Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Schein (Johann Hermann)

Compositeur, maître de chapelle et poète allemand (Grünhain 1586 – Leipzig 1630).

Il fit ses études à Dresde, à Pforta et à l'université de Leipzig. En 1609, un recueil de musique vocale et instrumentale qu'il fait paraître à Wittenberg sous le titre de Venus Kräntzlein révèle ses dons musicaux et décide de son orientation. Il sera successivement précepteur et directeur de la musique domestique au château de Weissenfels (1615-16), puis, de 1616 à sa mort en 1630, cantor de Saint-Thomas et director musices à Leipzig ­ les fonctions exactes qui seront celles de J. S. Bach un siècle plus tard. Dans ses œuvres religieuses ou profanes, Schein se montre toujours résolument novateur, et, à ce titre, il influencera profondément ses contemporains et successeurs.

   Le caractère dominant de son style est d'emprunter à la musique italienne de nombreux traits d'écriture ­ harmonies, disposition du concert de solistes. Il trouve dans le madrigal l'écho de ses propres préoccupations : la primauté donnée au verbe et à l'expression contenue dans les mots, ce qui le mènera à abandonner parfois le support musical liturgique (thème de choral) de certaines de ses œuvres. En cela, il poursuit le chemin ouvert par Praetorius et se montre le principal représentant allemand du premier âge baroque.

   Outre de nombreuses œuvres publiées dans des recueils collectifs, Schein a fait éditer douze volumes de ses propres compositions. En musique religieuse, Cymbalum Sionum (Leipzig, 1615), Opella nova (2 recueils, Leipzig, 1618 et 1626), Israels Brünnlein (« la Fontaine d'Israël », madrigaux spirituels à 5 voix et basse continue, Leipzig, 1623) et Cantional (Leipzig, 1627). En musique profane, Venus Kräntzlein (pièces instrumentales et vocales, Wittenberg, 1609), Banchetto musicale (pièces instrumentales, Leipzig, 1617), Musica boscarecchia (vilanelles concertantes à 3 voix et basse continue, 3 recueils, Leipzig, 1621, 1626 et 1628), Diletti pastorali (madrigaux allemands à 5 voix et basse continue, Leipzig, 1624) et Studenten Schmauss (Leipzig, 1626).

Schelle (Johann)

Organiste et compositeur allemand (Giesing, Thuringe, 1648 – Leipzig 1701).

Auteur essentiellement de musique sacrée, il devint en 1677 cantor de l'église Saint-Thomas de Leipzig, où son successeur fut son cousin Kuhnau, lui-même prédécesseur de Bach.

Schenk (Johann Baptist)

Compositeur et pédagogue autrichien (Wiener Neustadt 1753 – Vienne 1836).

Élève de Wagenseil, il composa de la musique instrumentale, entre autres des symphonies qui lui valurent l'approbation de Haydn, mais obtint surtout le succès dans le genre du singspiel, en particulier avec Der Dorfbarbier (1796), joué jusqu'au XXe siècle. En 1793, pour compléter celles de Haydn, il donna des leçons à Beethoven. Son autobiographie, rédigée en 1830 et publiée dans une version condensée et modifiée en 1837, constitue cependant l'unique source de ses rapports avec ce dernier.

Schenker (Friedrich)

Compositeur allemand (Zeulenrode 1942).

Cet élève de Hanns Eisler, Günter Kochan et Paul Dessau est, depuis 1964, trombone solo de l'Orchestre radio-symphonique de Leipzig. Dès ses premiers ouvrages, il impose un style personnel qui perce sous les contraintes esthétiques extérieures (1re symphonie In memoriam Martin Luther King, 1970). Compositeur politiquement engagé, il n'a pas craint d'aborder les problèmes de la recherche d'un langage et d'une esthétique contemporains : Electrization (1973) fait appel au jazz, et Leitfaden für angehende Speichellecker utilise un piano préparé. Son Épitaphe pour Pablo Neruda, pour dix-huit cordes, lui a valu une reconnaissance internationale.

Schenker (Heinrich)

Théoricien autrichien d'origine polonaise (Wisniowczki, Galicie, 1867 – Vienne 1935).

Élève de Bruckner et ami de Brahms, qui l'encouragea comme compositeur, il se consacra à Vienne à l'enseignement en privé de la théorie et du piano, et à l'édition critique d'œuvres classiques (J.-S. et C. P. E. Bach, Haendel, dernières sonates de Beethoven) fondée sur les sources les plus sûres, en particulier les autographes. Il compta parmi ses élèves Wilhelm Furtwängler et A. Van Hoboken, et c'est à son instigation que fut créé en 1927 à la Bibliothèque nationale de Vienne un département d'autographes et de manuscrits musicaux (Wiener Photogramm-Archiv für musikalische Meisterhandschriften) confié à O. E. Deutsch.

