Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
D

doppio (ital. ; « double »)

Doppio più lento : deux fois plus lent. Doppio movimento : deux fois plus vite (mouvement double).

Doráti (Antal)

Chef d'orchestre américain d'origine hongroise (Budapest 1906 – Gerzensee, Suisse, 1988).

Élève, notamment, de Bartók et de Kodály, il monte dès l'âge de dix-huit ans au pupitre de l'opéra de sa ville natale. Il collabore ensuite avec Fritz Busch à l'opéra de Dresde (1828-29), puis est nommé à Münster (1929-1932). En 1933, son engagement aux Ballets russes de Monte-Carlo marque un tournant dans sa carrière ; jusqu'en 1945, passant d'une compagnie à l'autre, il se consacre presque uniquement au ballet, dont il enrichit d'ailleurs le répertoire en composant, d'après Johann Strauss, la partition de Graduation Ball. Depuis, plusieurs grands orchestres, américains, entre autres, se sont successivement attaché Antal Doráti en qualité de directeur artistique : celui de Dallas jusqu'en 1949, celui de Minneapolis jusqu'en 1960, l'Orchestre symphonique de Londres, puis l'Orchestre symphonique de la BBC de 1962 à 1966, les orchestres philharmoniques d'Israël et de Stockholm (1966-1970), le National Symphony Orchestra de Washington (1970-1977), le Royal Philharmonic Orchestra de Londres (1975-1978), et, enfin, l'Orchestre symphonique de Detroit (1977-1981). Son style se caractérise par un grand sens de la couleur et du rythme. Son vaste répertoire va de Haydn à Bartók, Stravinski et Gerhard en passant notamment par Dvořák. Doráti a consacré à Haydn un monument discographique sans précédent, avec ses enregistrements de la plupart des opéras, de tous les oratorios et de toutes les symphonies de ce compositeur.

Doret (Gustave)

Compositeur et chef d'orchestre suisse (Aigle, canton de Vaud, 1866 – Lausanne 1943).

Ayant fait ses premières études musicales auprès du violoniste Joachim, il fut ensuite, à Paris, l'élève de Marsick pour le violon, de Théodore Dubois et de Massenet pour la composition. En 1893, il devint chef d'orchestre aux concerts d'Harcourt, où il dirigea, entre autres, des programmes historiques consacrés aux polyphonistes de la Renaissance, et à la Société nationale. Dès ses premières compositions (Voix de la patrie, cantate, 1891) se révéla sa passion pour l'art et le folklore helvétiques. Il écrivit, par la suite, de nombreuses musiques de scène pour les pièces de René Morax, que l'on représentait au théâtre de verdure du Jorat, à Mézières, où, dans une atmosphère populaire, s'épanouissait l'âme de la Suisse romande. Préoccupé par le rôle social de la musique, il s'intéressa à l'art choral. Ce sont les caractères et les aspirations de la terre romande qu'il évoque dans presque toutes ses œuvres : ses chœurs, sa Cantate du centenaire, ses mélodies qui s'appuient sur le folklore, ses pages symphoniques très descriptives comme le triptyque Gaudria et ses ouvrages lyriques comme les Armaillis (1906) ou la Tisseuse d'orties (1926). Gustave Doret a également laissé divers écrits sur la musique, dont Temps et Contretemps (Fribourg, 1942).

Doria (Renée)

Soprano française (Perpignan 1921).

Après des études d'harmonie, elle fait ses débuts à l'Opéra de Marseille en 1942. En 1944, elle débute à l'Opéra-Comique dans Lakmé, puis en 1947 à l'Opéra de Paris, où elle chante la Reine de la Nuit. Sa carrière exemplaire fait d'elle une des chanteuses françaises les plus populaires des années 1940 et 1950. Elle a triomphé dans plus de soixante rôles, aussi bien dans les opéras de Mozart que dans les Contes d'Hoffmann, le Dialogue des carmélites de Poulenc et l'Heure espagnole de Ravel.

dorien

Les Doriens constituaient une peuplade du sud de la Grèce continentale (au N.-O. d'Athènes), qui donna son nom à une échelle, puis à un ton de la musique grecque antique, ultérieurement au premier mode de la musique grégorienne et enfin, selon les écoles, au mode de ré, de do ou de mi dans la musique modale harmonique.

   L'échelle dorienne primitive nous est connue par un musicographe du IIe siècle, Aristide Quintilien. Elle correspondait à l'échelle enharmonique normale de l'octocorde, avec un degré supplémentaire au grave, et c'était explicitement à elle que, selon cet auteur, Platon faisait allusion lorsque, dans la République, il recommandait l'harmonie dorienne comme noble et grave, propre à exalter les vertus civiques. On en déduit que la musique dorienne devait avoir un tel caractère et se tenait dans une tessiture relativement grave. Quand s'élabora la théorie des tons de hauteur, le nom de dorien fut donné au ton le plus grave : un ton au-dessus venait le phrygien, puis le lydien. Plus tard on ajouta le mixolydien, puis le système s'accrut progressivement jusqu'à 7 ou 8 tons d'abord (7 pour Ptolémée ; 8 pour Boèce), 15 tons ensuite. Ces tons ayant principalement pour objet l'accord de la lyre, on se fonda sur la lyre octocorde, et on donna à chaque accord de cette lyre le nom du ton auquel renvoyait cet accord lorsque, de l'intervalle utilisé, on remontait au son d'origine de la gamme commune. Ce furent les noms topiques des espèces d'octave.

   Ils n'ont eu qu'une existence éphémère, mais, par la confusion qu'ils ont introduite entre les « tons » et les « harmonies », baptisés « modes » par les musicologues du XIXe siècle, ils ont induit ceux-ci dans une erreur qui n'est pas encore dissipée de nos jours. Ce fut dans cette seule nomenclature que l'octave de mi prit le nom d'octave dorienne, ce qui incita à tort l'helléniste Westphal, et, à sa suite, Gevaert et M. Emmanuel, à définir le dorien comme un mode de mi et à lui donner dans la théorie une prééminence factice.

   Au IXe siècle de notre ère, un traité anonyme, dit Alia musica, en commentant Boèce, qui donnait une liste de 8 noms topiques des tons de la musique grecque, crut que cette liste s'appliquait aux 8 tons du plain-chant ; il en recopia la nomenclature sous celle des 8 tons d'église ; c'est ainsi que le premier ton (ou mode) ecclésiastique, qui est un mode authente de ré, puis par extension toute musique construite sur l'échelle modale de ré, se vit attribuer arbitrairement le nom de mode dorien, qu'il a conservé jusqu'à nos jours en acception commune, bien que concurrencée par les autres interprétations.

   Du XVIe au XVIIIe siècle, des théoriciens humanistes, conscients des inconséquences que contenait la théorie des modes telle que l'avait transmise l'Alia musica, mais insuffisamment documentés sur la question, entreprirent de la corriger à leur manière et introduisirent de nouvelles nomenclatures de leur cru qui ne firent qu'alimenter la confusion. Ce fut ainsi que pour Zarlino (1573) le dorien devint le mode de do, et c'était dans cette acception qu'il devait être entendu chez plusieurs compositeurs de cette période.