Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
M

Mackerras (Charles)

Chef d'orchestre anglais d'origine australienne (Schenectady, New York, 1925).

Il fit ses études musicales au New South Wales Conservatorium de Sydney, puis, avec Václav Talich, à l'Académie de musique de Prague, où régnait la musique slave, Janáček en particulier. Hautbois solo de l'orchestre symphonique de Sydney (1945-46), chef d'orchestre au Sadler's Wells Opera de Londres (1948-1954), il dirigea la première britannique de Katia Kabanová de Janáček (1951). Premier chef d'orchestre du B.B.C. Concert Orchestra (1954-1956) et premier chef d'orchestre de l'Opéra de Hambourg (1966-1970), il devint directeur musical du Sadler's Wells Opera (actuellement l'English National Opera) de 1970 à 1977. Depuis, il est chef invité du B.B.C. Symphony Orchestra et dirige régulièrement les grands orchestres américains. C'est un spécialiste reconnu de Janáček, dont il a dirigé et enregistré plusieurs opéras dans leur version originale.

Maconchy (Elisabeth)

Femme compositeur anglaise (Broxbourne 1907 – Norwich 1994).

Elle fit ses études à Dublin, puis à Londres (Vaughan Williams), Prague (Blumenthal), Vienne et Paris. Sous l'influence des différents courants d'Europe centrale, elle s'est créé un style personnel, à intonations expressionnistes, et d'une grande densité, principalement dans sa musique instrumentale. Elle est surtout connue par ses opéras en 1 acte (The Sofa [1956-57], The Departure [1960-61], The Birds [1967-68], The Three Strangers [1958-1967]), mais elle a écrit une œuvre importante dans laquelle on trouve des pages symphoniques (deux symphonies, des concertos pour alto, clarinette, piano, basson, des suites, variations), des ballets (Great Agripa, The Little Red Shoes, Puck Fair), des quatuors à cordes et d'autres pages de musique de chambre, des chœurs en grand nombre (A Christmas Morning, Samson and the Gates of Gaza, motets) et des mélodies.

maçonnique (musique)

Fondée en Angleterre, au début du XVIIIe siècle, sur des bases philosophiques de fraternité humanitaire qui n'ont évolué que tardivement, et dans certains pays seulement (en France notamment), vers l'activité politique et l'anticléricalisme, la franc-maçonnerie a connu sans tarder un tel développement dans toute l'Europe qu'il est devenu impossible de continuer, comme on en avait pris l'habitude, à la passer sous silence dans les histoires de la musique. Presque tous les grands compositeurs du XVIIIe siècle (Rameau, Haydn, Mozart, Gluck) et du XIXe (Beethoven, Schubert, Liszt, Wagner) ont été soit francs-maçons, soit influencés par les idées maçonniques. On en trouve de nombreux échos dans leur œuvre, soit en gros plan (la Flûte enchantée, Parsifal), soit plus discrètement (la Création de Haydn, certains quatuors de Beethoven, le Voyage d'hiver de Schubert). En outre, plusieurs d'entre eux, et notamment Mozart, ont écrit pour les cérémonies de loge des musiques de circonstance (cantates, marches, musiques funèbres, etc.) reconnaissables à leur style et à leur composition instrumentale, riche en instruments à vent et surtout à anches (clarinettes, cors de basset, bassons), ces ensembles étant particulièrement employés dans les réunions de loge sous le nom de colonnes d'harmonie. Le secret qui jadis couvrait ces activités avait longtemps fait obstacle à la connaissance de l'apport maçonnique à la musique ; sans avoir été entièrement abrogé, il est devenu aujourd'hui moins rigoureux, et permet d'en aborder une étude qui n'est encore qu'à ses débuts.

Madeira (Jean)

Alto américaine (Centralia 1918 – Rhode Island 1972).

