Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
L

La Grotte (Nicolasde)

Organiste et compositeur français (Paris v. 1530 – id. v. 1600).

D'abord joueur d'épinette et organiste du roi de Navarre, Antoine de Bourbon, il entra en 1562 au service du duc d'Anjou, qui, devenu le roi Henri III, le nomma valet de chambre et organiste ordinaire. Membre de l'académie de Baïf, il publia des Chansons de P. de Ronsard, P. Desportes et autres (1569) et collabora, en 1582, avec son ami C. Le Jeune à l'organisation des fêtes pour le mariage du duc de Joyeuse. Ce fut un des derniers polyphonistes, mais il s'orienta peu à peu vers la monodie et la basse continue. Il s'intéressa également à la chanson mesurée et fut un des premiers à écrire des chansons en forme d'air. Il fut un des initiateurs de l'air de cour et inaugura la lignée des organistes du Grand Siècle (de sa production pour orgue ne subsiste malheureusement qu'une seule pièce).

La Laurencie (Lionel, comte de)

Musicologue français (Nantes 1861 – Paris 1933).

Sorti premier de l'École nationale des eaux et forêts en 1883, il entra dans l'Administration. Mais, en 1898, il décida de se consacrer entièrement à la musique. Excellent violoniste, familier du répertoire du quatuor classique, il avait étudié la théorie avec Alphonse Weingartner, avant de suivre les cours de Bourgault-Ducoudray au Conservatoire de Paris.Spécialisé dans l'histoire de la musique instrumentale du XVIe au XVIIIe siècle, ainsi que dans celle de la musique française, il donna, à l'École des hautes études sociales notamment, des cours qui sont restés célèbres. Parallèlement, il assura ­ de 1919 à 1931 ­ la continuation de l'Encyclopédie de la musique et dictionnaire du Conservatoire entreprise par Lavignac et il publia son ouvrage essentiel : l'École française de violon de Lully à Viotti (3 vol., Paris, 1922-1924 ; rééd. 1971). Membre de la section parisienne de la Société internationale de musicologie de 1905 à 1914, il participa, en 1917, à la fondation de la Société française de musicologie, dont il fut le premier président.

La Pouplinière (Jean Joseph Le Riche de)

Mécène français (Chinon 1693 – Paris 1762).

Fils d'un fermier général, il devint fermier général lui-même et un des hommes les plus riches du royaume. Il mit une partie de sa fortune au service de la musique et fonda un orchestre, célèbre pour la qualité de ses instruments à vent. Parmi les artistes qui fréquentèrent sa somptueuse maison ­ où eurent lieu régulièrement répétitions et concerts ­, on trouve le nom de Jean-Philippe Rameau à qui le mécène confia la direction de son orchestre. La Pouplinière joua un rôle non négligeable pour familiariser la société parisienne avec la nouvelle forme de la symphonie.

La Rue (Pierrede) ou Pierchon, Petrus De Vico, Pieter Van Der Straeten

Compositeur franco-flamand (Tournai ? v. 1460 – Courtrai 1518).

Ténor à la confrérie Notre-Dame de Bois-le-Duc (1490-1492), il entra à la chapelle de Bourgogne (1492-1495). C'est dans ce milieu, et autour de cet héritage, qu'il travailla sans être tenté par le voyage en Italie. Cela lui valut, sans doute, sa réputation exceptionnelle au moment même où Josquin Des Prés brillait. Passé au service de Philippe le Beau (fils de Marie de Bourgogne et de Maximilien Ier), il devint membre de sa chapelle de Lille (1496-1500) et l'accompagna en Espagne (1501-1502), puis de nouveau en 1505-1506, voyage au cours duquel mourut Philippe le Beau. Il entra alors au service de Marguerite d'Autriche, régente des Pays-Bas, à Malines (1506-1514), qui se conduisit à son égard en véritable mécène et lui obtint des prébendes (Gand, Namur, Termonde). En 1516, il se retira comme chanoine à Courtrai, où il mourut. La Rue apparut avant tout comme un compositeur religieux et un des meilleurs représentants de la solide école franco-flamande de contrepoint. Dans cette tradition, la plupart de ses messes, au nombre de 31, sont du type de la messe à teneur, souvent liturgique, parfois profane, employée avec une grande variété. Il excella à tirer des développements des figures les plus simples (Missa ut-fa), à utiliser comme Obrecht l'ostinato, et l'usage du canon est chez lui d'une virtuosité étourdissante (par exemple, Missa Ave sanctissima Maria, entièrement un triple canon, et Missa O Salutaris hostia, « Ô hostie salvatrice », où toutes les voix procèdent constamment par imitations canoniques). Dans ces messes, au-delà du dessin des parties, La Rue montre un sens harmonique certain, bien que l'augmentation du nombre des voix ne soit, en fait, qu'une amplification sonore (dans Ave sanctissima Maria, 3 des 6 voix doivent être déduites à la quarte supérieure).

