Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
K

Kaipainen (Jouni)

Compositeur finlandais (Helsinki 1956).

Élève de Sallinen (1973-1976) et de Heininen (1976-1982) à l'Académie Sibelius, il a fait partie dans les années 1970 du groupe de réflexion « Oreilles ouvertes », et s'est rapidement orienté vers un post-sérialisme « libre ». De 1980 datent les Cinq Poèmes de René Char opus 12a pour soprano et orchestre. Dans les années 1980, il se concentra largement sur la musique de chambre, avec notamment le Quatuor à cordes no 3 opus 25 (1984) et le Trio III opus 29 pour piano, violon et violoncelle (1987), ouvrages marqués par de violents contrastes expressifs.

   Plus récemment, il s'est orienté également vers les grandes architectures « symphoniques », avec notamment la Symphonie no 1 opus 20 (1980-1985), en un seul mouvement, le remarquable Concerto pour clarinette « Carpe diem ! » opus 38 (1990), la Symphonie no 2 opus 44 (1994), moins âpre que la précédente, le Concerto pour hautbois opus 46 (1994) et le Rêve de Sisyphe opus 47 (1994). Le Quatuor à cordes no 4 (1994) résulte d'une commande du Festival de Kuhmo et Accende lumen sensibus opus 52 (1995) d'une commande du Tapiola Sinfonietta pour la Biennale de Tampere.

Kajanus (Robert)

Chef d'orchestre et compositeur finlandais (Helsinki 1856 – id. 1933).

Élève de R. Faltin et de A. Leander à Helsinki, de Richter et de K. Reinecke à Leipzig (1877-78), puis de J. Svendsen à Paris (1879-80), il créa dès son retour à Helsinki la Société orchestrale (1882), appelée à devenir plus tard l'Orchestre d'Helsinki. Une brillante carrière internationale de chef d'orchestre éclipsa l'œuvre du compositeur, à l'ombre de son ami Jean Sibelius. Sa Mort de Kullervo, écrite en 1881, anticipe d'ailleurs sur la mise en musique des légendes du Kalevala de son illustre cadet. En 1882 et 1889, il écrivit ses deux Rhapsodies finnoises, en 1885 Aino, poème symphonique, et en 1916 sa dernière œuvre remarquable, une Sinfonietta. Son principal mérite reste d'avoir été le plus ardent défenseur de l'œuvre de Sibelius, qui le désigna quand, dans les années 30, la Columbia lui demanda de choisir un chef d'orchestre susceptible d'enregistrer son œuvre symphonique. Kajanus, réputé pour la force de son caractère et son sens de l'organisation, ouvrit la voie à une brillante école de direction d'orchestre finnoise.

Kájoni (János)

Humaniste et musicien hongrois (Jegenýe, Transylvanie, 1627 – Estenic 1698).

Entré dans l'ordre des Franciscains (1648), il fut ordonné prêtre en 1655. Il fut successivement prieur de plusieurs couvents du Comitat Csik en Transylvanie, vicaire général (1676), puis pater custodiae de son ordre (1686). À la fois organiste, organier, professeur, historien, botaniste, il créa, en 1676, une imprimerie musicale à Csiksomlyó. Il réunit des cantiques religieux (Cantionale catholicum), des recueils en tablature d'orgue (Organo missale, 1667 ; Sacri contentus, 1669), et le codex qui porte son nom (Codex Kájoni, 1634-1671), dû à trois auteurs différents. Ce dernier présente, à côté de danses et d'adaptations de chants à caractère populaire, des pièces religieuses venant d'Italie et d'Allemagne, ainsi que des suites françaises. Kájoni a laissé de nombreuses litanies qui ne doivent plus rien à Schütz ni à Viadana. Il a ainsi permis le passage des históriás énekek (« chants historiques ») aux premiers essais de musique religieuse savante, d'essence spécifiquement hongroise.

Kalabis (Viktor)

Compositeur tchèque (Červený Kostelec 1923 – Prague 2006).

Il étudie la composition dans la classe de E. Hlobil (1945-1948), au conservatoire, puis de J. Řídký à l'Académie de musique et d'art dramatique de Prague (1949-1952). Il travaille comme metteur en ondes et réalisateur à la radio tchécoslovaque depuis 1953.

   Profondément influencé par Stravinski, Prokofiev, Honegger, Hindemith à ses débuts, Kalabis a su s'imprégner du message bartokien sans en devenir un épigone. Connu à l'étranger dès les années 1955-1960, tout comme Feld, il offre une démarche proche de celle du Polonais Lutoslawski par ses premières œuvres de piano et d'orchestre : Sonates pour piano (1947-48), Ouverture op. 5 (1950). En revanche, il s'en sépare dans la progression symphonique de son œuvre, qui va de la 1re Symphonie op. 14 (1957), proche de Prokofiev (6e Symphonie op. 111), à la 4e Symphonie op. 34 (1973), où le compositeur rejoint Kabelač et le meilleur Honegger. Pour arriver à cette puissance expressive, dépouillée, dense, au lyrisme inné, Kalabis s'est rapproché des recherches modales de Bartók dans ses Variations symphoniques op. 24 (1964) et son Concerto pour orchestre op. 25 (1966), tandis que la tentation dodécaphonique se fait évidente dans Accents op. 26, études pour piano, et Musique pour cordes op. 21 (1963). Cet itinéraire artistique fait de lui l'un des grands musiciens tchèques de sa génération.

kalevala (litt. ; « pays des héros »)

Épopée nationale finlandaise, publiée par le médecin de campagne Elias Lönnrot (1802-1884) – à partir de matériaux qu'il avait commencé à rassembler en 1828 –, d'abord en 1835 (« Ancien Kalevala »), puis en 1849 (« version définitive » en 50 poèmes, totalisant 22 795 vers).

Combinaison d'épopées anciennes et de poésie lyrique populaire, avec en outre des incantations et des tournures proverbiales ainsi que (pour environ 3 % du total) des ajouts et variations rédigés par Lönnrot lui-même dans un souci de clarté, le Kalevala comporte comme héros principaux le vieux et sage Väinämoinen, chanteur de runes et chef de tribu ; son frère le forgeron Ilmarinen, aux pouvoirs surnaturels ; le jeune Joukahainen, défait par Väinämoinen dans un concours de chant magique ; l'inconstant Lemminkainen, sorte de don Juan nordique, séducteur de la belle Kyllikki ; Kullervo, dont le destin tragique rappelle celui d'Œdipe ; la belle Aino, qui pour échapper au désir de Vänämoinen se jette dans un lac profond ; la magicienne Louhi, qui règne sur Pohjola (le « pays du Nord ») et y détient le Sampo, objet mal défini mais très bénéfique ; la mère de Lemminkainen, qui parvient à redonner vie à son fils tué sur les rives du fleuve entourant Tuonela (l'Enfer) ; et Luonnotar (ou Ilmatar), fille de l'air, créatrice de la terre, du ciel et des étoiles et qui donne également naissance à Väinämoinen. À la fin du XIXe siècle, le Kalevala prit pour les artistes finlandais ­ avec à leur tête Sibelius et son contemporain exact le peintre Akseli Gallen-Kallela (1865-1931) ­ une importance primordiale. Ils s'en inspirèrent largement dans leurs œuvres, démarche suivie jusqu'à aujourd'hui par nombre de leurs successeurs, en particulier en musique.