Les origines de la musique en Syrie procèdent d'un fonds autochtone enrichi par une confluence de cultures voisines et progressivement teinté d'une imprégnation par la musique grecque, plus particulièrement à Antioche au début de l'ère chrétienne. À partir du Ve siècle, les villes d'Antioche-Antakya et d'Édesse-Urfa (nord de la Syrie, actuellement turc) vont influencer les rites byzantins, syriaques et chaldéens-nestoriens, dont on retrouve actuellement les héritages vivants dans les différentes communautés chrétiennes de Syrie soit dans les églises grecques catholiques melkites et grecques orthodoxes (dont les liturgies sont chantées en grec et en arabe), syriaques catholiques et syriaques orthodoxes jacobites (dont les liturgies sont chantées en syriaque et en arabe), dans les églises des rites assyriens, chaldéens, nestoriens, avec une imprégnation sur les rites des arméniens. La plupart de ces traditions chrétiennes, transmises oralement et chantées en monodie, reposent sur des systèmes de 8 modes musicaux, qui, sous l'influence de la symbiose avec la culture musicale dominante arabo-irano-turque, ont accentué leur caractère oriental tout en perpétuant un tempérament modal commatique différencié que l'on étudie dans les séminaires et les monastères.
À partir de la conquête arabo-islamique du VIIe siècle, la Syrie connaît l'arabisation et l'islamisation, qui vont progressivement dominer sa culture musicale. Et, jusqu'à nos jours, en dépit de la rémanence des traditions araméennes chrétiennes ou d'un islam chiite jadis florissant, et de la puissance de la secte alawîte, la Syrie reste préoccupée par l'idée de symboliser le classicisme arabo-musulman sunnite particulièrement vivace au plan de la musique religieuse avec des rites comme le mawlid, la danse du sama ou les cérémonies de dhikr, ces dernières spécifiques des confréries de derviches.
Affaiblie par le rôle hégémonique de l'Iraq et de Bagdad à partir de l'avènement du califat abbasside au VIIIe siècle, la Syrie conserve une activité musicale intense, renforcée au Xe siècle lorsque Alep devient la capitale du royaume de l'émir Saîf al-Dawla, mécène qui recueille le plus illustre savant musicologue de l'Islam médiéval, Fârâbî (auteur du fondamental Kitâb al-mûsîqî al-kabîr / Grand Livre de la musique) né en Asie centrale et mort à Damas en l'an 950.
Tandis que, à partir du XIVe siècle, l'ensemble du monde arabe connaît la récession à l'ouest du fait de la Reconquista de l'Andalousie par les Espagnols, et à l'est du fait d'une hégémonie croissante des Turcs ottomans, le classicisme arabe musical, symbolisé par l'art musico-poétique du muwachchah « andalou », semble se réfugier en Syrie et plus particulièrement à Alep. L'apogée de la musique en Syrie, peut-être favorisée par la proximité de la Turquie désormais détentrice du califat, semble se situer entre le XVIe et le XXe siècle. La vitalité musicale syrienne lui permet de réintroduire le muwachchah en Égypte à partir du XVIIe siècle et de jouer un rôle fondamental dans la restauration de la musique en Égypte, dont les pionniers syriens sont Abû Khalîl al-Qabbânî et Chakîr Efendî au XIXe siècle.
Avec le XXe siècle, la vie musicale, longtemps perpétuée oralement au sein des confréries ou des familles, commence à s'organiser parallèlement au sein d'institutions modernes, dont, en 1930, le « Club musical syrien » dominé par le mécène Fakhrî al-Barûdî ; en 1932, la " Maison des mélodies et du théâtre », fondée par Abdal-Wahhâb Abûl Sughûd et Mustafa Sawwaf ; en 1935, le « Club des beaux-arts » ; en 1945, le « Club des amis de l'art » fondé par Husnî al-Harîrî. Les deux principaux instituts-conservatoires officiels sont celui de Damas (fondé en 1960, dirigé actuellement par Solh al-Wâdî) et celui d'Alep (fondé en 1964, dirigé actuellement par Hâchim Fansa).
Dès la fin du XIXe siècle, la Syrie participe activement à la renaissance de la musique orientale du fait de la haute qualité de son enseignement musical. Elle va ainsi former un nombre considérable d'instrumentistes virtuoses, souvent voués à des carrières brillantes en Égypte, au Liban ou ailleurs, du fait que le goût musical syrien ne perpétue qu'un classicisme conservateur et du fait que la Syrie traverse depuis lors de nombreuses vicissitudes.
Après l'adoption du violon occidental (kamân) au sein du quatuor (takht) oriental classique durant le XIXe siècle, une remarquable lignée de violonistes, encore active de nos jours, va jaillir des villes syriennes, avec Ibrâhîm Salhûn, Antûn al-Chawwâ, Sâmî al-Chawwâ, Jamîl Awass, Tawfiq Sabbagh, Elias Fennûn, Edouard Kadahjî, Farîd Sabrî, Émile Sarwé, Sobhî Jarûr, Azîz Ghânim, Mahmûd Ajjan, Joseph Tachijian, Jean Betrakî, Zuher Tabbakh, Grégoire Sabbagh, … (violonistes orientaux) et Nejmî Succarî (violoniste occidental de niveau mondial).
