Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
N

negro spiritual

Chant religieux négro-américain d'inspiration chrétienne, en langue anglaise.

Le spiritual, probablement apparu au XVIIIe siècle, est né de la fusion de certains éléments de la tradition musicale africaine et d'éléments empruntés aux cantiques occidentaux. Créés collectivement, dans l'excitation des « camp meetings » ­ ces vastes assemblées où sermons et chants alternaient ­, ou individuellement, par des « bardes » qui les transmettaient ensuite de plantation en plantation, les premiers spirituals résultèrent sans doute d'une simple déformation du matériau musical qui leur était fourni par les évangélisateurs. Par la suite (fin du XIXe s.), une tradition de spiritual « savant » se substitua peu à peu à la tradition populaire. L'université Fisk, à Nashville, l'Institut Hampton, en Virginie, entreprirent de discipliner le spiritual, de créer les bases d'un répertoire ; on se mit à chanter le spiritual à plusieurs voix, au prix, parfois, d'un renoncement à l'essentiel : les inflexions, les clameurs, les syncopes, la variabilité des blue notes, éléments qui sont à la base du style négro-américain et qui se retrouvent dans le blues (équivalent du spiritual sur le plan profane) et, plus tard, dans le jazz.

Nelson (John)

Chef d'orchestre américain (San José, Costa Rica, 1941).

À la Juilliard School, il remporte le prix Irving Berlin de direction d'orchestre. En 1972, il débute à Carnegie Hall en dirigeant les Troyens de Berlioz. En 1973, il remplace au Metropolitan Rafaël Kubelik souffrant, et commence une carrière internationale. De 1981 à 1991, il est directeur musical de l'Opéra de Saint Louis et, à partir de 1981, s'impose au Festival Berlioz : jusqu'en 1989, il y dirige Béatrice et Bénédict, le Requiem et Benvenuto Cellini. Berlioz, Gounod et Massenet, ainsi que Haendel et Britten, sont ses compositeurs favoris. Il dirige souvent à l'Opéra de Lyon : en 1994, il y donne la Traviata, et y crée en 1996 Galina de Marcel Landowski.

Nelson (Judith)

Soprano américaine (Chicago 1939).

Elle étudie au Studio der frühen Musik à Francfort avec Andrea von Ramm, puis avec Martial Singher en Californie. Elle se tourne très tôt vers le répertoire baroque, et interprète notamment plusieurs cantates de Haendel avec l'Academy of Ancient Music et Christopher Hogwood. Elle aborde aussi le répertoire italien, avec le Couronnement de Poppée de Monteverdi, et les duos da camera de Rossi et Cesti. Elle chante en duo avec René Jacobs et le Concerto Vocale, et participe à un enregistrement intégral des musiques de scène de Purcell.

Nemescu (Octavian)

Compositeur roumain (Pascani 1940).

Il fait des études au Conservatoire de Bucarest (1956-1963), où il enseigne la composition depuis 1990. Il participe aux Cours d'été de Darmstadt, travaille dans différents studios électroniques occidentaux, à Bourges (GMEB), à Lyon (GRAME) ou à Gand. Lauréat de plusieurs concours de musique pour bande, Nemescu, après une courte période où sa musique se distingue par sa rigueur et sa puissance algorithmique (Triangle pour orchestre, 1964), s'oriente vers une conception novatrice des archétypes musicaux et de leur valeur symbolique (le cycle orchestral Quatre Dimensions en temps I-VIII, 1964-1968 ; Natural pour piano et bande, 1973-1983, Gradeatia pour bande magnétique et ensemble ad libitum, 1982). Nemescu élabore très tôt un système de composition fondé sur la superposition de plusieurs « couches » musicales caractérisées par un statut culturel et sémantique indépendant et bien défini (Concentrique pour bande et ensemble ad libitum, 1968-69 ; le Chadouf de la porte pour ensemble et bande, 1975-76 ; Metabizantinirikon pour bande et instruments, 1984).

   Par certains aspects, sa musique peut être rapprochée de l'expérience conceptuelle (Semantica jeux métamusicaux pour n mélomanes, 1971-1974 ; Chromosome, 1975 ; le Jeu des sens, 1976-1980) ou de la musique spectrale (Spectacle pour un instant, 1974). Il a exposé ses principes esthétiques dans de nombreuses études publiées à Bucarest, ainsi que dans sa thèse de doctorat, Capacitatile semantice ale semnului muzical (les Capacités sémantiques du signe musical, Bucarest, 1983).

néoclassicisme

Expression apparue vers la fin du XIXe siècle pour désigner en musique, ainsi que dans les autres formes d'arts (poésie, peinture), certaines esthétiques traduisant la volonté affichée d'un « retour à » : retour à une musique équilibrée, stylisée, pure, « apollinienne », inspirée des maîtres classiques (Bach, notamment), par réaction contre l'expressivité débridée du romantisme, ses formes parfois hypertrophiées ou rhapsodiques et sa tendance à soumettre la musique au drame ; mais parfois aussi, retour par réaction contre l'atonalisme et l'« avant-gardisme », etc.

