Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Busenello (Giovanni Francesco)

Poète et librettiste italien (Venise 1598 – Legnaro, près de Padoue, 1659).

De milieu aisé, il écrivit quelques pièces en dialecte vénitien, mais il doit aujourd'hui sa célébrité aux excellents livrets qu'il composa pour Monteverdi (L'Incoronazione di Poppea, 1642) et pour Cavalli (Gli Amori d'Apollo e di Dafne, 1640 ; La Didone, 1641 ; La Statira Principessa di Persia 1655 ; La Prosperità infelice di Giulio Cesare, 1654). Il témoigna de sa prédilection pour des sujets historiques et fut d'ailleurs le premier à en écrire. Il entra en conflit avec les compositeurs, jugeant que ses textes étaient trop malmenés pour les besoins de la musique. Il les publia en 1656 tels qu'il les avait vraiment conçus.

Bush (Alan)

Compositeur, chef d'orchestre et pianiste anglais (Londres 1900 – Watford 1995).

De 1918 à 1922, il étudia le piano, l'orgue et la composition à la Royal Academy of Music, où il enseigna dès 1925. De 1922 à 1927, il travailla la composition avec J. Ireland, puis le piano avec A. Schnabel. De 1929 à 1931, il étudia la philosophie et la musicologie à l'université de Berlin. Il a voyagé comme conférencier ou chef d'orchestre en Allemagne, en U.R.S.S., en Europe centrale et aux États-Unis. Communiste militant actif, il voit ses œuvres jouées plus souvent dans les pays de l'Est qu'en Angleterre. Il a écrit 3 symphonies, des concertos dont un pour piano, baryton solo et chœur d'hommes et un autre pour violon, de la musique de chambre, des mélodies, des cantates (Voices of the Prophets ; The Winter Journey, 1946). Il a composé un opéra important, Wat Tyler (1950), inspiré de la révolte des paysans en Angleterre en 1381. Il faut également citer d'autres ouvrages théâtraux tels Men of Blackmoor (1955, représenté en 1956), The Sugar Reapers ou Guyana Johnny (1961-1964), The Man who never died (1965-1968). Sa musique se caractérise par un aspect néomodal et une vigueur certaine.

Busnois (Anthoine, ou A. de Busnes, dit)

Compositeur et poète français († 1492).

Originaire de Busnes, bourgade des environs de Béthune, il vécut d'une manière presque constante dans le milieu bourguignon pour le divertissement duquel il composa des chansons dont une soixantaine sont parvenues jusqu'à nous. Indignus musicus de Charles le Téméraire, alors comte de Charolais, il est cité en 1468 parmi les chantres, et si grande était l'importance que Charles le Téméraire accordait à la musique sur le plan de la magnificence, comme de la valeur éthique, que Busnois accompagna le duc dans tous ses déplacements, entre 1471 et 1475. Passé au service de Marguerite d'York (1476), il servit sa fille Marie de Bourgogne, épouse de Maximilien (1477). Sans doute est-ce lui qui mourut à Bruges en 1492 avec le titre de rector cantoriæ de Saint-Sauveur.

   Busnois est l'un des rares compositeurs de son époque à avoir cultivé la poésie, comme en témoigne sa correspondance avec Jean Molinet, et il s'y montre habile disciple des rhétoriqueurs. Mais la pratique littéraire l'a amené à faire des trouvailles musicales : utilisation d'une voix parfois plus proche du récit que du chant ; division des voix en deux groupes, voix aiguës et graves dans Terrible Dame, procédé qui sera fréquent, par exemple, chez Josquin Des Prés ; renversement de thème, par exemple, dans le motet In hydraulis et dans la teneur de la chanson J'ay pris amours tout au rebours ; alternance de strophes binaires et ternaires, notamment dans les bergerettes ; un premier exemple de marche harmonique dans Au pauvre par nécessité. Libérant le contraténor de la teneur, Busnois aime les imitations, sait ménager et varier les effets et se sent plus à l'aise dans l'écriture à 3 voix égales, généralement graves ; les musiciens français du début du XVIe siècle écriront ainsi par prédilection. Il est maître dans l'art du rondeau et surtout de la bergerette, où son côté brillant mais un peu superficiel fait merveille. Ses neuf motets attestent ce souci d'invention singulière (sur teneur soit grégorienne, soit inventée). Même si Molinet l'associe à Ockeghem et si Tinctoris leur dédie son Liber de natura et proprietate tonorum, Busnois supporte malaisément la comparaison avec Ockeghem car, malgré son métier et son ingéniosité, il n'en a pas l'envergure. Outre ces œuvres, Busnois a composé 2 Magnificat à 3 voix, une hymne et 3 messes à 4 voix, dont l'Homme armé.

Busoni (Ferruccio Benvenuto)

Pianiste et compositeur italo-allemand (Empoli, près de Florence, 1866 – Berlin 1924).