L'art du luth (ûd), ancien et raffiné en Syrie, a été ranimé depuis le début du XXe siècle par une lignée de luthiers, dont Antûn Nahât (et ses descendants), Mikhâ îl Hayyik, Darkazanlî, Jamîl Qandalaf, Antûn Abras, et par un luthiste, Mustafa Sawwaf. Omar Naqichbendî (v. 1900 – 1981), autodidacte de Damas, est devenu le « prince du luth » et, avec un style et des thèmes damascènes, a marqué le XXe siècle de son talent. En outre, Izzet Helwânî, Tawfiq Chamîya, Muhammad Zakî, Yasîn al-Achiq, à Damas, et Bakrî al-Kurdî, Assad Châtir, Nadîm Darwîch, Muhammad Rajab, Razu Warda, Abdal-Karîm Zalûm, Muhammad Qadrî-Dalâl à Alep, et d'autres perpétuent le ûd.
La cithare-psaltérion (qânûn) est illustrée au XXe siècle par Omar Faqir, Selîm Sarwe, Ibrâhîm Abdal-Al à Damas ; Fûâd Rajaî, Antûn Hakîm, Alî Wâîz, Chukrî Antaklî, Muhammad Chubûkchî et Saad Rajaî à Alep.
La flûte oblique orientale (nây), naguère réservée aux mystiques, a été introduite dans la musique savante profane par Cheikh Alî Darwîch. Le nây est joué par Abdal-Salâm Safar, Badreddin Halabîya, Selîm Kosûr à Damas, Muhammad Abdo, Hâchim Fansa, Adnân Mukrech, etc., à Alep.
L'ensemble oriental classique ainsi élargi vers 1900 (ûd, qânûn, kamân, nây) doit, pour correspondre à un takht, ou quatuor traditionnel, être complété par un tambour-calice (darabuka), et un tambour de basque (daff ou riqq). Au début du siècle, le grand maître de la percussion en Syrie a été Omar al-Batch, et le plus célèbre batteur actuel est Muhammad al-Aql.
Un instrument traditionnel populaire, le buzuq, luth à manche long, d'origine centre-asiatique, n'était plus perpétué au début du XXe siècle que par les tsiganes et les nomades de la steppe. Redécouvert en 1941, il a été hissé au rang d'instrument soliste par le tsigane Muhammad Abdal-Karîm, puis exporté au Liban par Muhammad Matar, tandis qu'il est perpétué avec succès en Syrie par Khodr al-Alî et de nombreux autres tsiganes virtuoses.
Avec le développement des media, les vedettes du chant oriental en solo se recommandant des traditions arabes ont connu un succès croissant en Syrie et au Proche-Orient. Parmi les chanteurs masculins, Farîd al-Atrach, bon chanteur et piètre luthiste, Faad Bellâm, Najîb Sarraj, Yasîn Mahmûd… Sabah Fakhrî, originaire d'Alep, a fait apprécier à l'ensemble du monde arabe des genres traditionnels comme le layâlî, le mawwâl, le muwachchah et des suites modales chantées comme le fasil ou la waslâ ; il a en outre fait connaître des chants mi-classiques mi-populaires d'Alep, les quddûd Halabîya. Parmi les grandes chanteuses syriennes : Asmahân (décédée prématurément et mystérieusement), Suâd Muhammad, Najat al-Saghîra, Maha Jabrî, Maha Sarwat, Saha, Yolande Basma, et Karawân.
La musique traditionnelle populaire de Syrie connaît de nombreuses variantes avec les régions : solo chanté du âchiq, troubadour du Nord s'accompagnant à la tanbûra (luth), solo du châir, poète de la steppe s'accompagnant au rabâba (vièle), duo mizmar-tabl (hautbois-grosse caisse) animant les mariages. La dabka, danse traditionnelle arabe du Proche-Orient, sous l'influence des media et du folkloriste soviétique Moïsseïev, perd peu à peu ses variantes et gagne la scène avec la « Troupe omayyade » nationale qui la présente avec un grand orchestre.
Les études musicologiques contemporaines des Syriens sont dominées par l'œuvre fondamentale sur les maqâm-s et les taqsîm-s (modes et improvisations) de Cheikh Alî Darwîch, éminent collaborateur de Rodolphe d'Erlanger lors de la rédaction de la Musique arabe (Paris, Geuthner, 1930-1959, 5 vol.). Depuis lors, les recherches menées ont été l'œuvre de Abdal-Latîf-Nabki, Fûâd Mahfûz, Majdî Aqîlî, Mikhâîl Allahwîrdî, Fûâd Rajâî, Nadîm Darwîch, Mamdûh Jabrî, Antoine Zabîta, Husnî al-Harîrî, Saîd Catalan, Hassan Hammâmî, etc. Une musicologue, WajîhaAbdal-Haq, impressionnée sans doute par l'exemple du Syrien Camille Chamber, trompettiste qui avait créé un piano oriental, a mis au point un double piano, la " Kithâra de Damas ", dont les deux claviers décalés à l'accord d'un quart de ton permettent de reproduire avec 24 touches à l'octave les intervalles caractéristiques des modes orientaux sur une échelle de 24 intervalles théoriques. D'autres musicologues et compositeurs syriens sont installés dans divers pays, en particulier Dia Succarî, compositeur contemporain, à Paris.
Face aux impacts désastreux des media sur la musique arabe traditionnelle, la Syrie reste un centre de classicisme et de goût, mais, de ce fait, et du fait de problèmes de voisinage, son expérience et sa science ne touchent que des connaisseurs.