Royon-Lemée (Franck)
Compositeur français (Paris 1952).
Membre du Groupe de musique expérimentale de Marseille, il est également un étonnant interprète maîtrisant des techniques nouvelles d'émission vocale qu'il utilise dans ses propres œuvres électroacoustiques. La plus remarquable de celles-ci est un important Office constitué de plusieurs pièces indépendantes, et où se manifestent son goût de la beauté sonore et son sens du rituel.
rubato (de l'ital. tempo rubato, « temps volé »)
Indication d'expression prescrivant d'accélérer certaines notes d'une mélodie et d'en ralentir d'autres pour échapper à la rigueur de la mesure, la basse conservant en principe un rythme immuable.
Appliqué au chant mais aussi à la pratique instrumentale à partir du début du XVIIe siècle, le rubato fut pris en compte au XVIIIe par des théoriciens de l'interprétation tels que Carl Philipp Emanuel Bach, et connut une vogue certaine à l'époque romantique, en particulier dans le répertoire pour piano. Certains interprètes des alentours de 1900, par exemple Eugène d'Albert, en firent usage d'une façon qui semble aujourd'hui exagérée, mais il n'existe pour ainsi dire pas de musique vivante sans un minimum de rubato. Dans la musique contemporaine, cette technique tend à s'intégrer au processus compositionnel lui-même, dans la mesure notamment où cette musique cherche à se libérer de l'écrit, de la périodicité régulière, des valeurs égales, et elle est importante également dans le jazz.
Rubbra (Edmund)
Compositeur anglais (Northampton 1901 – Gerrad Cross, Buckinghamshire, 1986).
Élève de Cyril Scott, puis de Gustave Holst au Royal College of Music (1921-1925), il a enseigné à l'université d'Oxford de 1947 à 1968, ainsi qu'à la Guildhall School of Music à partir de 1961. De ses onze symphonies (entre 1935-1937 et 1978-79), citons notamment la 5e (1947-48), la 9e, dite Sinfonia sacra (pour solistes vocaux, chœurs et orchestre, 1971-72), et la 10e, dite Sinfonia da camera (1974). Il a écrit aussi des œuvres de musique de chambre dont quatre quatuors à cordes (1933, 1952, 1962-63 et 1976-77) et de la musique chorale (Festival Te Deum, 1951).
Rubini (Giambattista)
Ténor italien (Romano, près de Bergame, 1794 – id. 1854).
Il fut le plus célèbre ténor de la première moitié du XIXe siècle. Bellini composa pour lui Il Pirata, La Sonnambula, I Puritani, et Donizetti Anna Bolena. Sa voix était puissante, mais son timbre évoquait le velours davantage que le métal. Sa technique, basée sur le mélange parfait des registres, lui permettait d'atteindre le contre-fa dans l'aigu en falsetto appuyé : d'où l'écriture du rôle d'Arturo dans I Puritani, que les techniques de chant actuelles ne permettent guère de maîtriser. Excellent acteur, il s'identifiait à ses rôles de manière absolue.
Rubinstein
Famille de musiciens russes.
Anton, pianiste, compositeur et pédagogue (Vykhvatintsy, Moldavie, 1829 – Peterhof, près de Saint-Pétersbourg, 1894). Ayant commencé l'étude du piano avec sa mère, puis travaillé avec A. Villoin, il se révèle un enfant prodige, et dès 1840 effectue des tournées en Europe. Il travaille avec Siegfried Dehn à Berlin, rencontre Mendelssohn, Liszt, Chopin. Une première période créatrice voit naître plusieurs opéras sur des sujets russes, Dimitri Donskoï (Saint-Pétersbourg, 1852), la Vengeance d'après Lermontov (1852), les Chasseurs sibériens (Weimar, 1854), dans lesquels il s'efforce sans y parvenir d'imiter le style national russe. Il ne se reconnaîtra que dans la tradition des formes germaniques. Sa 2e symphonie, Océan, considérablement influencée par Schumann et Mendelssohn (1851, rév. 1863 et v. 1880), est une œuvre d'infiniment plus de valeur. De la même période (1850-1854) datent trois de ses cinq concertos pour piano.