Elle étudie d'abord le piano avec sa mère, puis le chant à la Juilliard School de New York. En 1943, elle fait ses débuts dans Martha de von Flotöw, et entre dans la troupe du San Carlo Company Touring Opera. En 1948, elle débute au Metropolitan, se distinguant particulièrement dans les rôles de Carmen et d'Amnéris. Après ses débuts européens en 1954, elle s'impose comme wagnérienne à Bayreuth de 1955 à 1967, et à Salzbourg en 1956 et 1957. Elle y incarne Waltraute, Erda et Rossweise. En 1968, elle crée Ulisse de Dallapiccola à Berlin. Elle fait ses adieux au Metropolitan en 1971.

Maderna (Bruno)

Compositeur et chef d'orchestre italien (Venise 1920 – Darmstadt 1973).

Enfant prodige, il fut protégé par la princesse de Polignac, et, sous le nom de « Brunetto », fit sa première apparition publique à sept ans dans le concerto de Bruch. À huit ans, il dirigea à la Scala et aux arènes de Vérone. Il poursuivit ses études aux conservatoires de Milan (1935) et de Venise (1939), obtenant finalement ses diplômes de composition et de musicologie à celui de Rome (1940). Ses maîtres principaux furent Alessandro Bustini (composition) et Antonio Guarnieri (direction d'orchestre). Il étudia aussi à Venise avec Gian Francesco Malipiero, et après la guerre avec Hermann Scherchen, qui l'orienta vers la technique dodécaphonique. De 1947 à 1950, il enseigna la composition au conservatoire de Venise, comptant parmi ses élèves Luigi Nono, et, en 1950, il fut appelé par Karl Amadeus Hartmann à diriger un concert de la série Musica viva à Munich. En 1951, il se rendit pour la première fois à Darmstadt, où il enseigna régulièrement à partir de 1954. En 1955, il fonda avec Luciano Berio le Studio de phonologie de la R. A. I. à Milan, et, de 1956 à 1960, dirigea avec lui dans cette ville les Incontri musicali, concerts consacrés à la musique contemporaine. En 1957-58, il enseigna aux cours d'été de Darlington, en Angleterre, et organisa au conservatoire de Milan un cours public sur la technique dodécaphonique. Il enseigna aussi la direction d'orchestre au Mozarteum de Salzbourg de 1967 à 1970, et dirigea en 1971-72 le Berkshire Music Center de Tanglewood. Comme chef d'orchestre, il dirigea de 1958 à 1967 l'Ensemble international de musique de chambre de Darmstadt, ville dont il fut fait citoyen d'honneur en 1970, enseigna au conservatoire de Rotterdam à partir de 1967, et, en 1971, fut nommé à la tête de l'orchestre de la R. A. I. à Milan. Outre le répertoire contemporain, il dirigea de nombreux ouvrages classiques et romantiques, dont Didon et Énée de Purcell à la Piccola Scala (1963). En 1967, sa réalisation de l'Orfeo de Monteverdi fut donnée au festival de Hollande. En avril 1973 se déclara un mal foudroyant qui devait l'emporter en quelques mois. En 1974, le prix Beethoven de la ville de Bonn lui fut attribué à titre posthume pour Aura, et, la même année, Pierre Boulez composa à sa mémoire Rituel. Depuis 1969-1970, sa production de compositeur s'était encore intensifiée, avec notamment une remarquable série d'ouvrages symphoniques.

   De quelques années l'aîné de Nono, de Berio, et aussi de Boulez, Maderna joua un rôle essentiel dans la naissance de l'avant-garde italienne d'après la Seconde Guerre mondiale, cela aussi bien par le rayonnement de sa personnalité que par son enseignement proprement dit. Esprit généreux et ouvert, ne reniant pas l'héritage du passé, il se mit largement, comme chef d'orchestre, au service d'autrui, et, comme compositeur, il sut, dans les années 1950, particulièrement bien montrer l'étendue et la diversité des possibilités expressives de la technique sérielle. Il fut en outre le premier à analyser John Cage à Darmstadt (1957). Contrairement à ce qu'on a affirmé parfois, il ne prit jamais (même après avoir fait de Darmstadt sa résidence principale) la nationalité allemande, mais c'est à juste titre qu'on a pu voir en lui un véritable musicien européen.