Déjà, le romantisme portait en lui le néoclassicisme comme son double et son envers. Naturellement, tout néoclassicisme se réclame d'un passé, et c'est Jean-Sébastien Bach qui en fut, le plus souvent, élu père, comme « classique des classiques ».

   Une première vague néoclassique apparut au XIXe siècle, parallèle au romantisme et à ses développements, notamment dans les œuvres de Johannes Brahms et Max Reger et dans les conceptions antiwagnéristes du critique Hanslick. Ces musiciens se réclamaient de la tradition germanique de contrepoint compact, de choral varié, etc., et c'est Felix Mendelssohn qui avait amorcé ce courant, en ressuscitant la musique de Bach et en concevant des œuvres bâties sur les vieux moules de la tradition allemande (notamment dans sa production de musique religieuse, un domaine d'élection du néoclassicisme).

   Une seconde vague de néoclassicisme s'affirma dans les débuts du XXe siècle, en réaction contre l'expressionnisme, l'atonalité, l'impressionnisme, etc. : en Allemagne avec Paul Hindemith, par exemple. En France, il y eut le néoclassicisme « aimable » des compositeurs du groupe des Six, qui voulait restaurer l'idée de la musique comme art d'agrément, en faisant référence aux musiques de spectacle, mais aussi à Mozart (chez Poulenc, notamment). Le néoclassicisme plus grinçant et « cubiste » de Stravinski, dans les années 20, travestissait en « complet-veston » des thèmes ou des styles musicaux empruntés à Pergolèse (Pulcinella, 1919-20), à l'opéra-comique du XIXe siècle (Mavra, 1922), à Bach (Octuor, 1923 ; Concerto pour piano et orchestre d'harmonie, 1923-24 ; Dumbarton Oaks Concerto, 1937, « distorsion » moderne du troisième Concerto brandebourgeois), à l'opéra italien (Œdipus rex, 1927) et même à Tchaïkovski (le Baiser de la fée, 1928). Dans la troisième de ses Satires, pour chœur mixte (1925), Schönberg se plut à railler le petit « Modernsky » qui se met la perruque du « papa Bach ». Mais lui-même sera à son tour taxé de « néoclassique », pour ses œuvres tardives, par Pierre Boulez, qui y relèvera une inspiration « brahmsienne » et une volonté réactionnaire de réintégrer la tonalité dans le système sériel.

   Il y eut aussi le néoclassicisme « méditerranéen » de Malipiero (qui remontait aux maîtres italiens du passé), Casella et Respighi ; le néoclassicisme « français » de Ravel (Tombeau de Couperin, 1914-1917) et d'Albert Roussel ­ qui se réclame souvent des vieux maîtres français comme Rameau ; le néoclassicisme, d'occasion, de Prokofiev (Symphonie classique, 1917, en référence à Haydn), etc.

   D'une manière générale, le néoclassicisme a été souvent combattu en termes violents par les jeunes « ultras » de diverses tendances, comme une fuite devant la nécessité de réinventer la musique. Quelle que soit sa référence classique ­ Bach, période préclassique ou opéra italien du XVIIIe siècle ­, le néoclassicisme se réclame souvent d'une esthétique « objective » : la musique doit tirer son sens du seul jeu des valeurs musicales et des proportions. Naturellement, il s'applique souvent à « moderniser » les styles qu'il reprend, d'où une impression grinçante, parfois délibérément cultivée (chez Prokofiev et Stravinski, par exemple ; on pense au travail de Picasso sur les toiles de Velázquez). Tentation esthétique des époques baroques et troublées, le néoclassicisme a souvent une dimension ironique de « second degré » ; c'est la musique de gens qui ne veulent pas être dupes de leurs procédés de style et qui maintiennent avec leur expression une certaine distance. Vers la fin des années 60, on a vu, au contraire, par réaction contre l'abstraction de l'après-guerre, un courant néoromantique très prononcé, dans les œuvres mêmes de ceux qui avaient commencé par se réclamer de Webern.