I.R.C.A.M. (sigle de Institut de Recherche et de Coordination Acoustique-Musique)
Organisme de recherche, de création et de diffusion musicales dirigé par Pierre Boulez et créé en 1975 dans le cadre du Centre Georges-Pompidou à Paris.
Il est certainement le premier dans le monde pour l'importance des moyens matériels et financiers dont il dispose. Par-delà une activité intense de concerts et de diffusion du répertoire contemporain, par l'intermédiaire d'un orchestre associé à l'I.R.C.A.M., l'Ensemble intercontemporain (E.I.C.), sa vocation reste celle d'un laboratoire de recherches, où collaborent techniciens, chercheurs, musiciens (et, en principe, hommes de science) « pour résoudre par un travail d'équipe les problèmes de la création musicale qui ne se prêtent plus à des solutions individuelles ». Ce vaste programme comprend, entre autres, des recherches sur la création de nouveaux sons, avec les instruments et les voix, mais aussi et surtout avec l'ordinateur, sur l'acoustique musicale, sur des nouvelles formules de composition, en associant des disciplines telles que la psychoacoustique, « l'informatique, la neurophysiologie, la linguistique et la sociologie ». En cela, l'I.R.C.A.M. s'est donné les mêmes objectifs que de nombreux centres existant en France et à l'étranger, ce qui le distingue toutefois étant l'étendue de ses moyens et son autonomie de principe par rapport à des impératifs de production ou de rentabilité. Il s'est affirmé aussi comme international, aussi bien dans son équipe que dans les contacts qu'il a noués avec des centres éloignés, aux États-Unis notamment (Stanford, M.I.T., U.C.L.A.).
Depuis sa création, l'I.R.C.A.M. a connu des remaniements profonds, sous l'autorité de Pierre Boulez. En 1975, il comportait, autour d'une équipe de liaison, de contacts et de programmes (Snowman, Marger), cinq départements complémentaires, confiés à des musiciens ou à des chercheurs réputés : Instruments et voix (Vinko Globokar), Électroacoustique (Luciano Berio), Ordinateur (Jean-Claude Risset), Pédagogie (Michel Decoust) et Diagonal de coordination, héritant également des difficiles problèmes de la perception musicale (Gerald Bennett). Puis, des dissentiments entraînèrent les départs successifs et indépendants de tous les responsables de département. En 1980, Pierre Boulez donna à l'I. R. C. A. M. une nouvelle structure, inspirée par un souci de décloisonnement (suppression des départements), de rajeunissement des équipes et d'ouverture des programmes. Il n'y a donc plus de compositeurs attachés en permanence à l'I. R. C. A. M., mais une équipe technique et une structure souple d'accueil, avec des « tuteurs » pour guider les musiciens dans leurs projets de création (autour du responsable David Wessel, les spécialistes Stanley Haynes, Yves Potard, Andrew Gerszo). Tod Machover anime la recherche musicale, et Jean Kott les recherches informatiques. En 1980, l'I. R. C. A. M. fut la cible de critiques et d'interrogations, dont l'importance tenait, notamment, à sa place dans le paysage musical français (son budget représente environ vingt fois le montant de toutes les subventions consenties en France aux autres centres de recherche). On lui reprocha de masquer, derrière une politique de diffusion du patrimoine contemporain « classique » (école de Vienne, Stravinski, etc.), dans des concerts reconnus d'ailleurs d'excellente qualité, un « vide total de projet » (Jean-Claude Eloy), l'ignorance par rapport aux recherches parallèles ou antérieures, l'absence de véritable découverte, aboutissant à une « impasse pesante pour tout le monde musical » (Iannis Xenakis). Les résultats jusqu'ici les plus visibles des recherches entreprises à l'I. R. C. A. M. semblent se situer dans le domaine très circonscrit de la création de nouveaux sons par ordinateur, où cet organisme a su utiliser la compétence de pionniers tels que Mathews, Risset, Chowning et d'un inventeur comme Giuseppe Di Giugno, qui a conçu un synthétiseur numérique en temps réel aux nombreuses possibilités, la machine « 4 X ». L'I. R. C. A. M. a suscité la réalisation d'un certain nombre d'œuvres nouvelles, explorant notamment le domaine de la synthèse informatique (ou « numérique »), et présenté, outre ses concerts de type classique, des cycles de conférences et de débats, nommés ateliers. Il a publié plusieurs rapports de recherche, des cassettes pédagogiques et un recueil d'articles, la Musique en projet (1974). En 1992, Boulez a eu comme successeur à la direction de l'I. R. C. A. M. Laurent Bayle. Le directeur artistique est depuis cette date Risto Nieminen. Depuis 1992, l'I. R. C. A. M. publie des livres-brochures sur des compositeurs (Jarrell, Lindberg…) ainsi que, deux fois par an, la revue Résonance, plus « grand public » que la revue In Harmoniques, lancée en décembre 1986 et qui continue sous une nouvelle formule depuis mai 1990. L'I. R. C. A. M. se veut plus que jamais un institut de recherche, de création et de pégagogie renforçant les liens entre chercheurs et compositeurs.