   Ses analyses musicales, effectuées selon des méthodes que lui-même estimait ne pouvoir s'appliquer qu'aux chefs-d'œuvre de la musique tonale de Bach à Brahms, et fondées notamment sur une conception originale de l'harmonie et du contrepoint, s'efforçaient de saisir l'œuvre à tous les niveaux, et ont contribué de façon décisive au renouveau de cette discipline (cf. notamment celles de la symphonie en sol mineur K.550 de Mozart, ou de l'Héroïque de Beethoven).

Scherchen-Hsiao (Tona)

Compositrice suisse (Neuchâtel 1938).

Fille de Hermann Scherchen et de la compositrice Hsiao Shu-sien, elle a passé à partir de 1949 dix années en Chine, où elle a pu approfondir la culture classique de ce pays, puis étudié à partir de 1960 avec Henze, Messiaen (1963-1965) et Ligeti (1966-67). Très imprégnée de poésie chinoise, très consciente d'avoir une perception du temps différente de celle des Occidentaux, elle n'a cependant jamais fait usage de la musique chinoise, et ses œuvres sont exemptes de tout exotisme. Citons Shen pour six percussions ou percussions et orchestre (1968), Tzi pour chœur à seize voix a cappella (1969-70), Tao pour alto et orchestre (1971), Vague-Tao pour orchestre (1974-75), l'Invitation au voyage pour orchestre de chambre (1976-77), Ziguidor pour quintette à vent (1977), Œil de chat pour orchestre (1976-77), Lo pour trombone et douze cordes (1978-79), Complainte du fou, musique électronique (1989), le Jeu de Pogo, film radiophonique imaginaire (1991).

Scherchen (Hermann)

Chef d'orchestre allemand (Berlin 1891 – Florence 1966).

Autodidacte, il débute à seize ans comme altiste de l'orchestre Blüthner, avant d'entrer à l'Orchestre philharmonique de Berlin (1907-1910), où il fait à vingt ans ses premières armes de chef, dirigeant en Allemagne Pierrot lunaire qu'il a étudié avec Schönberg avant la création (1912). Nommé en 1914 chef de l'Orchestre symphonique de Riga, il est fait prisonnier de guerre par les Russes. De retour à Berlin en 1918, il y fonde la Neue Musikgesellschaft et son propre quatuor, lance un an plus tard son premier journal musical, Melos. Il dirige une chorale d'ouvriers (1920), enseigne la musique moderne à la Musikhochschule de Berlin, mène l'Orchestre Grotrian-Steinweg de Leipzig (1921) et celui de la Radio de Francfort (1923).

   Nommé directeur du Musikkollegium de Winterthur (1923) et directeur de la Radio de Königsberg (1928), il quitte l'Allemagne en 1933 pour la Belgique où il édite un nouveau journal, Musica Viva (1933-1936), puis pour la Suisse, où il dirige successivement l'Orchestre de Radio-Zurich et celui de Beromunster, et donne des cours de direction d'orchestre en été. Il crée en 1939 l'orchestre Ars Viva (et en 1950 les éditions du même nom).

   Après la guerre, il participe activement à l'avant-garde musicale par ses cours d'interprétation de Venise et de Darmstadt et par la création de son studio électroacoustique à Gravesano (1954), dont les recherches sont analysées dans ses Gravesaner Blätter (1956-1962). Ses élèves ont noms Hartmann, Maderna, Libermann, Nono, Goehr, Dallapiccola, Xenakis.

   Des créations importantes ont jalonné sa carrière de chef : trois fragments de Wozzeck (1924) et le Vin de Berg (1934), Matka et Der Weg des Lebens de Haba (1930 et 1934), les Variations pour orchestre op. 30 de Webern, le Prisonnier de Dallapiccola (1950), Das Verhör des Lukullus de Dessau (1951), la Danse du Veau d'or de Moïse et Aaron (1951), le Roi cerf de Henze (1956), Terretektohr de Xenakis (1966). Clarté et énergie sont les maîtres mots pour définir les interprétations de Scherchen, jaillissantes et novatrices. Plus de cent vingt disques portent témoignage de ses goûts : Bach (il est sans doute le premier à avoir dirigé en concert à Paris l'Art de la fugue), Haydn (première intégrale des symphonies londoniennes), Haendel, Berlioz, Mahler, etc.

   Le compositeur laisse des lieder, des chœurs, un trio, une sonate pour piano, et le chef un livre essentiel sur l'art de la direction d'orchestre (Lehrbuch des Dirigierens, Leipzig, 1929).