Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Campo y Zabaleta (Conrado del)

Compositeur espagnol (Madrid 1878 – id. 1953).

Il fit ses études au conservatoire de Madrid avec Amato, Hierro et Emilio Serrano. Violoniste, altiste et chef d'orchestre, il fonda l'Orchestre symphonique de Madrid et le quatuor Francès, puis le quintette Madrid, avec Joaquín Turina. Professeur d'harmonie au Conservatoire royal de Madrid, puis de contrepoint, fugue et composition, il mena de front ces différentes activités et l'élaboration d'une œuvre abondante qui s'inscrit dans le sillage du postromantisme germanique (influence de Richard Strauss).

   Plus que ses opéras et poèmes symphoniques, ses seize quatuors à cordes constituent la partie la plus originale de son catalogue et même la plus importante contribution de l'école espagnole à la musique de chambre. Il a formé de nombreux disciples, tels Bacarisse, Bautista, Cristobal Halffter, Manuel Parada, etc., et son rôle d'animateur, surtout comme membre du quatuor Francès, a été considérable pour la connaissance de la musique instrumentale et la constitution d'un répertoire (Arregui, Villar, Chapi, etc.).

Œuvres

Pièces pour orchestre

La Divine Comédie pour chœurs et orchestre (1905-1908), Granada (1917), Kasida (1920), Ofrenda a los caídos (1938), Ofrenda a la Santísima Virgen (1944) [poèmes symphoniques]. El Viento en Castilla (1942), Suite madrileña (1934), Concerto pour violon (1938), Concerto pour violoncelle (1944), Evocación de Castilla pour piano et orchestre (1931), Fantasía castellana pour piano et orchestre (1939).

Musique théâtrale

Quinze opéras, dont : El Avapies (1918), Bohemios (1919), La Malquerida (1925), Lola la Piconera (1949). ­ 20 zarzuelas, dont : La Flor del agua (1912), El Burlador de Toledo (1933), El Demonio de Isabela (1949). Musique religieuse. 2 messes, psaumes, motets. Ballets. Mascarada (1921), En la pradera (1943).

Campra (André)

Compositeur français (Aix-en-Provence 1660 – Versailles 1744).

Fils d'un chirurgien originaire de Turin, Campra bénéficia, dès 1674, dans sa ville natale, à la cathédrale Saint-Sauveur, d'une excellente formation musicale, sous la direction de G. Poitevin. En 1681, il fut nommé maître de chapelle à Saint-Trophime d'Arles et deux ans plus tard à Saint-Étienne de Toulouse. En 1694, il obtint le poste de maître de musique à Notre-Dame de Paris, poste auquel il dut renoncer en 1700, pour se consacrer au genre profane que représentait l'opéra. Son premier ouvrage lyrique, l'Europe galante, avait connu en 1697 un très grand succès. Il fut suivi par une quinzaine d'opéras-ballets et de tragédies lyriques, dont certains, comme Hésione (1700), Tancrède (1702) ou les Fêtes vénitiennes (1710), eurent le privilège d'être repris plusieurs fois du vivant même de l'artiste. Dès les premières années du XVIIIe siècle, Campra fut chef d'orchestre à l'Académie royale de musique et devint à Paris un compositeur célèbre. Il donnait des leçons au duc de Chartres, qui réunissait dans son entourage des musiciens comme Morin, Gervais et Forqueray. Professeur également du futur Régent, il allait bénéficier de la protection de cette personnalité après la mort de Louis XIV : en 1718, il reçut une pension annuelle de 500 livres et, en 1722, il fut nommé sous-maître à la chapelle royale de Versailles. Cet emploi à la cour et celui qu'il exerçait, depuis 1721, chez les jésuites l'amenèrent à écrire davantage pour la musique religieuse : Campra lui consacra une trentaine de motets, une messe de requiem, des psaumes et de nombreuses pièces, aujourd'hui presque toutes perdues, destinées aux spectacles du collège Louis-le-Grand. Il ne laissa plus, en dehors de remaniements d'anciens ouvrages lyriques, qu'un seul opéra, Achille et Déidamie, créé en 1735, et ce malgré le poste d'inspecteur de l'Académie royale de musique, qu'il avait reçu en 1730, en remplacement de Destouches. Quelques circonstances lui donnèrent, toutefois, l'occasion de se tourner encore vers le genre profane : il composa en 1722 pour le prince de Conti, la Fête de l'Isle-Adam (musique perdue) et, en 1724, à l'occasion du mariage du duc de Chartres, le Lis et la Rose, œuvre qu'il inséra dans son dernier livre de cantates, paru en 1728. En dépit du renom dont il avait joui auprès des mécènes à la ville et à la cour, Campra passa les dernières années de sa vie dans un très grand dénuement et mourut en 1744 dans un modeste logement à Versailles.

   L'œuvre de Campra doit être appréciée dans sa diversité. Les motets et les messes témoignent généralement d'une recherche à la fois mélodique et harmonique, caractéristique de leur époque de création, en dépit d'une réelle originalité, sensible notamment dans le Requiem. On y retrouve la majesté pathétique de Delalande et l'union des goûts français et italien, chère aux contemporains du musicien aixois. La sonate et la cantate, genres ultramontains par excellence, exercèrent, avec l'opéra, une influence notable dans l'accompagnement instrumental et dans l'alternance des récits et des airs.

   L'œuvre lyrique du compositeur est représentée par deux genres : l'opéra-ballet et la tragédie lyrique. Bien que Campra n'ait pas créé le premier, il a toutefois beaucoup contribué à son épanouissement. Il a bénéficié de la vogue dont jouissait le goût pour la couleur locale, goût que se plaisait à montrer généralement ce spectacle. Il a su avec charme et raffinement peindre des scènes vénitiennes en usant d'éléments directement empruntés au style ultramontain. C'est particulièrement sensible dans le petit opéra Orfeo nell inferi, écrit en 1699 sur des paroles italiennes, auquel on assiste à la fin du Carnaval de Venise et dans les trois cantates qui figurent dans les Fêtes vénitiennes.

   Les tragédies lyriques de Campra s'inscrivent davantage dans la tradition lullyste, que le compositeur a su toutefois renouveler : une instrumentation recherchée et une inspiration originale lui ont permis de laisser des pages délicates et poétiques, comme les célèbres plaintes des arbres de la forêt enchantée dans Tancrède. Par là, Campra ne doit pas être considéré comme un artiste de transition entre Lully et Rameau, mais avant tout comme l'un des meilleurs représentants de l'opéra français.