Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
L

Lazzari (Sylvio)

Compositeur français (Bozen, Autriche, 1854 – Suresnes 1947).

Autrichien de naissance, il fit ses premières études dans son pays natal, y subissant une profonde influence wagnérienne. Arrivé en France en 1882, il entra au Conservatoire de Paris dans les classes de Guiraud et de Gounod. Il se lia aussi avec Franck et Chausson, qui le conseillèrent. Il subit alors l'influence des impressionnistes et tenta de réaliser la problématique synthèse entre le style de Wagner et celui de ses contemporains français. Homme de tempérament indépendant, il occupa néanmoins plusieurs postes importants : il fut chef des chœurs à l'Opéra de Monte-Carlo et présida la société Wagner à Paris. Il fut attiré par la Bretagne, dont s'inspire sa première œuvre lyrique, Armor (créée à Prague, 1898). Si son orchestre possède la puissance, la sonorité, la couleur de celui de Wagner, ses mélodies respirent le plus pur accent du terroir breton. On peut regretter que ses œuvres dramatiques comme la Lépreuse (1902) ou la Tour du feu (1928) soient aujourd'hui délaissées.

Le Caine (Hugh)

Compositeur et physicien canadien (Port Arthur, Ontario, 1914 – Ottawa 1977).

Il a étudié à Kingston et à Birmingham (Angleterre), où il a obtenu un doctorat ès sciences en 1952. Il s'est orienté vers la mise au point d'instruments de musique électroacoustique et a contribué à la création de programmes d'études de musique électroacoustique à l'université de Toronto (1959), à l'université hébraïque de Jérusalem (1961) et à l'université McGill (1964), où il enseigne depuis 1966. Ses œuvres, dont beaucoup sont très brèves, relèvent presque exclusivement du domaine électroacoustique ; citons Dripsody (1955), Ninety-Nine Generators (1956), The Burning Deck, mélodrame sur un texte de D. F. Hemans (1958), Sounds to forget (1963), Paulution (1970).

Le Camus (Sébastien)

Violoniste, théorbiste et compositeur français ( ? v. 1610 – Paris 1677).

Intendant de la musique de S.A.R. Gaston d'Orléans (1648), il fut nommé en 1660 surintendant de la musique de la reine Marie-Thérèse. Il fut également membre de la Petite Bande, orchestre formé par Lully avec les meilleurs instrumentistes des Vingt-Quatre Violons du roi. Dans son Traité de la viole (1687), Jean Rousseau dit de lui : « Le seul souvenir de la beauté et de la tendresse de son exécution efface tout ce que l'on a entendu jusqu'à présent sur cet instrument. » Ses « beaux airs », dont il semble avoir écrit un grand nombre, furent fort appréciés de son vivant et continuèrent, après sa mort, à paraître dans les recueils collectifs de l'éditeur Ballard. Avec son contemporain Michel Lambert, Le Camus compte parmi les maîtres de l'air sérieux. C'est son fils Charles qui prépara le livre d'Airs à deux et trois parties de feu Monsieur Le Camus (1678). Sauf une exception (à 2 voix), ces airs sont pour 1 voix et basse continue ; ils témoignent d'une écriture soignée, d'une sensibilité envers le texte poétique et d'un langage harmonique souvent italianisant (cf. chromatisme du rondeau Amour, cruel amour).

Le Cerf de la Vieville de Freneuse (Jean-Laurent)

Écrivain français (Rouen, 1674 – id. 1707).

Sa réputation de poète et de théoricien repose aujourd'hui sur sa célèbre Comparaison de la musique italienne et de la musique française (Bruxelles, 1704-1706 ; rééd. 1972), rééditée dans l'Histoire de la musique et de ses effets de P. Bourdelot (Amsterdam, 1721-1726). Ses critiques, pertinentes, sont souvent injustement sévères envers la musique italienne. Le Cerf est un ardent défenseur de la musique française et, en particulier, de l'opéra lullyste. Son étude constitue une mine de renseignements pour une interprétation plus « authentique » de la musique du XVIIe siècle et souligne l'importance souveraine du texte poétique dans la musique vocale.

Le Duc

Famille de musiciens français.

 
Simon, violoniste et compositeur (Paris 1742 – id. 1777). Élève de Pierre Gaviniès, il fut engagé en 1759 au Concert spirituel, d'abord comme second violon, puis, en 1763, comme premier violon et soliste. Il quitta ce poste en 1764, peu après avoir fait entendre sa première œuvre, une sonate pour violon publiée en 1767 dans son opus 1. Il se produisit, à nouveau, au Concert spirituel en 1773, et, la même année, devint avec Gossec et Gaviniès codirecteur de l'institution. Il ne fut pas lui-même éditeur, mais publia à compte d'auteur, à partir de 1767, ses quatre premiers numéros d'opus. Comme violoniste, il fut admiré par Leopold Mozart. Comme compositeur, il écrivit 45 ouvrages, dont 6 sonates et 3 concertos pour violon, 3 trios pour orchestre, 1 symphonie concertante et 3 remarquables symphonies (1774-1776) publiées chez son frère Pierre, la première en 1776 et les deux autres en 1777, après sa mort.