Dès la fin des années 1850, Rubinstein s'impose comme animateur d'activités musicales : il crée à Saint-Pétersbourg une Académie de chant (1858) et surtout la Société musicale russe, qui fut bientôt transformée en conservatoire (1862). Le conservatoire de Saint-Pétersbourg fut le premier de ce genre en Russie. Rubinstein s'opposa dès lors à la tendance nationale du groupe des Cinq, en prônant la nécessité d'un enseignement académique à la mode occidentale. Il fut directeur et professeur du conservatoire jusqu'en 1867, et eut Tchaïkovski parmi ses élèves. Il quitta son poste en 1867 et pendant vingt ans mena de front sa carrière de virtuose et ses activités de compositeur.
Sa réconciliation avec Balakirev et les compositeurs nationalistes correspond à l'époque de la composition de son opéra le Démon d'après Lermontov (Saint-Pétersbourg, 1875), qui est une de ses œuvres ayant le mieux survécu. Cela ne l'empêcha pas, quatre ans plus tard, de composer un authentique opera seria, Néron (Hambourg, 1879), qui connut également un certain succès. En 1885-1887, les cycles de « concerts historiques » qu'il donna dans diverses capitales européennes (Berlin, Londres, Paris, Vienne), ainsi qu'à Saint-Pétersbourg et à Moscou, contribuèrent, entre autres, à faire connaître l'œuvre pour piano de l'école russe. En 1887, il reprit son poste de directeur et de professeur au conservatoire, dont l'esprit s'était quelque peu « russisé » depuis l'arrivée de Rimski-Korsakov en 1871. En 1888-89, Rubinstein fit un cycle de cours consacrés à l'histoire du répertoire pianistique, qu'il illustra avec l'interprétation de plus de 800 œuvres, des virginalistes du XVIe siècle à Liszt. Quittant définitivement le conservatoire en 1891, il vécut à Dresde jusqu'en 1894 et rentra en Russie peu de temps avant sa mort.
L'immense mérite de Rubinstein fut d'avoir imposé en Russie un enseignement musical officiel de haut niveau, tâche dans laquelle il fut activement secondé par son frère Nicolai, et d'avoir jeté les bases d'une tradition pianistique russe, servant de lien entre le style de Liszt et celui de Tchaïkovski et de Rachmaninov. Avec le contrepoids important qu'a représenté le groupe des Cinq, Rubinstein a assuré à l'école russe l'équilibre entre l'authenticité nationale et le métier classique. Le catalogue de ses œuvres est considérable (13 opéras, 5 opéras sacrés et oratorios, dont Sulamith, 1883, 6 symphonies, 5 concertos pour piano, de nombreuses œuvres pour piano seul, des mélodies, de la musique de chambre). Si la majeure partie d'entre elles a été oubliée à juste titre, certaines n'en méritent pas moins de survivre ; le cycle de mélodies Chansons persanes (1854) manifeste, curieusement, un sens de l'orientalisme que viendront confirmer de nombreuses pages vocales et symphoniques du Démon ; la 2e symphonie Océan, le 4e concerto pour piano (1864), le quintette pour piano et vents (1855, rév. 1860), tous d'un style intégralement occidental, n'en sont pas moins d'incontestables réussites.
Nicolai, pianiste, chef d'orchestre et pédagogue russe (Moscou 1835 – Paris 1881). Frère du précédent, il étudia le piano et l'écriture musicale à Berlin auprès de Theodor Kullak et de Siegfried Dehn (1844-1846), puis se perfectionna à Saint-Pétersbourg avec Villoin qui avait été le professeur de son frère. S'il resta peu connu comme compositeur, bien qu'ayant composé une série de pièces pour piano, il fit une brillante carrière de virtuose et de chef d'orchestre, et fut, aux côtés de son frère, organisateur et animateur de l'enseignement musical en Russie. Il fonda en 1859 la section moscovite de la Société musicale russe dont il resta président toute sa vie, et qui fut à l'origine du conservatoire de Moscou, inauguré en 1866. Rubinstein y assura en permanence la direction des concerts, contribuant à faire connaître les œuvres de l'école russe, et tout particulièrement celles de Tchaïkovski. En 1878, il vint à Paris et se produisit aux Concerts russes de l'Exposition universelle.