   Sa première phase créatrice fut celle des expériences instrumentales et électroacoustiques. Il fit ses débuts officiels de compositeur en 1946 avec une Serenata pour 11 instruments restée inédite, peut-être révisée en 1954. Suivirent notamment un Concerto pour deux pianos et instruments (1948), Composizione no 1 (1949) et no 2 (1950) pour orchestre, Studi per il « Processo » di Kafka pour récitant, soprano et orchestre (1950), Improvisazione no 1 (1951) et no 2 (1953) pour orchestre. S'imposèrent encore davantage, toujours dans le domaine instrumental, un Concerto pour flûte destiné à Severino Gazzelloni (1954), le Quartetto in due tempi (quatuor à cordes, 1955), et la Serenata no 2 pour 13 instruments (1957). Ces deux dernières œuvres surtout donnèrent à Maderna sa place spécifique dans l'avant-garde européenne de l'époque (la Serenata no 2 allie admirablement séduction et rigueur). Dans le même temps naquirent divers ouvrages électroniques comme Notturno (1955), Syntaxis (1957) et Continuo (1958), que devait suivre en 1962 la Serenata no 3, tandis que Musica su 2 dimensioni pour flûte et bande magnétique (1957) non seulement unissait aux nouvelles sources sonores un instrument traditionnel, mais faisait appel aux techniques aléatoires. Au Concerto pour piano (1959) correspond peut-être la poussée la plus extrême de Maderna vers le « modernisme ». De la même veine relève cependant Honeyrêves pour flûte et piano (1961).

   Les années 60 virent naître, sous le signe à la fois d'une extraordinaire veine lyrique et de la violence expressionniste, de grands ouvrages relevant soit du théâtre soit de la musique instrumentale, les deux catégories pouvant d'ailleurs se trouver en rapports étroits. Il y eut par exemple les deux premiers Concertos pour hautbois (1962 et 1967), et sur le plan théâtral l'opéra radiophonique Don Perlimplin, d'après Federico García Lorca (1961, créé à la R. A. I. le 12 août 1962), puis l'œuvre lyrique en forme de spectacle Hyperion d'après Hölderlin (1964, créé le 6 septembre de cette même année à la biennale de Venise). Dans la mouvance d'Hyperion se situent Dimensioni III pour flûte et orchestre (1963), Aria da Hyperion pour soprano, flûte et orchestre (1964), et Stele per Diotima pour orchestre avec cadence pour solistes (1965), ces trois pièces pouvant se combiner de diverses façons entre elles et avec la cadence de flûte de Dimensioni III pour donner Hyperion II, Hyperion III, ou Dimensioni IV. Suivirent entre autres Amanda pour orchestre de chambre (1966) et le drame radiophonique Ritratto di Erasmo (Portrait d'Érasme, 1969-70), qui valut au compositeur le prix Italia en 1970.

   Avec Quadrivium pour orchestre (1969) s'ouvrit la série des ultimes pages symphoniques. Outre celles-ci, Maderna composa dans ses dernières années un Concerto pour violon (1969), Serenata per un satellite, musique aléatoire (1969), Juilliard Serenade (1971), Tempo libero I, musique électronique (1971, la combinaison de cette pièce avec la précédente donnant Tempo libero II), Pièce pour Ivry pour violon seul, musique aléatoire (1971), Venetian Journal (de Boswell, 1972), Giardino religioso pour petit orchestre (1972), l'invention radiographique Ages, d'après Shakespeare (1972), Satyricon, opéra en un acte d'après Pétrone (créé au festival de Hollande en 1973), et un Troisième Concerto pour hautbois, sa dernière œuvre (1973). Les pages symphoniques ont nom Grandes Aulodia pour flûte, hautbois et orchestre (1970), Ausstrahlung (avec voix de femme, 1971), Aura (1972), Biogramma (1972). À sa mort, Maderna avait en projet un concerto pour orchestre, violoncelle et deux pianos.