Jobin (Raoul)
Ténor canadien (Québec 1906 – id. 1974).
Il est entièrement formé à Paris, au Conservatoire puis à l'Opéra, où il est pensionnaire dès 1930. De 1935 à 1940, il chante au Palais-Garnier et à l'Opéra-Comique les plus grands rôles du répertoire : Faust, Roméo, Lohengrin, Werther ou don José. En 1940, il part aux États-Unis, où il est engagé au Metropolitan de New York. Il y assume quatorze rôles d'opéras français en dix saisons, et dès 1946 fait son retour à l'Opéra de Paris. Retiré à Montréal en 1957, il y fonde une école de chant.
Jochum (Eugen)
Chef d'orchestre allemand (Babenhausen 1902 – Munich 1987).
Il a fait ses études au conservatoire d'Augsbourg, puis à l'Akademie der Tonkunst de Munich avec H. von Waltershausen, E. Gatscher, L. Maier, H. Röhr, W. Ruoff et S. von Hausegger. Il fut chef de chœur à Munich, Mönchengladbach, Kiel, Mannheim. De 1930 à 1932, il fut directeur général de la musique à Duisbourg. Il dirigea ensuite l'Opéra et l'Orchestre philharmonique de Hambourg (1934-1949), l'Orchestre de la radio bavaroise (à partir de 1949) et le Concertgebouw d'Amsterdam (1961-1964). Il fit avec ces ensembles de nombreux enregistrements, ainsi qu'avec les orchestres symphoniques de Berlin, de Bamberg, et le London Symphony Orchestra. Il a également dirigé à Bayreuth. Spécialiste de la musique allemande, il contribua grandement à imposer l'œuvre symphonique de Bruckner. Il est aussi réputé pour la gravité et la puissance qu'il sait conférer aux grandes œuvres religieuses (Passions de Bach, Missa solemnis de Beethoven).
jodler (prononcer yodleur)
Chant populaire sans paroles, typique des régions montagneuses et particulièrement pratiqué en Suisse, au Tyrol et dans les Alpes bavaroises, d'où son nom germanique généralement traduit en français par « tyrolienne ».
Le chanteur (plus rarement la chanteuse) qui « ioudle » ou « ioule » exécute sur des syllabes choisies pour leur sonorité des sauts dépassant parfois l'octave, en faisant alterner voix de poitrine et voix de tête. Plutôt qu'un mode d'expression artistique, c'est donc à l'origine une sorte de cri modulé, qui permet aux bergers de signaler leur présence à des distances considérables. Mais son caractère acrobatique et pittoresque, dépassant son rôle fonctionnel primitif, lui a donné droit de cité au concert et au théâtre. Offenbach, notamment, a introduit plus d'une « tyrolienne » dans ses opérettes.
Johansen (David Monrad)
ou David Monrad-Johansen
Compositeur norvégien (Vefsn 1888 – Sandvika 1974).
Représentant de la tendance national-romantique de l'après-Grieg, D. Monrad Johansen est avant tout un lyrique dont les premières œuvres utilisent aussi bien les thèmes folkloriques que la poésie épique des anciennes sagas et du Moyen Âge norvégien. La ballade Draumkvaedet (1921), l'oratorio Voluspå (1923-1926) et le cycle de mélodies Nordlands Trompet développent un style lapidaire et vigoureux que l'on retrouve dans la Fantaisie symphonique (1936) où le compositeur affirme le langage de sa maturité avec une grande maîtrise. Mais le plus intéressant est la remarquable assimilation de ce style avec les harmonies et les idiomatismes de l'impressionnisme français. Né de cette synthèse, le poème symphonique Pan, écrit en 1939 pour la célébration du quatre-vingtième anniversaire de l'écrivain K. Hamsun, est l'œuvre qui a valu au compositeur le plus grand succès ; l'orchestration très riche, l'écriture élaborée de l'ouvrage, contribuent à en faire un magnifique hommage au poète et à la nature norvégienne. Dans son ultime production, les Variations symphoniques (1944-1946), le Concerto pour piano (1952-1954) et le Quatuor à cordes (1969) sont les ouvrages les plus importants qui indiquent la volonté d'un retour vers les formes classiques.
Johnson (Robert)
Luthiste et compositeur anglais ( ? 1583 environ – Londres 1633).
Luthiste chez les King's Musicians à partir de 1604, il est au service de Jacques Ier et de Charles Ier en 1625. Il est l'auteur de pièces instrumentales, mais c'est surtout sa musique de théâtre qui est demeurée célèbre. De 1607 à 1617, il collabore aux productions de la King's Men Compagny of Players au Blackfriars, en composant musique de scène et chansons pour des pièces de Shakespeare (Macbeth, The Tempest, etc.), Middleton, Beaumont et Fletcher, entre autres, et des masques de Ben Jonson. Certaines de ses chansons sont très suggestives et il devient peu à peu très habile à traiter le rythme verbal. Il eut de nombreux imitateurs, dont Henry Lawes et T. A. Arne, et son œuvre est très importante pour notre compréhension des représentations de l'époque, en particulier dans le cas de Shakespeare.
