jazz (suite)
Le jazz moderne. La révolution be-bop
À la fin des années 30, la technique et l'invention des grands improvisateurs de jazz atteint la perfection. Refusant le conformisme croissant, toute une génération de jeunes musiciens décide de faire éclater les canevas traditionnels de l'improvisation. C'est à partir de 1943, au cabaret " Minton's Playhouse ", que va s'élaborer un nouveau style : le be-bop. Cette révolution musicale, dont les principaux artisans se nomment Kenny Clarke, Thelonious Monk, Dizzy Gillespie, Bud Powell, Fats Navarro et Charlie Parker, témoigne d'un triple enrichissement. Rythmique d'abord : alors que le style middle-jazz prodiguait un soutien rythmique souple, mais souvent uniforme, débouchant sur l'égalité des quatres temps, le be-bop innove en laissant une plus grande autonomie au batteur et au bassiste. Harmonique ensuite : les thèmes sont renouvelés par une utilisation constante des accords de passage et le recours à des accords inhabituels. Mélodique enfin : la phrase se plie à un chromatisme systématique ou utilise des intervalles plus étendus.
Le jazz cool
À la fin des années 40, par contraste avec les flamboiements expressionnistes du be-bop, un nouveau style se dessine : le jazz cool (littéralement : " frais "). Il est né de trois séries d'expériences autonomes : l'une d'elles a lieu dans l'orchestre de Claude Thornhill, où se rélèvent deux arrangeurs de talent, Gil Evans et le saxophoniste baryton Gerry Mulligan. Ils se retrouvent en 1949 et 1950 dans le nonette de Miles Davis, pour qui ils écrivent des arrangements sur des compositions be-bop. Une deuxième expérience est menée par le pianiste Lennie Tristano, qui, avec ses élèves (Lee Konitz, Warne Marsh et Billy Bauer), élabore un jazz d'une grande beauté formelle. La troisième tendance du cool est représentée par les Four Brothers (Herbie Steward, Stan Getz, Zoot Sims, Serge Chaloff, puis Jimmy Giuffre et Al Cohn), saxophonistes dans l'orchestre de Woody Herman. Ils réalisent une synthèse des jeux de Lester Young et de Charlie Parker. Le jazz cool devait par la suite surtout s'acclimater chez les musiciens blancs de la West Coast et se couler dans les diverses tentatives de " Third Stream " (troisième courant), qui durant les années 50, prétendirent enrichir le jazz par le sérieux des techniques de composition empruntées à la musique classique (Gunther Schuller).
Le hard-bop
Au milieu des années 50, en réaction contre le cool, se lève une nouvelle génération de musiciens noirs décidés à laver le jazz de toute intellectualité et à prêcher un retour aux racines nègres du jazz : le blues, le gospel song et les chants de travail. On appela cette variante musclée du bop " hard bop " (ou bop " dur "), mais aussi " jazz funky " (littéralement " sale "). Cette musique fervente et passionnée fait très vite la conquête d'un vaste public. Surtout illustré en quintette, le hard bop est mis en valeur par les formations de Max Roach, Sonny Rollins, Art Blakey, Horace Silver et Cannonball Adderley.
La révolution coltranienne
Au début des années 60, le jazz retrouve une forte effervescence créatrice : le contrebassiste Charles Mingus prolonge l'œuvre de Duke Ellington en créant une musique véhémente et colorée avec des solistes qui annoncent le free jazz (Éric Dolphy). Tout en se situant dans le prolongement direct des innovations parkeriennes, le saxophoniste alto Ornette Coleman bouscule ouvertement les principes établis de l'harmonie et de l'improvisation. Mais c'est incontestablement le saxophoniste John Coltrane qui allait révolutionner le jazz. Il se lance en 1960 dans une expérience modale qui le conduit en 1964 à participer à l'aventure du free jazz.
Le free jazz (jazz libre) ou new thing (nouvelle chose)
Au milieu des années 60 surgit un mouvement, autant politique que musical, de libération à l'égard des conventions et de l'" ordre établi ". Brisant les critères traditonnels qui définissaient jusqu'alors la musique de jazz (le swing, le respect de la trame harmonique, etc.), les nouveaux défricheurs inventent une musique violente, chaotique, convulsive, qui n'accepte comme seul principe que celui de l'improvisation collective. Les principaux responsables de cette tourmente sonore sont le pianiste Cecil Taylor, le trompettiste Don Cherry, les saxophonistes Albert Ayler, " Pharoah " Sanders, Archie Shepp et un groupe issu de l'Association for the Advancement of Creative Musicians, l'Art Ensemble of Chicago (Roscoe Mitchell, Joseph Jarman, Lester Bowie et Malachi Favors).
Le post-free
Au début des années 70, tandis que la vague free reflue, Miles Davis, en électrifiant sa trompette, tente de jeter un pont entre le jazz et le rock. Pour réaliser cette fusion, il s'entoure de jeunes musiciens qui, après l'avoir quitté, voleront tous de leurs propres ailes : Herbie Hancock, John Mc Laughlin, Tony Williams, Jack Dejohnette, Chick Corea et Keith Jarrett.
Dans le même temps, un nouveau courant se fait jour. Conduit par le saxophoniste Anthony Braxton, il se veut la recherche d'un " au-delà du jazz ", en direction d'horizons qui le rapprochent de la musqiue contemporaine européenne.
À la fin des années 70 s'est amorcé un important mouvement de retour au be-bop (" be-bop revival "). De nombreux musiciens balayés par la tempête du free jazz, retrouvent les faveurs du public (Dexter Gordon, Sonny Rollins). D'autres, comme Archie Shepp, renouent avec la tradition.