Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Dunstable (John)

Compositeur, astronome et mathématicien anglais ( v. 1385 – Londres 1453).

On possède fort peu de renseignements sur lui. Sans doute fut-il associé à la vie musicale de l'abbaye de Saint-Alban, près de Londres. Un de ses précieux livres sur l'astronomie (manuscrit conservé à Cambridge) révèle un détail important : Dunstable fut le musicien du duc de Bedford, régent de France après la mort du roi Henry V en 1422. Cela explique que la plupart de ses œuvres sont contenues dans des manuscrits continentaux. Le mariage du duc de Bedford avec la sœur de Philippe le Bon lia les Anglais aux Bourguignons et permit à Dunstable de rencontrer Binchois et Dufay. L'influence de l'école anglaise s'exerça ainsi sur les musiciens français. La réputation de Dunstable fut considérable en son temps, et le poète Martin Le Franc écrivit, dans le Champion des Dames, qu'« ilz… (Dufay et Binchois)… ont prins de la contenance Angloise et ensuy Dunstable Pour quoi merveilleuse plaisance Rend leur chant joyeuse et notable ».

   Une cinquantaine de compositions de Dunstable ont été conservées, dans lesquelles il est possible de discerner le mélange des styles anglais et français car, il faut le souligner, le musicien n'a pas dédaigné de son côté ce qu'un homme plus jeune comme Guillaume Dufay pouvait lui apporter. M. Bukofzer a énuméré les différentes techniques qu'on peut remarquer dans l'œuvre de Dunstable : déchant anglais, style ballade, style gymel, motet isorythmique, pièces ayant une voix supérieure très ornée, traitement libre dans toutes les voix, double structure. Cette œuvre, avec son aspect chaleureux et mélodique issu de la chanson bourguignonne, comprend des motets à 3 voix ­ comme l'élégant Quam pulchra es d'une séduisante naïveté ­ et à 4 voix ­ comme le motet isorythmique Veni sancte Spiritus pour lequel deux textes sont employés. Elle inclut également des fragments de messes, ainsi qu'une version polyphonique du Magnificat. Trois chansons à 3 voix subsistent, dont Durez ne puis. Des deux autres, d'authenticité douteuse, le célèbre O rosa bella se trouve dans dix-sept manuscrits et son texte incite à se demander si Dunstable n'aurait pas visité l'Italie.

   Contemporain de Lionel Power, de Johannes Benet et de Bedingham, John Dunstable fut le plus grand compositeur anglais de sa génération. Le fameux théoricien Tinctoris devait le qualifier de primus inter pares estimant qu'il était un important novateur et que l'œuvre des musiciens anglais de cette époque était digne de l'expression ars nova.

duo (ital. duetto ; angl. duet ; all. duett)

Composition destinée à deux musiciens (chanteurs ou instrumentistes), avec ou sans accompagnement.

Le genre peut être en un seul ou en plusieurs mouvements avec des proportions plus ou moins vastes. On peut y inclure, par exemple, aussi bien les bicinia (chants à 2 voix), que les duos pour violons de Mozart ou encore la sonate traditionnelle pour instrument mélodique avec accompagnement de la basse continue ou du piano. Dans la musique de chambre vocale, on doit mentionner les duetti da camera de maîtres tels que Marco da Gagliano, Francesco Durante, Agostino Steffani et surtout Haendel, tout comme certains canti amorosi à deux voix de Monteverdi.

duolet

Lorsque la division du temps musical est ternaire, c'est-à-dire que chaque temps est divisé en trois parties égales, comme dans la gigue à 6/8 ou à 6/4, la notation peut avoir recours exceptionnellement à une division en deux parties. Dans ce cas, et dans les mesures citées, on aurait respectivement deux croches et deux noires en duolet. Dans une valse à 3/4, on peut également trouver une mesure de deux noires en duolet, soit un rapport de deux pour trois.

dupák

Danse populaire tchèque vive, à 2/4, dont les mouvements caractéristiques sont le trépignement et le piétinement.

Elle a trouvé sa forme idéalisée dans la sixième des Danses tchèques pour piano de Smetana.

Duparc (Henri Fouques-Duparc, dit Henri)

Compositeur français (Paris 1848 – Mont-de-Marsan 1933).

Il fit ses études au collège des jésuites de Vaugirard où César Franck enseignait la musique. Ses premières œuvres demeurèrent inédites (sonate pour violoncelle, quelques mélodies), mais, dès 1870, il écrivit l'Invitation au voyage, chef-d'œuvre qui inaugurait l'ère parnassienne de la mélodie française. Une période de douze ans s'ouvre alors pendant laquelle il participa à la vie artistique militante. C'est chez lui notamment que Saint-Saëns et Romain Bussine fondèrent la Société nationale, dont il fut longtemps secrétaire. Jusqu'en 1884, il poursuivit régulièrement, mais très lentement, son œuvre, faite de mélodies et d'incursions dans le domaine orchestral, parmi lesquelles Lénore (1875), qui consacra son nom dans la vie musicale officielle. Une maladie nerveuse l'obligea alors à quitter Paris et le priva de son activité créatrice. Pendant les cinquante années qui lui restaient à vivre, il assista, en pleine lucidité, à la paralysie de son talent.

   Musicien cultivé, grand admirateur de Wagner et du romantisme germanique, Duparc n'a jamais réalisé l'œuvre dont il rêvait et dont les formes idéales auraient été la grande pièce symphonique et le drame lyrique. Aux étoiles et Lénore ne se dégagent qu'imparfaitement des influences consenties et le projet d'une Roussalka (d'après Pouchkine), auquel il travailla pendant plus de dix ans, n'aboutit qu'à la destruction des esquisses. En revanche, son mince recueil de mélodies contient quelques-unes des plus précieuses réussites de la musique française. Synthèse de la romance et du lied, le poème lyrique qui naît ainsi, et spécialement en marge de textes de qualité (Baudelaire, Leconte de Lisle, Th. Gautier, Jean Lahor), marque un moment décisif de l'évolution du genre, entre Gounod, Fauré (contemporain de Duparc) et Debussy. Dès la Chanson triste (1868) et surtout l'Invitation au voyage (1870), la fidélité à la forme strophique va de pair avec la franchise des modulations et le raffinement qui s'exerce à prolonger les images du verbe. Extase, plus ou moins volontairement écrite « en style de Tristan », emploie en même temps des enchaînements typiquement franckistes. Pour la première fois, cette œuvre assigne à la couleur harmonique une équivalence sonore avec l'image poétique, alors que Sérénade florentine sollicite du mode hypophrygien (mi plagal) une fluidité que le rythme syncopé ponctue avec une extrême douceur. Phidylé (1882) et la Vie antérieure (1884), sa dernière mélodie, attestent enfin l'expression définitive et originale du poème chanté capable de traduire musicalement la pensée et le sens du texte. Les accompagnements pour piano, souvent conçus en des phrases très larges et toujours très travaillés, présentent de grandes difficultés d'exécution. La plupart d'entre eux ont été orchestrés par le compositeur.

   Si Duparc, par le climat douloureux ou violent dans lequel il se complaît, se rattache au second romantisme propre aux disciples de César Franck, il dépasse tous ceux-ci par la noblesse de sa pensée, la profondeur de son inspiration, sa puissance évocatrice. Sans qu'on puisse vraiment discerner une influence directe, il est certain que sa conception de la mélodie a été, pour Gabriel Fauré, un exemple précieux.