Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
S

Schöne (Charlotte Bodenstein, dite Lotte)

Soprano autrichienne naturalisée française (Vienne 1891 – Paris 1978).

Élève à Vienne de Luise Ress et de Maria Brossement, elle chante au Volksoper de la même ville de 1912 à 1925. En 1927, Bruno Walter l'engage au Städtische Oper de Berlin, où elle triomphe dans les rôles de sopranos légers mozartiens. Elle incarne Despina, Zerline ou Blonde, et excelle aussi dans les opérettes, qu'elle enregistre parfois avec Richard Tauber. De 1922 à 1934, elle chante au Festival de Salzbourg mais émigre à Paris dès 1933. Sa carrière à l'Opéra et à l'Opéra-Comique est interrompue par la guerre et les persécutions antisémites. Elle aborde ensuite Mélisande, Micaëla, et Mimi dans la Bohème. De 1945 à 1953, elle reprend une carrière de soliste avant de se consacrer à l'enseignement.

Schorr (Friedrich)

Basse baryton hongrois, naturalisé américain (Nagyvorod 1888 – Farmington, Connecticut, 1953).

Il débute à Graz, en 1912, dans le rôle de Wotan de la Walkyrie (rôle auquel il attachera son nom de façon très spectaculaire). Il fait une carrière internationale tant en Europe qu'en Amérique, et est considéré comme un des plus grands chanteurs wagnériens de son époque (outre Wotan, ses interprétations de Hans Sachs dans les Maîtres chanteurs et du Hollandais dans le Vaisseau fantôme sont justement réputées). Il chante à Bayreuth de 1925 à 1933, puis se fixe aux États-Unis, où il demeure l'une des vedettes du Metropolitan Opera de New York jusqu'en 1944. Sa voix unissait la richesse du timbre à l'ampleur, et ses demi-teintes étaient d'une extrême beauté. Artiste d'une rare sensibilité, il possédait une présence scénique convaincante.

Schott

Maison d'édition allemande.

Ce fut, à l'origine, un simple atelier de gravure fondé à Mayence en 1770 par Bernhard Schott (Eltville 1748 – Mayence 1809), lui-même fils de graveur, qui joignait à son métier une solide culture musicale. Nommé graveur de la cour en 1780, il eut le monopole des publications musicales de la cour et des églises de Mayence, devenant ainsi éditeur. Il étendit bientôt cette activité aux œuvres de l'école de Mannheim, entre autres. Ses fils Johann Andreas (1781-1840), Johann Joseph (1782-1855) et Adam Joseph (1794-1840) lui succédèrent, d'où le nom, B. Schotts Söhne (« les fils de B. Schott »), que prit définitivement la firme. Les frères Schott créèrent en Allemagne et à l'étranger (jusqu'en Australie) des filiales, dont deux subsistent encore, à Londres et à Bruxelles, après s'être séparées de la maison mère de Mayence.

   Ils publièrent plusieurs œuvres maîtresses de Beethoven (Missa solemnis, Neuvième Symphonie, etc.), ainsi que des opéras de Rossini, Donizetti, Auber et Adam. Leur successeur Franz Philipp (1811-1874), fils de Johann Andreas, fut bourgmestre honoraire de Mayence et publia notamment le Ring et les Maîtres chanteurs de Wagner. Parsifal fut également confié à la maison Schott, mais celle-ci était passée sous le contrôle de Ludwig Strecker (1853-1943), qui inaugura une nouvelle dynastie en accueillant Liszt, Peter Cornelius, Humperdinck et Hugo Wolf. Ludwig Strecker n'attendit pas de mourir nonagénaire pour céder la place à ses fils Ludwig (1883-1978) et Willi (1884-1958).

   Après 1952, le gendre de Ludwig II, Heinz Schneider-Schott, a maintenu la tradition familiale de constante mise à jour d'un catalogue qui comprend les œuvres de Hindemith, Stravinski, Orff, Egk et Henze, ainsi que le célèbre dictionnaire de Hugo Riemann. La présidence de la firme a été assumée en 1974 par Arno Volk, puis, en 1977, par Ludolf Freiherr von Canstein.

Schreier (Peter)

Ténor allemand (Meissen 1935).

Enfant, il chante comme soliste dans la chorale Sainte-Croix de Dresde. Ses débuts de ténor remontent à 1953 dans le rôle de l'Évangéliste de la Passion selon saint Matthieu de Bach. Après une carrière de chanteur d'oratorio, il aborde, pour la première fois, l'opéra à Dresde en 1961 (rôle du premier prisonnier dans Fidelio de Beethoven). Pendant deux ans, il se crée un répertoire d'opéra italien qu'il chante avec succès (le Barbier de Séville, Don Pasquale, Rigoletto). Engagé en 1963 à l'Opéra de Berlin, il va s'affirmer, enfin, comme un des meilleurs ténors mozartiens de l'après-guerre.