Fils d'un clarinettiste italien et d'une pianiste allemande, il fut formé à la musique et particulièrement au piano par ses parents, donna ses premiers concerts à huit ans et dirigea à douze ans un Stabat Mater de sa composition. En 1888, il commença, par une fugue d'orgue, son monumental travail de transcription pour piano des œuvres de Bach. Dès 1890, sa réputation de pianiste était établie ; au clavier, son style était caractérisé par un sens des vastes architectures et de la décoration, plus que par une émotion romantique. Entre 1902 et 1909, il dirigea à Berlin douze concerts de musique contemporaine, qui comportèrent notamment la première audition en Allemagne du Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy. En 1911, il joua en six récitals la majeure partie des œuvres de Liszt, qu'il considérait comme l'oméga du clavier, Bach étant l'alpha. Un peu plus tard, il fit connaître au public les concertos pour piano de Mozart, alors très négligés, qu'il ornait d'intéressantes et aventureuses cadences. Malgré une dévorante carrière de virtuose voyageur et de professeur (il enseigna à Helsinki, Moscou, Boston, Berlin), il parvint peu à peu à faire de son activité de compositeur le centre de sa vie.

   Dans la composition, Busoni mit longtemps à devenir le novateur qu'il demeure pour la postérité. Il écrivit d'abord des œuvres, certes, très élaborées, mais où dominait une virtuosité étourdissante, comme son concerto pour piano avec chœur final op. 39 (1904), et ne trouva qu'avec la Berceuse élégiaque op. 42 pour orchestre (1909) sa résonance personnelle. Cependant, depuis Rameau, aucun compositeur, avant de s'engager dans ses œuvres les plus importantes, n'a exposé la théorie de sa pratique avec autant de conviction et de lucidité ni aussi succinctement : car, dans l'espace d'une mince brochure, son Projet d'une nouvelle esthétique musicale (1907) est un traité complet d'anticonformisme en matière de musique. Busoni y conteste le recours aux seuls modes majeur et mineur, la forme sonate, etc., et il y propose à peu près toutes les innovations qui allaient se faire jour pendant la première moitié du XXe siècle : polytonalité, emploi de modes anciens et de modes de fantaisie obtenus en distribuant les bémols et les dièses de toutes les façons sur les sept notes de la gamme diatonique, micro-intervalles, et même l'électronique, Busoni ayant déniché en Amérique le « dynamophone du docteur Cahill », capable de produire des timbres inédits. Il prôna un « jeune classicisme », un style se réclamant « de toutes les expériences du passé et de toutes les expérimentations actuelles ». En accord avec ses idées, il façonna la Fantaisie indienne op. 44 (1913) et Romanza e scherzoso op. 54 (1921) pour piano et orchestre, ainsi que 6 sonatines pour piano (1910-1920), toutes différentes, toutes marquées par des audaces diverses, y compris des dissonances sans pitié, ou des consonances enchaînées de façon insolite.

   Dans le domaine des ouvrages pour le théâtre, Projet avait esquissé une esthétique bien peu conventionnelle, surtout à cette époque, visant à éviter les inconvénients de la convention antiréaliste du chant en surenchérissant sur cet antiréalisme pour faire des opéras à l'aide « de situations et conflits invraisemblables au-delà de toute crédibilité » et reflétant uniquement « l'artificiel, le pas naturel et le surnaturel ». C'est pourquoi, après Die Brautwahl ("le Choix de la fiancée, 1911), conte fantastique d'après Hoffmann, Arlecchino op. 50 (1916) et Turandot (d'après Gozzi, 1917) ressortissent à la commedia dell'arte, Turandot se référant aussi aux Mille et Une Nuits et au théâtre de marionnettes, et Arlecchino, dont le protagoniste est un rôle parlé, se compliquant d'une parodie d'opéra ; ce « caprice théâtral " s'ouvre par une fanfare dodécaphonique, plusieurs années avant que Schönberg n'ait mis en place ce système d'écriture. Quant à Doktor Faust (1925), on peut, dans une certaine mesure, le comparer à la Flûte enchantée de Mozart, en tant que spectacle pittoresque teinté de philosophie et de métaphysique.

   De 1910 à sa mort, Busoni fut le seul compositeur moderniste dont les recherches ne furent redevables ni à Debussy ni à Wagner. La ligne que ses affinités lui firent suivre part du dernier Beethoven, passe par Berlioz et s'italianise avec Liszt. À cette tradition, qu'il ne partage avec aucun autre, s'ajoute tout ce que son esprit inlassablement curieux lui proposait de fantaisie et de recherche. Il est significatif que parmi ses élèves, on compte des figures aussi dissemblables que Kurt Weill et Edgar Varèse, ainsi que de remarquables musiciens marginaux comme Arthur Lourié et comme Philippe Jarnach, qui orchestra et compléta les dernières pages de Doktor Faust (commencé en 1916).

   L'œuvre de Busoni comprend essentiellement les quatre opéras déjà cités, dont il écrivit lui-même les livrets, une douzaine de pièces pour orchestre, quelques partitions pour piano et orchestre, un concerto pour violon op. 35 (1897), un concerto pour clarinette (1919), un divertimento op. 52 (1920) pour flûte et orchestre, quelques cantates et œuvres chorales, de nombreuses pièces pour piano, dont 4 versions d'une Fantasia contrappuntistica (1912) d'après la fugue inachevée de l'Art de la fugue de Bach, de la musique de chambre (2 quatuors à cordes, œuvres pour violoncelle et piano, etc.), des mélodies. On doit y ajouter 7 volumes de transcriptions d'œuvres de Bach, des transcriptions d'œuvres de Beethoven, Brahms, Liszt, etc., et des cadences pour des concertos de Beethoven et de Brahms.