Jolas (Betsy)
Femme compositeur française (Paris, 1926).
Fille de Marie Jolas, traductrice, et d'Eugène Jolas, poète et journaliste, éditeur de la revue littéraire Transition, elle s'établit aux États-Unis en 1940, où elle achève ses études classiques au lycée français de New York, puis au Bennington College, où elle obtient en 1946 le diplôme de Bachelor of Arts in Music. Elle commence ses études musicales en 1940 avec P. Boepple (harmonie et contrepoint), C. Weinrich (orgue) et Hélène Schnabel (piano). Simultanément, elle participe comme choriste, pianiste et organiste aux concerts des Dessoff Choirs de New York, dont l'expérience vocale lui fait découvrir Pérotin, Josquin, Lassus, Schutz et la musique de la Renaissance italienne ; ses œuvres futures en porteront la marque. Revenue en France en 1946, elle entre au Conservatoire national, où elle est élève de D. Milhaud et O. Messiaen et où elle obtient le 2e prix de fugue (1953), la 1re mention d'analyse musicale (1954) et le 2e accessit de composition (1955). Elle reçoit aussi la 1re mention au concours international de direction d'orchestre de Besançon (1953), le prix de la fondation Copley de Chicago (1954) et, plus tard, le prix des auteurs et compositeurs de langue française attribué par l'O. R. T. F. (1961), le prix de l'American Academy of Arts and Letters (1973), le grand prix national de la musique (1974), le prix de la fondation Koussevitski (1974), etc.
Dès ses débuts, sa personnalité s'impose aux spécialistes, surtout à partir du Quatuor II pour soprano coloratura et trio à cordes (1964), qui compte parmi ses plus grands succès de compositeur. En 1971, elle devient l'assistante de Messiaen à sa classe d'analyse. L'année suivante elle est nommée professeur d'analyse supérieure au Conservatoire national, puis en 1978, professeur de composition. Parmi ses œuvres principales, on peut citer D'un opéra de voyage (1967) pour 22 instruments, Sonate à 12 (créée en 1971) pour 12 voix solistes a cappella, le Pavillon au bord de la rivière (1975), opéra chinois, Tales of a Summer Sea (1977) pour orchestre, Stances (1978) pour piano et orchestre, Liring Ballade (1980) pour baryton et orchestre sur un texte allemand d'Eugène Jolas, le Cyclope, opéra pour enfants d'après Euripide (créé à Avignon en 1986), Quatuor V (1995), l'opéra Schliemann (Lyon, 1995).
Les œuvres de Betsy Jolas témoignent d'une prédilection marquée pour la voix et pour le vocal à l'intérieur d'une texture proprement instrumentale, ainsi que d'une tendance explicite à une forme globale fermée, fondée sur une structure gestuelle préméditée. Ainsi, Quatuor II avec voix, mais sans texte (un peu comme les quatuors avec flûte ou hautbois au XVIIIe siècle), joue avec « un réseau de comparaisons, portant aussi bien sur le matériau que sur le mode d'évolution et variant insensiblement de l'opposition caractérisée vocale-instrumentale à l'identification absolue ». Dans D'un opéra de voyage (1967) pour 22 instruments, en revanche, la fonction vocale est assumée exclusivement par des instruments mélodiques (cor anglais et flûtes). Tous les instruments (l'ensemble instrumental est celui des Oiseaux exotiques de Messiaen) « se comportent comme des voix, chantent, rient, parlent ou déclament, crient, murmurent ou soupirent ». Particulièrement fascinée par la Sonate pour flûte, alto et harpe de Debussy, ainsi que par le premier Schönberg (par exemple, Erwartung), elle attache une très grande importance à l'expérimentation formelle, aux déroulements continus et aux techniques associatives d'agencement des matériaux à l'intérieur de l'œuvre. Après avoir suivi de très près l'expérience de la technique sérielle, Betsy Jolas se détache immédiatement de tout système compositionnel universel particulièrement rigide au profit des solutions individuelles conformes à chaque projet concret d'œuvre. Révélée par le Domaine musical (Quatuor II est écrit pour le Domaine musical), elle poursuit toujours sa recherche en dehors des groupes et des centres de recherche. Son travail de composition, mené dans plusieurs directions, évite pour l'instant la musique électronique considérée comme « un piège » de matériaux sonores séduisants qui « peuvent vous faire perdre votre lucidité ». En revanche, l'ordinateur peut devenir, selon elle, « assistant » utile, facilitant considérablement le travail du compositeur.