fantaisies sur des thèmes d'opéras, sonates), d'un Concerto pour piano op. 55, de cinquante-quatre lieder et de deux opéras (Florinda, 1851 ; Cristina di Svezia, 1865).