Kienzl (Wilhelm)
Compositeur autrichien (Waizenkirchen 1857 – Vienne 1941).
Sa thèse Die musikalische Deklamation (1880) lui valut le titre de docteur. En 1879, il assista Wagner à Bayreuth. Après des tournées de concerts en tant que pianiste, accompagnateur, il devint directeur de l'Opéra allemand d'Amsterdam, puis occupa successivement les mêmes fonctions à Hambourg, à Munich et à Graz. Son opéra Urvasi (1886) attira l'attention du public sur son activité de compositeur, mais Der Evangelimann (1895) demeura son plus grand succès. Wagnérien convaincu, il s'efforça de démontrer que les principes du compositeur de Parsifal pouvaient être appliqués avec bonheur à des sujets moins ambitieux. L'intention de Kienzl était de créer un opéra populaire dans le genre du mélodrame sentimental fin de siècle, qu'il transporta à la scène lyrique. Musicien possédant un métier solide, il était doué d'une veine mélodique assez facile, et convaincante dans le cadre des sujets qu'il traitait.
À partir de 1917, Kienzl vécut à Vienne, d'où il entretint par correspondance des relations avec toutes les personnalités musicales de son temps. Plusieurs dizaines de milliers de lettres ont pu être retrouvées. Outre les opéras, il composa dans tous les genres et publia également divers ouvrages littéraires dont une étude sur Wagner.
Kiepura (Jan)
Ténor polonais (Sosnowiec 1902 – New York 1966).
Il débuta en 1924 à Lvóv dans le rôle de Faust. Il fit une carrière internationale, se produisant régulièrement, de 1926 à 1939, à Vienne, Berlin, Milan, Paris. Émigré aux États-Unis, il chanta pendant la guerre au Metropolitan Opera de New York, à Chicago et à San Francisco. Ses rôles les plus fameux furent Mario (la Tosca), Calif (Turandot) et Rodolphe (la Bohème). Ayant épousé la soprano hongroise Martha Eggerth, il aborda l'opérette et chanta avec elle la Veuve joyeuse un peu partout. Jan Kiepura fit également de nombreux films. Sa voix de ténor lyricospinto était riche et bien timbrée. Il avait un physique avantageux et une très belle prestance.
Kierkegaard (Søren Aabye)
Théologien, écrivain et philosophe danois (Copenhague 1813 – id. 1855).
Il a consacré à la musique de Mozart, Don Giovanni en particulier, un court écrit, les Étapes érotiques spontanées (ou, selon les traductions, les Stades immédiats de l'Éros), intégré dans un ensemble publié en 1843 sous un pseudonyme (Enten-Eller), Ou bien… ou bien. Mais toute son œuvre fait référence, implicitement ou explicitement, à l'univers acoustique et à la musique. L'opuscule des Étapes érotiques spontanées (sous-titré l'Érotisme musical) célèbre le Don Giovanni considéré comme l'opéra des opéras, l'expression la plus géniale de la sensualité comme principe. Les trois étapes qu'évoque le titre apparaissent dans trois opéras de Mozart : la première, c'est le Chérubin des Noces de Figaro, troublé par l'éveil d'un désir sans objet et qui ne se reconnaît pas encore comme tel ; la deuxième, c'est le Papageno de la Flûte enchantée, être immédiat et gaiement gazouillant (à l'opposé de Tamino, décrit avec justesse comme un personnage « a-musical… au-delà de la musique ») et dont le désir cherche son objet au milieu d'une multitude ; enfin la troisième étape, c'est Don Juan, c'est-à-dire le désir « absolument déterminé comme tel », victorieux, irrésistible, un personnage qui ne pouvait, selon Kierkegaard, apparaître que dans le cadre chrétien, seul propice à l'affirmation de ce concept de sensualité. Mais Don Juan, l'anti-Tamino, est un être complètement musical, « la parole, la réplique ne lui appartiennent pas (…), il se hâte dans un perpétuel évanouissement, justement comme la musique ». Par opposition, l'auteur critique les Don Juan littéraires de Byron et de Molière. Celui de Mozart est, au sein de l'opéra qui porte son nom, désigné comme la « note fondamentale », la force fondamentale, le révélateur par excellence, qui donne de l'intérêt à tous les autres personnages qu'il touche. « Écoutez, écoutez, écoutez le Don Giovanni de Mozart », conclut le philosophe danois.
Ce Mozart vénéré, ce musicien suprême, pour n'être abordé longuement que dans cet article, reste présent à travers l'œuvre de Kierkegaard, par l'esprit de vivacité rythmique qui anime son style et sa pensée même, pensée « musicale » au plein sens du mot. Comme l'a souligné Nelly Viallaneix, Kierkegaard, amoureux de la sonorité de la langue, en joue d'une manière orale, rythmique, avec, notamment, un grand souci de la ponctuation, qui donne sa respiration à la phrase, et une recherche de cadence très sensible, même à travers les traductions. Extrêmement sensible aux impressions acoustiques (son Journal en note un grand nombre, qui sont souvent des perceptions musicales d'impressions rythmiques et visuelles), avouant, entre les cinq sens, préférer celui de l'ouïe, Kierkegaard a visiblement cherché non pas seulement à habiller de musicalité une pensée abstraite, mais, encore mieux, à donner à l'essor de sa pensée une logique, un mouvement directement musical un certain sving de l'esprit, comme on dit en danois jusque dans les frémissements, les contradictions, les dissonances assumées. Au reste, il conçoit la musique comme un domaine mystérieux « confinant partout à la langue », et qui commence « partout où la langue cesse ». Son goût pour les onomatopées, pour les allitérations, pour les genres poétiques obéissant à des règles « acoustiques » (telle la rime) manifeste sa conscience aiguë du langage dans la matérialité de sa substance signifiante, sa « matière sensible », et son intuition d'une dimension du langage au-delà de la signification littérale.
Kiesewetter (Raphael Georg)
Historien de la musique autrichien (Holesov, Bohême, 1773 – Baden, près de Vienne, 1850).
Élève d'Albrechtsberger, fonctionnaire dans l'administration impériale, il organisa chez lui, à partir de 1818, des concerts de musique vocale du XVIe au XVIIIe siècle, et apparaît comme le véritable fondateur de la musicologie autrichienne (Die Verdienste der Niederländer um die Tonkunst, 1829 ; Geschichte der europäisch – abendländischen oder unserer heutigen Musik, 1834 ; Die Musik der Araber, 1842). Il eut comme neveu August Wilhelm Ambros, et, à sa mort, sa bibliothèque échut à Aloys Fuchs.