   Le style de La Rue est généralement austère, parfois heurté avec de brusques arrêts, mais il peut faire preuve d'une écriture très claire, d'un sens mélodique très expressif. L'homophonie est un procédé qui ne l'attire guère. Ses chansons (une quarantaine, dont la célèbre Autant en emporte le vent), souvent mélancoliques conformément au climat de la cour de Marguerite, témoignent d'une grande habileté de composition : souplesse mélodique, richesses harmoniques (Pourquoi non ne veuil-je morir, à 4 voix). S'il semble s'être rapproché de Josquin Des Prés à la fin de sa vie, on peut cependant affirmer qu'à l'écart de toute influence italienne il reste, en ce début du XVIe siècle, un représentant significatif du style des années 1480.

L'Abbé (famille Saint-Sevin, dite)

Famille de musiciens français.

 
Pierre-Philippe, violoncelliste (Agen v. 1698 – Paris 1768). C'est comme enfant de chœur à la maîtrise de la chapelle Saint-Caprais à Agen qu'il travailla la musique et étudia la viole de gambe. Venu à Paris après la naissance de son fils, il entra dans l'orchestre de l'Opéra comme violoncelliste. Il fut nommé soliste en 1749. C'était un excellent professeur.

 
Pierre, frère du précédent, violoncelliste (Agen v. 1710 – Paris 1777). Comme son frère, il étudia la musique et le violoncelle à la maîtrise de Saint-Caprais à Agen. Il arriva à Paris vers la fin de 1727 et fut admis à l'Opéra comme violoncelliste. C'est grâce à son talent et à sa passion pour le violoncelle que l'Opéra devait abandonner définitivelement la viole de gambe dans son orchestre. En 1764, il devint violoncelliste à la Sainte-Chapelle.

 
Joseph-Barnabé, dit l'Abbé le fils, fils de Pierre-Philippe, violoniste et compositeur (Agen 1727 – Paris 1803). Son père lui donna ses premières notions musicales, mais c'est avec Leclair qu'il étudia le violon. Engagé dans l'orchestre de l'Opéra-Comique (1739), puis dans celui de l'Opéra (1742), il se fit régulièrement applaudir au Concert spirituel. Avec Forqueray, Blavet et Marella, il contribua à la découverte par les Parisiens des quatuors de Telemann. C'était un remarquable instrumentiste qui forma de nombreux élèves et dont l'ouvrage pédagogique, Principes du violon (1761), fit longtemps autorité dans les écoles de musique. Il quitta l'Opéra en 1762 pour se consacrer essentiellement à l'enseignement et à la composition. Pour beaucoup, ses Sonates sont supérieures à celles de son maître Leclair. Parmi ses œuvres, retenons : Sonates à violon seul (1748) ; 6 Symphonies à trois violons et une basse (1754) ; 3 Recueils d'airs français et italiens avec des variations pour deux violons, deux pardessus de viole, une flûte et un violon (1754-1760) ; Jolis Airs ajustés et variés pour un violon seul (1763) ; Menuet de MM. Exaudet et Granier mis en grande symphonie (1764) ; Recueil de duos d'opéra-comique pour 2 violons (1772).