Chaldéens
Chrétiens du Moyen-Orient particulièrement nombreux dans le nord de l'Iraq où ils vivent, comme les Kurdes, dans les montagnes. D'un point de vue musical, si leurs traditions populaires sont assez semblables à celles des Kurdes, leur liturgie, chantée en langue chaldéenne ou en sourète (chaldéen vulgaire), reposant sur des modes musicaux orientaux, est très caractéristique.
chalemie
Terme désignant une famille d'instruments du Moyen Âge, de tailles diverses, avec ou sans pavillon, qui obéissent aux mêmes principes que le hautbois (anche double, perce conique), dont ils sont l'ancêtre.
On appelle aussi chalemie des instruments plus primitifs à un, deux ou trois tuyaux.
Chaliapine (Fedor Ivanovitch)
Basse russe (Kazan 1873 – Paris 1938).
Issu d'une famille très humble, ayant eu pour père un ivrogne, il eut une enfance difficile. Il chanta à l'église, puis participa à des représentations locales sans connaître la musique, fit de brèves études vocales, débuta à Tiflis, en 1893, dans le rôle de Méphisto de Faust de Gounod, puis fut engagé à Saint-Pétersbourg où il se familiarisa avec le répertoire français et italien. À partir de 1896, appartenant, à Moscou, à la compagnie privée du mécène Mamontov, il fréquenta l'élite littéraire et artistique russe et aborda les grands rôles du répertoire national. Il débuta au Bolchoï de Moscou en 1899, à la Scala de Milan en 1901 (dans Mefistofele de Boïto, avec Caruso, sous la direction de Toscanini), au Metropolitan de New York en 1907. À Paris, où il avait eu l'occasion de chanter en 1907, il remporta des triomphes, en 1908, au théâtre Sarah-Bernhardt, avec une troupe formée par Diaghilev, dans Boris Godounov, œuvre alors encore peu connue hors de Russie, et que ce succès dans la capitale française contribua à imposer. En 1910, il créa à Monte-Carlo Don Quichotte de Massenet. Il regagna la Russie en 1917, mais la quitta définitivement en 1922. Il tourna, en 1933, le film de Pabst Don Quichotte (musique de Jacques Ibert) et fit ses adieux à la scène à Monte-Carlo en 1937, dans Boris Godounov.
Sa voix était sonore mais de couleur très claire. Quoique doté d'une belle technique de chant, il tourna le dos au bel canto et imposa au théâtre lyrique des conceptions inspirées en partie du courant naturaliste et en partie du geste et de la parole larges des grands tragédiens, notamment russes, de son époque. Son style vocal relève souvent plus de la déclamation que du chant. Nul ne peut dire si un tel style, qui verse souvent dans ce qui nous semble être des exagérations calculées et contrôlées, serait ou non toléré par le public d'aujourd'hui. Les disques de Chaliapine surprennent parfois, mais ne constituent pas une pièce à conviction décisive, car son art consistait essentiellement en sa façon d'unir le chant et le geste. De plus, ainsi que le démontre l'échec de tous ceux qui tentèrent de l'imiter, son autorité en scène, son rayonnement d'acteur servi par un art extrême du maquillage, faisaient admettre toutes ses audaces.
Il marqua tout particulièrement de sa personnalité les rôles de Boris Godounov, de Dossifei dans la Khovantchina de Moussorgski, du meunier dans Russalka de Dargomyjski, de Méphisto dans Faust de Gounod et Mefistofele de Boïto, de Don Quichotte dans l'opéra de Massenet et de Basile dans le Barbier de Séville de Rossini.
Challan (Henri)
Compositeur et pédagogue français (Asnières-sur-Seine 1910 – id. 1977).
Élève de Jean Gallon et de Henri Büsser au Conservatoire de Paris, premier second grand prix de Rome en 1936, il se consacra surtout à l'enseignement et fut nommé, en 1942, professeur d'harmonie au Conservatoire. On lui doit une symphonie, un concerto pour violon et d'autres pièces orchestrales instrumentales et vocales. Son frère jumeau René, mort à Nevers en 1978, a suivi la même filière, mais a remporté le premier grand prix de Rome dès 1935. Directeur artistique de la firme phonographique Pathé-Marconi pendant 26 ans, il est l'auteur de trois symphonies, de plusieurs concertos et d'un opéra bouffe, Jörgen de Danemark, créé à Metz en 1960.
chalumeau
Ce nom a été indistinctement appliqué à divers types d'instruments à anche, et confondu avec chalemie. En fait, chalumeau désigne précisément un instrument en général très court, à anche simple et perce cylindrique, en usage en Allemagne et en Italie dans la première moitié du XVIIIe siècle. On conserve des instruments du même type, mais plus longs, montrant que le chalumeau peut être considéré comme un ancêtre de la clarinette.