   Et c'est le début de sa grande carrière internationale. Il chante Tamino, Belmonte, Ottavio, Ferrando dans les principaux théâtres et festivals du monde : Vienne, Londres, Munich, Glyndebourne, Milan, New York, Salzbourg. Dans le même temps, il continue ses récitals de lieder, et s'est produit récemment comme chef d'orchestre. Musicien et styliste accompli, Peter Schreier possède une technique d'une agilité exceptionnelle.

Schreker (Franz)

Compositeur, dramaturge et pédagogue austro-hongrois (Monaco 1878 – Berlin 1934).

Élève de Robert Fuchs au conservatoire de Vienne, il rencontra, grâce à ses œuvres de jeunesse (une ouverture, un psaume), des succès flatteurs. Surtout attiré par le théâtre, il présenta en 1902 un opéra en 1 acte, Flammen, en l'accompagnant lui-même au piano. Cet essai n'eut de suite que le jour où Schreker, mécontent de tous les livrets qu'on lui avait proposés, décida de ne se fier qu'à son propre talent et d'écrire, comme Wagner ou comme Busoni, ses poèmes lui-même.

   C'est ainsi que Der ferne Klang triompha à Francfort en 1912, point de départ d'une des plus fulgurantes carrières lyriques de l'histoire. Le compositeur, qui, jusque-là, avait vécu de petits emplois, fut aussitôt nommé professeur au conservatoire de Vienne, poste qu'il devait conserver jusqu'à son départ en 1920 pour Berlin. Là, il dirigea la Hochschule für Musik jusqu'à son éviction par les nazis en 1932. C'est lui notamment qui y fit nommer Schönberg à la succession de Busoni en 1924. À Vienne, comme chef du Chœur philharmonique qu'il avait fondé, il créa en 1913 les Gurrelieder de Schönberg. En 1913, son second grand ouvrage, Das Spielwerk und die Prinzessin, connut l'honneur rarissime d'être créé le même jour (15 mars) à Francfort et à Vienne ; mais le public de cette dernière ville, dérouté par les aspects symboliques du livret, se divisa en deux camps antagonistes ; et la soirée se termina en quasi-émeute, tout comme à Paris la création, deux mois plus tard, du Sacre du printemps.

   Le dramaturge n'en était pas moins engagé sur la voie de triomphes tels que peu de musiciens les connurent en notre siècle : son auditoire n'eut d'égal que celui de Wagner, et dépassa largement celui que son concurrent direct Richard Strauss connaissait à la même époque. Certains des drames suivants furent en effet simultanément à l'affiche dans dix pays différents. Les premiers furent Die Gezeichneten (« les Stigmatisés »), œuvre maîtresse, dont le livret avait d'abord été commandé à Schreker par Zemlinski à son propre usage (composée de 1912 à 1915, créée en 1918 à Francfort et en 1920 à Vienne) ; et Der Schatzgräber (« le Chercheur de trésor »), écrit entre 1915 et 1918, créé en 1920 à Francfort et représenté la même année à Zurich et en 1922 à Vienne. Mais Irrelohe (1924, Cologne) fut un demi-échec du fait des aspects trop novateurs de l'écriture musicale, partiellement sérielle ; et Christophorus, terminé en 1927, ne put être représenté à l'époque (sa création n'a eu lieu que pour le centenaire du compositeur, à Francfort). Le déclin fut aussi brutal que le succès avait été rapide et éclatant. La montée du nazisme autant que les dithyrambes abusifs d'un Paul Bekker (qui concluait qu'auprès de Schreker Wagner devait être oublié) n'y furent pas étrangers. En 1928, Der singende Teufel ne se maintint pas à Berlin ; et en 1932 Der Schmied von Gent ne put être monté dans cette ville que grâce au courage du directeur de la Deutsche Opernhaus, P. Breisach. Sa démission forcée et la mise à l'index dès 1933 de toute son œuvre abattirent l'artiste qui, victime le 18 décembre 1933 d'une grave attaque, mourut trois mois plus tard.

   Les exigences de la scène ont retardé dans le cas de Schreker une renaissance qui semble inéluctable, si l'on en juge par l'intérêt qu'ont suscité les reprises récentes, colloques et expositions qui ont eu lieu tant en Autriche qu'en Allemagne. Au concert, Schreker ne donna que peu de pages significatives ; mais on citera au moins la Kammersymphonie, pour 23 instruments, à rapprocher de la première Symphonie de chambre de Schönberg, et le Vorspiel zu einem Drama, qui n'est autre qu'un développement du prélude des Stigmatisés. L'œuvre mélodique de Schreker est plus abondante : après une série de lieder pianistiques de jeunesse, elle culmine sur une admirable page, deux grandes mélodies avec orchestre d'après Walt Whitman, réunies sous le titre Vom ewigen Leben (1926, orchestrées en 1929), et par lesquelles Schreker s'inscrit dans le droit fil du dernier Mahler.