Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
R

Raff (Joachim)

Compositeur suisse (Lachen, canton de Zurich, 1822 – Francfort 1882).

Protégé par Mendelssohn et par Liszt, il s'établit en 1850 à Weimar pour être à proximité de ce dernier : jusqu'en 1856, il y fut son assistant. Il se fixa ensuite à Wiesbaden, et en 1877 prit la direction de l'École supérieure de musique de Francfort. Il composa des opéras, parmi lesquels König Alfred (Weimar 1851) et Dame Kobold (Weimar 1870), de la musique de chambre et, surtout, onze symphonies (dont la dernière inachevée), pour la plupart à programme et dont la plus célèbre est la Cinquième, dite Lenore (d'après la ballade de Bürger, 1872). La Huitième et les trois suivantes (1876) illustrent les Quatre Saisons.

ragtime (de l'angl. ragged, « heurté », « haché », « désordonné »).

Style de piano en vogue entre 1896 et 1917, qui naquit dans le Missouri et fut, avec le blues, un des éléments constitutifs du jazz.

Musique écrite et publiée, jouée à l'origine en tempo modéré, le ragtime, qui, à la différence du blues, se veut gai et enjoué, se compose généralement de quatre parties ou « strains » (airs) de seize mesures avec reprise disposées selon le schéma AABBACCDD, avec modulation et parfois interlude de deux ou quatre mesures entre chaque partie. Cette coupe typiquement occidentale est inspirée de la polka et du quadrille, mais plus encore, certainement, de certaines marches militaires jouées par les fanfares alors très répandues aux États-Unis, et qui finirent par inscrire elles-mêmes des cakewalks et des ragtimes à leur répertoire.

   Rythmiquement, on fait dériver le ragtime d'une danse de plantation appelée « cakewalk » (le pas du gâteau) : sur un rythme à 2/4 fortement marqué par la main gauche (influence de la marche), la main droite joue une mélodie très syncopée basée sur une succession théorique de huit doubles croches accentuées selon un décalage ternaire.

   Cette façon de diviser la mesure selon une constante qui relève plus de la métrique que de l'accentuation proprement dite trahit, selon Borneman, « une origine et une approche in

   contestablement africaines ». Ainsi, le plus européen des matériaux du jazz renvoie quand même, au-delà de l'harmonie occidentale, aux sources africaines.

   Forme fixe à l'origine, le ragtime (on dit également : rag) évoluera rapidement, ne gardera plus que deux parties (dont, généralement, la troisième de la forme originale), se jouera en tempo plus rapide, intégrera les blue notes qui lui étaient étrangères à ses débuts et laissera une large place à l'improvisation. Ainsi se fera le passage au jazz et au style de piano stride illustré par l'école de New York avec James P. Johnson, Fats Waller, etc.

Raimbaut de Vaqueiras

Troubadour provençal (Vacqueyras, Vaucluse, vers 1155 – v. 1210).

Il fut au service des princes d'Orange, des Baux et surtout de Boniface de Montferrat qu'il accompagna à la guerre de Sicile (1194) et à la croisade de 1202. Il s'éprit de Béatrice de Montferrat, sœur de Boniface, qui fut l'objet de plusieurs de ses chants, en particulier le Calenda maia, qui devint une célèbre danse de jongleurs. On lui doit une vingtaine de chansons d'amour, plus spirituelles que passionnées, et des sirventes étincelants de verve guerrière relatifs à la croisade de 1202. Il composa également des albas, des coblas, des descorts et des tensos, toutes pièces provençales, dont une trentaine ont été conservées. Il chanta enfin les fêtes qui saluèrent la nomination de son protecteur à la couronne du royaume de Salonique.

Raimon de Miraval

Troubadour de la région de Carcassonne (actif v.1180 – 1215).

Son nom apparaît dans des documents allant de 1157 à 1213, mais ceux-ci ont probablement trait à plusieurs personnes différentes. Protégé par le comte Raimond VI de Toulouse, il perdit ses biens lors de la croisade des albigeois et mourut peut-être au monastère de Lerida, en Espagne. Lui sont attribuées 47 pièces, dont 22 avec notation musicale.

Raimondi (Ruggero)

Baryton-basse italien (Bologne 1941).

Après des études à l'Académie Sainte-Cécile de Rome, il débute en 1964 dans la Bohème. La même année, il chante Figaro et Méphisto à La Fenice. Puis il débute à la Scala dans Turandot, en 1969 à Glyndebourne dans Don Giovanni, et en 1970 au Metropolitan avec Ernani. En 1979, il incarne magistralement Don Giovanni dans le film de Losey et, en 1983, aborde Boris Godounov à la Scala et à l'Opéra de Paris. Interprète exigeant, toujours prêt à se remettre en cause, il a acquis un sens dramatique et une expressivité vocale hors du commun. Il excelle dans les rôles inquiétants ou hautains comme ceux de don Juan, Basile, Scarpia, et sait aussi traduire la vulnérabilité pathologique de Boris Godounov, Arkel ou don Carlos.

   Au cinéma, il incarne Escamillo dans Carmen de Rosi en 1984, le rôle-titre de Boris Godounov tourné par Zulawski, et Scarpia dans une Tosca télévisée depuis les lieux mêmes où se situe l'action. Il choisit l'Opéra de Nancy pour s'essayer à la mise en scène, avec Don Giovanni en 1986 et le Barbier de Séville en 1992.

Raison (André)

Compositeur et organiste français ( ? v. 1640 – Paris 1719).

En 1666, il fut nommé titulaire de l'orgue de l'abbaye de Sainte-Geneviève-du-Mont, où il avait fait ses études. Il conserva ce poste jusqu'en 1716, tout en étant organiste des jacobins de la rue Saint-Jacques à partir de 1687. Ses œuvres consistent en deux livres d'orgue, comme en publiaient alors les maîtres organistes. Son Premier Livre d'orgue (1688) se compose de Cinq Messes suffisantes pour tous les tons de l'Église, suivies d'une Offerte du Ve Ton, « le Vive le Roy des Parisiens à son entrée à l'hostel de Ville le 30e janvier 1687 », à laquelle J.-S. Bach emprunta un fragment du thème de sa Passacaille en « ut » mineur. Dans sa préface, l'auteur indique que ses messes « peuvent aussi servir en Magnificat pour ceux qui n'ont pas besoin de Messe » ; il précise en outre que chaque morceau présente un rapport avec une danse donnée, et qu'il faut les jouer « avec le même air qu'au clavecin », mais plus lentement, « à cause de la sainteté du lieu ».

   Brillant exécutant et improvisateur, il ne fait pas appel au plain-chant pour les différentes parties de ses messes, mais révèle un sens aigu de la couleur et de la registration, qu'il prend soin d'expliquer en préface. Son 2e Livre d'orgue (1714), moins important, contient des pièces diverses « sur les acclamations de la paix tant désirée » (paix d'Utrecht ou de Rastatt), et des noëls variés ; il est précédé d'un avis donnant des conseils sur la registration à l'orgue. Raison eut pour élève Clérambault, qui lui dédia son propre Livre d'orgue en 1710.