Le terme de chalumeau peut aussi désigner le registre grave de la clarinette, et, dans la cornemuse, le tube conique percé de trous qui fournit la mélodie. Dans le langage courant, on parle aussi de chalumeau pour désigner un pipeau pastoral fait d'un tuyau de paille ou de roseau.
chamade
Disposition à l'horizontale des tuyaux de certains jeux d'orgue à anche.
Le son, dans ces jeux, étant émis par l'extrémité du tuyau, cette disposition en renforce l'éclat pour les auditeurs. On place ainsi les deux ou trois jeux de la batterie d'anches, généralement au pied des tuyaux de la façade dont ils complètent l'effet décoratif. Cette pratique est propre aux instruments espagnols du XVIIIe siècle. Elle s'est peu répandue au-delà du monde ibérique, jusqu'au milieu du XXe siècle, où on la trouve assez souvent sur les grands instruments modernes.
chambre (musique de)
Depuis le XIXe siècle, ce terme général s'applique à des œuvres pour un petit nombre d'instruments solistes. Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, avant la généralisation des concerts publics, il désignait une musique destinée à être exécutée chez un particulier, quel que soit son rang, par opposition à la musique d'église et à la musique de théâtre (cf. la distinction, v. 1700, entre la sonata da camera et la sonata da chiesa). La musique « de chambre » peut alors faire appel aux effectifs les plus divers et les traiter ou non en solistes ; elle peut être instrumentale ou vocale ; mécènes et, parfois, interprètes amateurs jouent dans son processus de production un rôle important.
En France, sous François Ier, les musiciens au service du roi étaient répartis en trois groupes : ceux de la Chambre, de la Chapelle et de l'Écurie. Sous Louis XIII, la musique de chambre comprenait notamment deux surintendants et deux compositeurs, ainsi que la fameuse Grande Bande des 24 violons du Roy, fondée à la fin du XVIe siècle. Louis XIV créa en outre la bande des Petits Violons, ou Violons du Cabinet, associée à la Grande Bande en 1661, et la charge de maître de la musique de la Chambre du Roy. Les musiciens de la Chambre participèrent alors également à des concerts publics.
Au milieu du XVIIIe siècle, la distinction entre musique de chambre au sens moderne et musique d'orchestre était encore assez floue : les quatuors pour orchestre de Johann Stamitz pouvaient, par exemple, être joués avec, par partie, soit un seul instrument soliste, soit plusieurs instruments, et le choix reste encore ouvert, aujourd'hui, pour certains divertimentos de Mozart des années 1770 (K 136-138, K 287, K 334). Mais aux alentours de 1760, Haydn et Boccherini écrivirent, indépendamment l'un de l'autre, les premiers spécimens du genre qui devait tout d'abord dominer la musique de chambre, puis en quelque sorte la symboliser : le quatuor à cordes, avec ses quatre instruments solistes et son absence de basse continue. À partir de 1770 et surtout de 1780, Haydn et Mozart, auxquels il faut joindre une multitude d'autres compositeurs avec à leur tête Boccherini, écrivirent consciemment des symphonies pour orchestre jouées surtout par des professionnels d'une part, des quatuors à cordes ou des trios avec piano conçus essentiellement à l'usage des amateurs d'autre part (en ce qui concerne la musique de chambre au sens moderne, les œuvres les plus anciennes du répertoire précédèrent donc de plusieurs décennies le terme générique).
Bien que destiné en principe aux amateurs, le second type d'œuvres ne le céda pas au premier en complexité, bien au contraire. Et la dédicace, en 1785, par Mozart de six grands quatuors à cordes à un autre compositeur (Haydn), la composition par Haydn en 1793 des premiers grands quatuors (op. 71 et op. 74) expressément destinés à une vaste salle de concerts publics (Hanover Square Rooms à Londres), ainsi que la fondation des premiers quatuors de professionnels (cf. le rôle joué à Vienne par le violoniste Ignaz Schuppanzigh), marquèrent en la matière la revanche du compositeur-créateur et de la salle de concerts, d'une part, sur l'interprète-amateur et, d'autre part, sur l'intérieur privé, ces derniers continuant néanmoins à jouer un rôle non négligeable dans la vie musicale.
