Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
H

harmonica de verre

Instrument ancien fondé sur l'expérience de physique amusante qui consiste à produire un son en promenant un doigt mouillé sur les bords d'un verre à boire.

L'harmonica de verre était formé d'une série de verres de cristal convenablement calibrés pour reconstituer la gamme chromatique et qu'on pouvait accorder de façon précise en les remplissant plus ou moins d'eau. Gluck lui-même, séduit par la sonorité immatérielle de ce Glasharmonika, en a joué en public. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le physicien américain Benjamin Franklin (1706-1790), qui devait également inventer le paratonnerre et jouer un rôle politique de premier plan, imagina de remplacer les verres par des coupes sans pied, enfilées sur un axe horizontal qu'un mécanisme à pédale mettait en mouvement. Les corps sonores se présentaient ainsi comme autant de touches d'un clavier, et il suffisait de les effleurer pour les faire vibrer. C'est pour l'harmonica de Franklin, dont l'étendue atteignait trois octaves et une sixte, que Mozart a composé en 1791 un quintette pour harmonica, flûte, alto, hautbois et violoncelle (K. 617). Dans l'orchestre moderne, le célesta remplace l'harmonica de verre de façon beaucoup plus commode, mais sans égaler tout à fait sa pureté de son.

harmonie

Terme employé en musique tantôt dans son sens général, tantôt dans un sens technique qui a varié au cours des siècles.

1. Au sens général, dérivé du grec harmottein (« assembler »), l'harmonie est, selon l'Arithmétique de Nicomaque, la qualité à la fois esthétique, morale et même physique résultant dans un ensemble d'un juste équilibre dans le choix, la proportion et la disposition de ses composants, et cette définition s'applique à la musique aussi bien qu'aux autres arts et aux sciences, où elle donne lieu à divers dérivés (harmonieux, harmonique, etc.).

2. Dans la musique grecque antique, le mot harmonia (« harmonie ») applique de manière précise la définition ci-dessus à la hauteur des sons musicaux et à la manière de les organiser. L'harmonie est donc, en ce qui concerne la hauteur, la science du rapport entre les sons, incluant l'étude des intervalles, de leurs groupements en éléments premiers (tétracordes, etc.), puis de l'agencement structuré de ceux-ci entre eux (gammes, systèmes, etc.). L'harmonie formait le premier stade des études musicales et se complétait par la rythmique, l'organique (science des instruments), la métrique, la poétique et l'hypocritique (c'est-à-dire la science de l'acteur et du déclamateur). On appelait harmoniciens (harmonikoï) les spécialistes des mesures d'intervalles au monocorde, généralement pythagoriciens.

3. En intitulant, en 1722, Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels l'ouvrage majeur d'où découle la théorie moderne, Rameau entend encore le terme « harmonie » au sens no 2 et multiplie les calculs de monocorde. Mais, plus que ses prédécesseurs, il étudie les intervalles en fonction des accords et de leurs enchaînements, dont il montre plus tard (Génération harmonique, 1735) la conformité avec la « résonance des corps sonores ». D'où sa formule novatrice : « La mélodie provient de l'harmonie et non pas l'inverse », à partir de laquelle le mot « harmonie » prendra désormais le sens qui est resté le sien.

4. Depuis le XVIIIe siècle, le mot « harmonie » désigne particulièrement la science des accords entendus verticalement, c'est-à-dire dans leur sonorité globale, ainsi que de leurs enchaînements, par opposition au contrepoint, qui envisage les rencontres de sons de manière « horizontale », à savoir par rapport aux lignes mélodiques superposées (punctum contra punctum), auxquelles appartient isolément chaque note de l'accord envisagé. Harmonie et contrepoint sont considérés comme les deux éléments complémentaires des études d'écriture musicale, et chacun d'eux donne lieu à une pédagogie plus ou moins figée, dotée de traités spéciaux et ouvrant sur des classes spécialisées dans les conservatoires. La distinction toutefois demeure quelque peu arbitraire, l'harmonie ne pouvant se concevoir sans intervention du contrepoint, ne serait-ce que pour l'étude des enchaînements d'accords. L'usage a donc établi une sorte de compromis, les traités d'harmonie faisant, en fait, une part importante à la marche des parties, et ceux de contrepoint se spécialisant dans un entraînement supplémentaire à diverses catégories cataloguées (renversable, mélanges, fleuri, etc.) artificielles, mais jugées formatrices.

   Sous son aspect traditionnel, qui remonte dans ses grandes lignes à la seconde moitié du XVIIIe siècle, l'étude de l'harmonie se limite quelque peu arbitrairement, en France du moins, à un exercice consistant à compléter, « à la muette », un ensemble à 4 voix (beaucoup de traités conservent encore les clefs d'ut archaïques), dont l'une des parties, chant ou basse (cette dernière chiffrée ou non), est donnée à l'avance. On la divise arbitrairement en harmonie dite consonante (accords de 3 sons) et dissonante (autres accords), et elle exige en moyenne de deux à quatre ans d'études. Une clause de style, introduite depuis peu, fait accoler à son nom l'épithète restrictive d'« harmonie tonale », mais il n'existe aucun traité d'harmonie « atonale » répondant à d'autres critères que ceux de conventions arbitraires établies par leurs auteurs. La rénovation des études d'harmonie demeure actuellement l'une des tâches urgentes de la pédagogie musicale.

5. Par dérivation généralisatrice, on donne quelquefois le nom d'« harmonie » à la conception d'ensemble qui, à une époque ou dans un style donnés, conditionne la manière de s'exprimer en musique, spécialement dans le choix des accords et la manière de les enchaîner (harmonie classique, romantique, moderne).

6. On emploie en orchestration le terme d'« harmonie » pour désigner l'ensemble des instruments à vent, divisés en petite harmonie (bois, incluant les flûtes bien qu'elles soient désormais en métal) et grande ou grosse harmonie (cuivres). On appelle orchestre d'harmonie, ou harmonie tout court, un orchestre formé des vents (et éventuellement percussions), à l'exclusion des cordes, dont cependant on conserve quelquefois les contrebasses et, exceptionnellement, les violoncelles.