Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris

Le Conservatoire national supérieur de musique puise son origine dans l'École de musique de la garde nationale, créée par Bernard Sarrette en l'an III (1795).

   Jusqu'à la Révolution, l'enseignement musical était dispensé par les maîtrises, les écoles de musique et les psallettes qu'entretenaient les chapitres des différentes églises. Le projet de Sarrette comportait la création de 30 écoles de musique du 1er degré, 15 du 2e degré, en remplacement des maîtrises, quelques écoles de perfectionnement du 3e degré, et une école supérieure à Paris. L'enseignement devait y être entièrement gratuit. Mais seule cette école supérieure fut créée. Par la suite, d'autres écoles furent fondées en province. Après la Révolution, les chapitres qui en avaient les moyens rouvrirent leurs maîtrises.

   L'École supérieure de musique passa successivement par plusieurs dénominations : École gratuite de la garde nationale (1792), Institut national de musique (1793), Conservatoire national de musique et de déclamation (1795). Sous la Restauration, elle devint l'École royale de musique, puis redevint Conservatoire de musique et de déclamation (1822), avant de prendre son titre définitif : Conservatoire national supérieur de musique. Installé d'abord à l'hôtel des Menus-Plaisirs, faubourg Poissonnière, il déménagea en 1911 dans un ancien collège de jésuites situé au no 14 de la rue de Madrid.

   Lors de la création de son école, Sarrette s'entoura de 5 inspecteurs : Méhul, Grétry, Gossec, Lesueur et Cherubini. Un arrêté du 29 vendémiaire an IV fixa à 600 le nombre des élèves, filles et garçons. Ce nombre fut réduit dans les années suivantes, de 600 à 400, tandis que celui des professeurs passa de 115 à 70.

   Depuis sa fondation, le Conservatoire a vu se succéder 14 directeurs. Sarrette (1796-1815) s'efforça d'attribuer à chaque discipline une méthode d'enseignement qui lui fût propre et bénéfique, il institua les bourses pour les chanteurs et créa la bibliothèque. François Perné (1815-1822) fit don à la bibliothèque de ses manuscrits de Guillaume de Machaut et du châtelain de Coucy. Luigi Cherubini (1822-1842) obtint de faire admettre 2 élèves étrangers dans chaque classe et créa, à partir des anciens « exercices publics » des élèves, la Société des concerts du Conservatoire. Daniel Auber (1842-1871) fut le directeur le plus longtemps en poste. Lui succédèrent Ambroise Thomas (1871-1896), Théodore Dubois (1896-1905). Gabriel Fauré (1906-1920) créa une classe de contrepoint, discipline enseignée jusque-là en classe de composition, et choisit les membres du jury parmi les musiciens réputés (Ravel, Debussy, Dukas). Puis vinrent Henri Rabaud (1920-1941), Claude Delvincourt (1941-1954), qui créa en 1943 l'Orchestre des cadets du Conservatoire ­ devenu un des orchestres parisiens les plus brillants et qui permit, pendant l'occupation allemande, de soustraire les jeunes musiciens à la déportation ­, Marcel Dupré (1954-1956). La direction de Raymond Loucheur (1956-1962) marqua une période de rigidité plus administrative qu'artistique. Raymond Gallois-Montbrun, violoniste et compositeur, a modifié l'organisation de la scolarité des disciplines instrumentales, les études se déroulant désormais en deux cycles, et le concours pour l'obtention du premier prix ayant lieu au cours du second cycle. En 1966, il créa la classe de perfectionnement, en 1969, une classe de guitare classique confiée à Alexandre Lagoya et, en 1977, une classe d'instrumentation et d'orchestration confiée à Marius Constant. Il apporta des modifications dans l'enseignement de la danse, en obligeant les danseurs à l'étude du solfège et de l'histoire de la musique. Lui ont succédé Marc Bleuse (1983), puis Alain Louvier (1986).

