sonate (genre) (suite)
La sonate moderne et contemporaine
Dans l'évolution plus récente du genre, on peut distinguer deux facettes, qui ont différemment évolué : soit la sonate en tant que forme définie par ses trois ou quatre mouvements et par son plan proche de celui de la symphonie ; soit la sonate comme genre consistant à mettre en valeur, à faire sonner un instrument généralement accompagné par le piano et faisant la démonstration de ses possibilités (sonates pour violon, violoncelle, mais aussi pour instruments à vent, ces dernières se développant au XXe siècle particulièrement).
Sonate pour piano seul
L'évolution de la sonate pour piano vers une conception plus sérieuse, construite et méditée (par opposition à la littérature pianistique « pittoresque » ou « impressionniste » se développant parallèlement), se confirme à la fin du XIXe siècle et au XXe siècle. Les sonates pour piano isolées et denses d'Alban Berg (op. 1, 1907-1908), de Béla Bartók (1926), de Paul Dukas (1900), dont Debussy salua l'« émotion hermétique », de Georges Auric (op. 32), considérée par certains comme son chef-d'œuvre, et, bien plus tard, la grande sonate d'Henri Dutilleux (1949), sont des pièces très construites et volontaristes, où l'auteur a mis la part la plus sérieuse et la plus essentielle de son inspiration. En revanche, ces deux compositeurs-pianistes que sont Scriabine, avec ses dix sonates, et Prokofiev, avec ses onze sonates (dont l'admirable Septième) les deux dernières ayant été laissées inachevées en 1953 , sont presque les seuls, dans l'époque moderne, à se lancer dans de grands cycles. On citera aussi les deux sonates de Stravinski, dont celle pour piano seul (1924), explicitement inspirée par le travail architectural des sonates de Beethoven, mais aussi la Sonate pour deux pianos, 1943-44 les deux sonates de Rachmaninov, les deux de Chostakovitch, et la Sonata canonica écrite par Luigi Dallapiccola.
Quand l'ambition se fait plus modeste, on parle de sonatine, comme chez Maurice Ravel, Maurice Emmanuel, ou encore Sibelius. Quant aux trois sonates de Pierre Boulez, elles sont des étapes dans un processus de prise en compte, puis de destruction du moule traditionnel. La deuxième, écrite en 1950, aux dires de son auteur, est conçue comme une dissolution systématique des formes classiques attachées à chaque mouvement de la sonate classique (forme sonate du premier mouvement, mouvement lent, forme scherzo, forme canonique et fuguée pour le dernier mouvement), et Boulez signale cette œuvre comme la dernière où il fait référence aux modèles traditionnels. La troisième sonate, sous-titrée Formants, reconstruit sur cette destruction le projet d'une œuvre à multiples parcours, dont l'auteur s'est expliqué dans son article Aléa (on peut en jouer les segments dans différents ordres).
Quant à la Sonate pour deux pianos et percussion de Bartók, elle mérite ce titre par la tension formelle qui parcourt ses trois mouvements ; car il est courant que la sonate moderne se limite à trois mouvements, et non à quatre, pour obtenir un effet de concentration de pensée accrue.
Sonate pour piano et violon
On connaît les sonates françaises de Saint-Saëns (op. 75 et op. 102), de Fauré, de D'Indy, de Roussel, de Dukas, mais la plus célèbre et la plus « pensée », échappant au bavardage concertant, est la grande sonate cyclique en la majeur de César Franck (1886), où le travail d'engendrement des thèmes et d'évolution de la forme à partir de cellules d'intervalles génératrices est poussé extrêmement loin.
Chez Franck, la préoccupation formelle prime sur toute autre. D'autres sonates sont plutôt l'occasion de confronter ces deux entités, le violon et le piano, dans leur différence, qu'on met en évidence au lieu de la réduire : ainsi dans la sonate de Ravel (où l'auteur a voulu accuser l'incompatibilité des instruments) et peut-être dans les deux de Bartók (1921-22), remarquables en ce que les deux instruments n'y mettent pas en commun leurs motifs, et ont chacun des thèmes propres. On citera encore les deux sonates de Prokofiev (1938-1946 et 1944) la seconde étant une transcription de sa sonate pour piano et flûte , les deux d'Arthur Honegger, les trois de Darius Milhaud, les sept de Max Reger, les cinq de Martinů, sans oublier celles de Gabriel Pierné, Leoš Janáček, William Walton, Delius, etc.
Quant à la sonate pour violon et piano de Debussy (1915-1917), elle ne peut être citée qu'en la rattachant à ce cycle de six sonates que l'auteur voulait réaliser, et qu'interrompit sa mort : il n'en écrivit que trois, les deux autres étant la sonate pour piano et violoncelle, et la sonate pour flûte, alto et harpe : il est clair qu'il s'agit ici non de ressusciter ou de régénérer une forme, mais surtout de faire sonner des instruments solistes, dans un esprit de vagabondage formel et de légèreté.
Sonate pour violon seul
Glorieusement illustré par Jean Sébastien Bach, ce genre sévère a connu une certaine renaissance au XXe siècle avec les œuvres de Béla Bartók (1945), Prokofiev, Hindemith, Max Reger, Honegger, Migot, etc.
Formules diverses
Le violoncelle a été associé au piano dans la sonate déjà citée de Claude Debussy, mais aussi par Vincent d'Indy, Georges Migot, Hindemith, Prokofiev, Britten, Martinů, et utilisé en solo dans les sonates de Kodály et Sauguet.
La sonate pour flûte, comme les autres genres de sonates pour instruments à vent, est généralement traitée comme un genre aimable et rêveur avec les sonates et sonatines pour flûte et piano de Prokofiev, Poulenc, Dutilleux, Sauguet, Ibert, et même la Sonatine de Pierre Boulez.
Aujourd'hui, la sonate en tant que forme est, à quelques exceptions près, plutôt délaissée : si des œuvres d'avant-garde en prennent le titre (Sonate baroque, d'Alain Savouret, pour bande magnétique, et Sonata pian'e forte, de Gilbert Amy), c'est à un degré second, comme référence de genre et de forme complètement transposée et repensée.