Ireland (John)
Compositeur anglais (Bowdon, Cheshire, 1879 – Washington, Angleterre, 1962).
Fils d'un homme de lettres bien connu, il étudia, entre 1893 et 1901, au Royal College of Music, d'abord le piano, puis la composition, avec C. V. Stanford. Devenu plus tard pédagogue dans ce même établissement, il compta parmi ses élèves Benjamin Britten, E. J. Moeran, et Humphrey Searle. Il composa beaucoup de musique pour piano, dont un concerto en mi bémol (1930), souvent joué au concert, et des mélodies, dont Sea Fever, une ballade de la mer. Down by the Sally Gardens est une mélodie avec partie de piano particulièrement éloquente. Le langage harmonique de John Ireland est riche, et malgré l'influence évidente du romantisme allemand, il a su cultiver un style raffiné et personnel, faisant souvent appel à la gamme pentatonique des chants populaires. Sa dernière grande œuvre, la musique du film The Overlanders, date de 1946-47.
Irlande
Avant d'être, au VIe siècle, l'un des plus brillants foyers de civilisation chrétienne, l'Irlande réserva sans doute, dès les temps les plus anciens, une place importante à la musique. Liée aux cérémonies religieuses et profanes, cette dernière participait même aux scènes de sorcellerie, où les harpistes, légendaires depuis les premiers âges de l'humanité, jouaient déjà leur rôle. Instrument de forme et de taille variables, la harpe triangulaire importée par les hordes septentrionales ne s'imposa pourtant qu'à partir du XIe siècle, époque où les bardes adoptèrent une partie des accents poétiques pour noter leurs compositions (débuts de la notation musicale). À côté du clairseach dont l'origine se perd dans la nuit des temps, les trois autres harpes irlandaises étaient le Keirnine, le Cionar Cruit, et le Creamthine Cruit à six cordes, l'ancêtre du crwth.
Les anciens Irlandais utilisaient également, pour leurs cérémonies religieuses, une sorte de cor qu'ils suspendaient aux arbres sacrés, et connaissaient plusieurs trompettes, le Stuic, à large embouchure, pour convoquer les assemblées et proclamer les phases de la lune, le Corna, trompe de chasse ou de bataille, le Dudag, clairon aigu, le Gall-Trompa, probablement d'origine anglaise, et le Blasog, conque marine d'origine écossaise.
Parmi les chants nationaux, le Pharroh, en l'honneur d'un géant légendaire, est le plus connu de ceux qu'on chantait en allant au combat. La musique en est malheureusement perdue, de même que celle de l'ancien Ceanan, antérieur à la notation, et qui était différent selon les provinces, ou que celle des harpistes irlandais, célèbres dans toute l'Europe, et auxquels Dante et Galilée devaient rendre hommage, sans évoquer toutefois avec précision le genre de musique qu'ils faisaient entendre. Le seul témoignage nous en est fourni par un document du XVIIe siècle transcrit d'un manuscrit antérieur, musique d'une grande originalité harmonique comportant notamment des accords qu'on jugeait alors dissonants dans le reste de l'Europe et dont la saveur fait souvent penser à ceux des maîtres français de la fin du XIXe siècle.
Cette originalité se retrouve, au même moment, dans la polyphonie en usage en Irlande comme en Écosse et au pays de Galles, et dont l'évolution devait être paralysée par les remous historiques. Pratiqué cependant dès le XIe siècle en fonction des tierces et des sixtes, le chant à plusieurs voix se réclamait d'une tradition plus populaire que savante et les autres instruments typiquement irlandais (cithare, tympanon, fidil ou piopai, sorte de cornemuse) ne tardèrent pas à s'emparer des transcriptions de chansons et madrigaux en attendant les « fantaisies » d'un Dowland pour ensemble de violes de gambe.
Lionel Power (XVe s.) et Thomas Bateson (1570-1630) sont les plus anciens compositeurs connus ayant vécu en Irlande, le premier par ses pièces polyphoniques et son traité qui condamne les octaves, quintes et quartes successives, le second par ses madrigaux. L'illustre Dowland (1562-1626), revendiqué par l'école anglaise, n'en est pas moins natif de Dublin et pourrait être considéré, à ce titre, comme le créateur le plus important de son pays. Et c'est paradoxalement à Turlough Carolan (1670-1738) que cette renommée se trouve réservée pour ses 220 compositions de poète-harpiste où l'élégie le dispute à la gaieté et le style traditionnel (gammes défectives) à une manière bâtarde, largement influencée par la musique italienne.