   Le Conservatoire dépend du ministère de la Culture. Les études des disciplines enseignées sont régies par un règlement de 106 articles. L'enseignement est gratuit, les élèves étant seulement tenus de payer les droits d'immatriculation et les droits d'inscription. L'admission des élèves se fait par des concours, qui ont lieu au cours du premier trimestre scolaire. Chaque discipline est astreinte à des limites d'âge minimales et maximales, qui vont de 10 ans (harmonie, piano, harpe, violon, violoncelle et solfège) à 30 ans (classe de préparation au concours de recrutement de directeur). Les élèves peuvent bénéficier de bourses d'études. Les récompenses attribuées à la fin des cycles d'études sont : des certificats (pouvant porter sur plusieurs disciplines), des diplômes, des premiers et des seconds prix, des premiers et seconds accessits, des premières, deuxièmes ou troisièmes médailles, selon les disciplines.

   Parmi les professeurs qui ont enseigné au Conservatoire depuis sa création et qui ont contribué à établir sa renommée en France et à l'étranger, il faut citer : Gossec, Méhul, Lesueur, Berlioz, Fétis, Kreutzer, Massenet, Widor, Guilmant, M. Emmanuel, H. Busser, P. Dukas, A. Cortot, Cl. Croiza, M. Moyse, A. Bruneau, M. Dupré, Roland-Manuel, Ch. Tournemire, M. Beaufils, M. Maréchal, L. Laskine, N. Dufourcq, O. Messiaen, etc.

   La durée des études au Conservatoire varie de 1 à 5 ans. Les élèves instrumentistes du second cycle ne peuvent se présenter que trois fois pour l'obtention du premier prix. La radiation peut être prononcée pour les élèves qui n'ont pas obtenu de récompense pendant deux années consécutives. Le cycle de perfectionnement, d'une durée de 2 ou 3 ans, est réservé aux seuls titulaires d'un premier prix (piano, violon, musique de chambre, chant, direction d'orchestre). L'enseignement y est dispensé par les professeurs et les assistants du Conservatoire, ainsi que par des personnalités extérieures à l'établissement : P. Badura-Skoda, Y. Menuhin, H. Szeryng, M. Rostropovitch, D. Bachkirov, S. Célibidache, P. Dervaux.

   Les œuvres des étudiants en composition sont programmées annuellement dans 8 à 12 concerts symphoniques et 4 concerts radiodiffusés. Un poste de professeur-animateur a été créé à cette intention.

   Une enquête de décembre 1975 indique que 90 à 95 % des premiers prix d'instruments sont engagés dans des orchestres français ou étrangers ; 70 % des pianistes exercent un métier musical, 15 % sont des solistes ; 80 % des chanteurs ont une situation correspondant à leurs études ; pour les compositeurs, peu nombreux sont ceux qui peuvent vivre de leurs œuvres, mais ils sont directeurs ou professeurs dans des conservatoires ; parmi les disciplines d'érudition, 80 % des premiers prix ont des postes dans l'enseignement secondaire, sont salariés de maisons d'édition, de firmes de disques, critiques musicaux, commentateurs d'émissions musicales, dans une moindre proportion, musicologues ; 80 % des prix de direction d'orchestre ont une situation ; 79,5 % des danseurs récompensés sont entrés dans la vie professionnelle.

   Le Conservatoire possède un musée instrumental, inauguré en 1864, et dont la collection se monte actuellement à plus de 3 000 instruments. Il faut souligner le rôle joué par la comtesse de Chambure (Geneviève Thibault), conservateur du musée de 1961 à 1973, dans l'acquisition des instruments, ainsi que dans leur présentation.

   La bibliothèque du Conservatoire est devenue l'une des premières du monde par la richesse de ses manuscrits (Don Giovanni de Mozart, sonate Appassionata de Beethoven, Carmen de Bizet, principales œuvres de Berlioz, Lalo, Chabrier, Debussy). Dans la salle de travail, les lecteurs ont à leur disposition la plupart des ouvrages concernant toutes les matières musicales : partitions, dictionnaires musicaux, encyclopédies, biographies, en français et dans les langues étrangères. En 1911, le legs Malherbe a beaucoup augmenté les collections de partitions, lettres autographes et manuscrits. Après la création, en 1964, du département de musique de la Bibliothèque nationale, une grande partie des fonds de la bibliothèque du Conservatoire y ont été transférés.

   Il faut citer enfin la discothèque inaugurée en 1975, munie de cabines d'écoute et possédant plusieurs milliers de disques, dont une partie importante a été fournie en 1975 par le legs Pincherle. Cette discothèque est une annexe de la Phonothèque nationale.