La situation devait rester à peu près la même tout au long du XIXe siècle, en particulier sur le plan de la production, avec les nombreux duos, trios, quatuors, quintettes, sextuors, septuors, octuors ou nonettes de Beethoven, Schubert, Spohr, Weber, Mendelssohn, Schumann, Brahms, Smetana, Dvořák, Tchaïkovski, Franck, Saint-Saëns et bien d'autres. À noter toutefois que, pour des raisons aussi bien musicales que sociologiques, le quatuor à cordes en tant que tel perdit alors plus ou moins, au profit de la musique de chambre avec piano, la position en flèche qui avait été la sienne avec Haydn, Mozart, Beethoven et Schubert. Ce fut d'ailleurs moins une question de quantité, encore moins de qualité, que de moindre concordance avec le climat spirituel du siècle romantique. De ce siècle, l'instrument par excellence fut bien le piano, ce dont témoignent également les transcriptions alors réalisées pour piano, piano à quatre mains ou formations de chambre avec piano des symphonies et pièces diverses pour orchestre du répertoire classico-romantique. Ces transcriptions témoignent à leur tour qu'interprètes-amateurs et musique de chambre à domicile n'étaient pas morts, loin de là. La musique de chambre ne s'en installa pas moins solidement dans les lieux publics, ce qui se traduisit notamment par le phénomène de la « petite salle », par opposition aux grandes salles destinées aux orchestres symphoniques.
Les frontières entre musique de chambre et d'orchestre, en principe bien étanches, étaient en fait plus ou moins perméables (cf. l'orchestration « musique de chambre » de la 4e symphonie de Brahms, et les sonorités « orchestrales » de ses sonates pour piano). Chez les compositeurs pratiquant les deux, comme Beethoven, les audaces harmoniques et formelles étaient fréquemment plus grandes dans la musique de chambre, conçue en partie au moins pour des interprètes, que dans la symphonie, destinée pour l'essentiel à des auditeurs. Dans le même ordre d'idées, on put souvent déceler chez l'auditeur (et a fortiori chez l'interprète-amateur) de musique de chambre une plus grande compétence technique, voire une meilleure perception auditive, que chez le simple habitué des concerts symphoniques.
Tout cela aboutit, vers 1900, à une sorte d'éclatement. Mahler eut tendance à traiter en soliste chaque membre d'un orchestre aux effectifs très nombreux (trait de style qui devait largement caractériser le XXe s.) ; et Schönberg, avec la Nuit transfigurée (1899), fit relever la musique de chambre (il s'agit d'un sextuor à cordes) du genre poème symphonique, avant de faire scandale, en public, avec ses deux premiers quatuors à cordes (op. 7 et op. 10) et sa symphonie de chambre op. 9, au titre symbolique. Avec cette dernière œuvre (1906), la musique de chambre (quinze instruments solistes) lâcha les amateurs tout en rejoignant l'orchestre sur des terrains nouveaux qu'Alban Berg devait explorer à son tour (1923-1925) avec son concerto de chambre pour piano, violon et 13 instruments à vent.
D'Alban Berg également, la Suite lyrique pour quatuor à cordes (1926) a pu être qualifiée d'opéra latent. Il y a eu depuis 1900 les quatre quatuors à cordes de Schönberg, les six de Bartók, les cinq d'Ernest Bloch, les quinze de Chostakovitch, les trois de Cristobal Halffter, le Livre de Boulez, Archipel II de Boucourechliev, les Sonatas de Ferneyhough, Ainsi la nuit de Dutilleux, mais l'évolution amorcée au XIXe siècle s'est poursuivie au XXe : dans la mesure où, aujourd'hui, le quatuor à cordes conserve une position en flèche, c'est autant sur le plan du prestige que de la production proprement dite.
L'éventail de la musique de chambre s'est, en effet, considérablement élargi, avec comme résultat que cette notion supporte de moins en moins une définition dogmatique : en relèvent finalement ces œuvres pour voix et quelques instruments solistes que sont Pierrot lunaire de Schönberg (1912) et le Marteau sans maître de Pierre Boulez (1953-54). Le critère essentiel serait-il la capacité non seulement de jouer et de s'entendre soi-même, mais aussi de se mettre en retrait et d'écouter les autres ? Ce sont là autant d'éléments inséparables, même s'ils n'appartiennent pas qu'à elle, de la « musique de chambre moderne », née avec la dialectique du thème juste avant 1789 et évoquant irrésistiblement la concurrence, ou, si l'on préfère, le dialogue.