 
Pierre, violoniste et éditeur (Paris 1755 – Pays-Bas 1816). Frère et élève du précédent, il en publia et en diffusa les œuvres, ayant fondé sa propre maison d'édition en 1775. Cette maison absorba notamment celle de La Chevardière en 1784 ou 1785 et publia, entre autres, des ouvrages de Haydn.

 
Auguste, éditeur (Paris 1779 – id. 1823). Fils du précédent, il lui succéda à la tête de sa maison d'édition en 1803 ou 1804.

Le Flem (Paul)

Compositeur et critique musical français (Lézardrieux, Côtes-d'Armor, 1881 – Tréguier 1984).

Ayant perdu ses parents de bonne heure, il songea à une carrière dans la Marine, mais s'orienta vers la composition, dès ses années d'études au lycée de Brest. Dans cette ville, Joseph Farigoul lui donna des leçons d'harmonie ; il se rendit à Paris à l'âge de dix-huit ans, eut Lavignac comme professeur au Conservatoire et écouta la parole de Bergson à la Sorbonne. Après un séjour en Russie (1902-1904) ­ où il fut précepteur dans une famille moscovite, apprit le russe et demeura attaché au monde slave ­, il revint à Paris. À la Schola cantorum, Vincent d'Indy le mit dans la classe d'Albert Roussel. Le Flem devint ensuite professeur dans cette classe, après le départ de Roussel ; il y eut comme élèves Erik Satie, puis Roland-Manuel et André Jolivet. Il fut directeur des chanteurs de Saint-Gervais, chef des chœurs à l'Opéra-Comique, et assista à tous les grands événements de la vie musicale parisienne depuis la première de Pelléas ; un poste de critique à la revue Comœdia lui permit, de 1922 à 1938, de prendre la défense de nombreux compositeurs, dont Varèse, Villa-Lobos et Milhaud.

   La musique de Le Flem est tout imprégnée de sa Bretagne natale. L'influence du chant breton y est aussi nette que celles de d'Indy, de Debussy, de la polyphonie des XVe et XVIe siècles et de Monteverdi. Sa personnalité est orientée vers la poésie, la couleur harmonique, le lyrisme, mais aussi vers cette vigueur non dénuée de rudesse, qui appartient à ceux dont le cadre quotidien a été marqué par la mer. Son œuvre comprend des recueils pour piano, Par grèves (1908), Par landes (1908), Vieux Calvaire (1910), Avril (1911) ; une Sonate pour violon et piano (1904), un Quintette pour piano et cordes (1908-1909) ; une Fantaisie pour piano et orchestre (1911) ; des œuvres orchestrales comme les 4 Symphonies (1908-1975) ; de la musique vocale, Chant de croisades (1923), Invocation (1918), In paradisium (1942), Hommage à Rameau (1964), Morven le Gaélique (1963) et la Maudite (1967-1971) pour solos, chœurs et orchestre. En musique théâtrale, il a donné Aucassin et Nicolette (1908-1909) sur un sujet d'origine arabe, tandis que le monde breton devait l'inspirer dans le Rossignol de Saint-Malo (1938), tiré d'une ancienne ballade, la Clairière des fées (1948), marquée par les bois et les forêts, et la Magicienne de la mer (1947), qui reprend la légende de la ville d'Ys.

   Trop souvent tenue à l'écart de la vie musicale, la musique de Paul Le Flem a connu un regain de curiosité lors de la célébration du centenaire du compositeur, qui étonna alors le monde musical par l'évocation de sa vie, dans des entretiens radiophoniques ou de presse. Il y fit montre d'une grande clarté d'esprit, d'une sûreté de jugement sur la musique d'un siècle, qu'il porte en haute estime pour sa diversité, et de confiance dans l'avenir de la musique. Son extraordinaire présence sur le plan verbal n'a eu d'égale que sa longévité en matière de création, cas unique dans l'histoire de la musique. Le musicien a expliqué que ses œuvres anciennes, comme celles pour piano ou la Première Symphonie, avaient beaucoup de fraîcheur et de naturel, et qu'il était devenu violent à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, à partir de son Conzertstück pour violon et orchestre (1965). « L'inconscient agit sur nous insidieusement, la musique a le pouvoir de traduire ou même de trahir, si nous ne voulons pas le reconnaître, les réactions les plus intimes de notre être. Il s'agit d'une violence longtemps refoulée, provenant d'une jeunesse vécue sans parents, du retour d'éléments affectifs de la première adolescence. » C'est ainsi que les deux dernières symphonies, la Troisième (1971) et la Quatrième (1975), ont une facture plus moderne que les précédentes, très éloignée de la forme sonate. Une ultime composition, les Trois Préludes pour orchestre, comporte des sous-titres significatifs : Calme, Obsession, Emporté. Ce n'est que la cécité qui a empêché Paul Le Flem de continuer à travailler au cours de ses dernières années. Artiste intègre, homme d'une grande bonté, Paul Le Flem s'est peut-être rendu artisan de la méconnaissance de son œuvre : sa dévotion à la musique des autres lui a fait négliger la diffusion de la sienne propre.