Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
L

livret

Ouvrage littéraire, en vers ou en prose, destiné à être mis en musique en vue de la composition d'un opéra, d'un opéra bouffe, d'un opéra-comique, d'une opérette ou d'un ballet.

Issu du madrigal et du ballet de cour, qui se contentaient d'illustrer des poèmes plus ou moins disparates en des scènes plus ou moins décousues, l'opéra dut faire appel à de véritables livrets quand il entreprit, dans l'Italie des alentours de l'an 1600, de traiter de façon cohérente des sujets mythologiques ou historiques précis. En France, les premiers livrets de cette sorte sont ceux que Philippe Quinault (1635-1688) fournit à Lully. D'une qualité littéraire certaine, que favorisait d'ailleurs le style noble du compositeur, ils seront pendant plus d'un siècle non seulement imités, mais souvent réutilisés par d'autres musiciens. Le même phénomène se reproduisit au XVIIIe siècle avec Zeno et surtout Métastase, dont certains livrets d'opera seria furent mis en musique plusieurs dizaines de fois. Vers 1760, en France, un genre nouveau prend naissance et prospère : l'opéra-comique, où s'illustrent des librettistes tels que Favart, Marmontel, Sedaine, qui ne manqueront pas de successeurs au XIXe siècle. Le « grand opéra », pour sa part, va être sauvé par la révolution romantique, dont les aspirations n'ont pas grand-chose de commun avec l'idéal classique. Les musiciens, comme les autres artistes, en ont assez des Grecs et des Romains. Ils réclament de l'action, voire de la violence, des héros tout d'une pièce et des situations bien tranchées. Si les librettistes manquent d'imaginaton, ils n'ont qu'à puiser dans la littérature. S'ouvre alors l'ère des « adaptations » lyriques de pièces ou de romans célèbres, dont le seul titre attire les foules. Scribe, Barbier, Saint-Georges en France, Cammarano, Piave, Somma, Boito, Giacosa et Illica en Italie pillent sans vergogne Shakespeare, Walter Scott, Schiller, Goethe, Victor Hugo, Dumas fils et Victorien Sardou au profit de Donizetti, Verdi, Gounod, Puccini et autres grands fournisseurs du théâtre lyrique. Certains contemporains, Hugo par exemple, ont le mauvais goût de s'en plaindre alors qu'il s'agit d'une consécration. Qui parlerait encore du Roi s'amuse s'il n'y avait pas Rigoletto ? Et puis, l'exemple venait de loin, et de haut. Mozart n'avait-il pas emprunté Don Giovanni en partie à Molière et Le Nozze di Figaro à Beaumarchais par l'intermédiaire du subtil Lozenzo Da Ponte ?

   L'usage s'est longtemps conservé, en matière de théâtre lyrique, de citer le ou les librettistes avant le compositeur. On disait par exemple : « Faust, opéra en 5 actes de Jules Barbier et Michel Carré, musique de Charles Gounod ». Cela paraît ridicule, mais ce n'est pas tout à fait injuste. Aucun opéra, à plus forte raison un opéra bouffe ou une opérette, ne peut réussir sans un bon livret. Et ce n'est pas à la lecture qu'on peut juger s'il est bon ou mauvais. Les conventions du genre étant ce qu'elles sont, il vaut mieux chanter des niaiseries qui sonnent bien qu'un beau texte inchantable… qu'on ne comprendrait pas davantage. Le librettiste doit écrire, d'accord avec le compositeur, en fonction du succès de la représentation. Ce n'est pas seulement un métier, mais un art véritable, qui exige quelques sacrifices. On sait ce que doivent Offenbach à Meilhac et Halévy, Verdi à Boito, Puccini à Giacosa et Illica, Richard Strauss à Hugo von Hofmannsthal, dont le Rosenkavalier est sans doute le seul livret d'opéra qui puisse se passer de musique, en d'autres termes être donné comme pièce de théâtre. Une autre exception qui confirme la règle est celle de Pelléas et Mélisande, que Debussy a réussi contre Maeterlinck…

   Quelques compositeurs, à la suite de Wagner, ont écrit leurs propres livrets.

Llobet (Miguel)

Guitariste espagnol (Barcelone 1878 – id. 1938).

Il fut l'élève et le plus célèbre disciple de Tarrega, et vécut à Paris de 1904 à 1914, faisant, grâce à son compatriote Ricardo Vinès, la connaissance de Debussy, Ravel, Fauré, Albéniz. Doté d'une extraordinaire technique, il eut de la guitare une conception presque orchestrale, grâce à un extraordinaire maniement des timbres et de la polyphonie. En 1920, Falla écrivit pour lui son Homenaje destiné au « Tombeau de Claude Debussy ».

Lobkowitz

Famille princière originaire de Bohême, et dont plusieurs membres protégèrent des compositeurs.

Au XVIIIe siècle, la « jeune lignée », dite de Melnick, fut représentée notamment par Georg Christian (1686-1755), grand admirateur de Gluck et qui reçut de lui les dédicaces d'Arsace (1743), La Sofonisba (1744) et Ippolito (1745), et par son fils Joseph Maria Carl (1725-1802), maréchal et diplomate, qui souscrivit aux concerts organisés par Mozart au Trattnerhof en 1784 et dans les salons duquel Beethoven fit ses débuts de pianiste à Vienne le 2 mars 1795. La « lignée ancienne », dite de Raudnitz, commença par Philipp Hyacinth (1680-1734), qui engagea le père de Gluck comme maître forestier ; par son fils Ferdinand Philipp (1724-1784), qui emmena Gluck à Londres et se lia à Berlin avec Carl Philipp Emanuel Bach (on dit qu'ils mirent sur pied une symphonie en composant tour à tour chacun une mesure) ; et par le fils de Ferdinand Philipp, le prince Joseph Franz Maximilian (1772-1816). Ce dernier fonda officiellement sa chapelle musicale privée le 1er janvier 1797, plaçant à sa tête Antonin Vranicky. Doté d'une belle voix de basse, il passa dans l'histoire comme protecteur de Haydn et surtout de Beethoven. Il chanta plusieurs fois la Création de Haydn, et reçut au même moment la dédicace des Quatuors op. 77 de Haydn (composés en 1799 et publiés en 1802) et des Quatuors op. 18 de Beethoven (composés en 1799-1800 et publiés en 1801), et plus tard celles des symphonies nos 3, 5 et 6 ainsi que du triple concerto, du quatuor op. 74 et du cycle de lieder À la bien-aimée lointaine de Beethoven. C'est dans son palais de Vienne que fut donnée pour la première fois, en privé, vers le 9 juin 1804, la Symphonie héroïque, dont il avait reçu l'exclusivité pour six mois, et qu'il paya à Beethoven plus de 700 florins.