Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
N

Nordmann (Marielle)

Harpiste française (Montpellier 1941).

À l'âge de six ans elle commence l'étude du piano, pour se tourner vers la harpe quatre ans plus tard, après sa rencontre capitale avec Lily Laskine. Au Conservatoire de Paris, elle devient son élève, obtient un premier prix et forme avec André Guilbert et Renaud Fontanarosa le Trio Nordmann. Invitée pour des récitals dans le monde entier dès le début des années 60, elle se produit également avec Lily Laskine. En formation de musique de chambre, elle se fait entendre aux côtés de J.-P. Rampal, P. Tortelier, son mari P. Fontanarosa, A. Nicolet, P. Amoyal, etc. Elle contribue à enrichir le répertoire de la harpe en réalisant de nombreuses transcriptions.

Nordraak (Richard)

Compositeur norvégien (Oslo 1842 – Berlin 1866).

Il reste peu d'œuvres de ce compositeur, mort de la tuberculose à vingt-trois ans. On connaît une musique de scène pour la pièce Marie Stuart (1864-65) de son cousin B. Bjørnson, une autre pour Olav Trygvason (1865), des romances et quelques pièces pour piano. Mais son rôle aura été essentiel lors de sa brève rencontre en 1865 à Copenhague avec E. Grieg, car, à cette occasion, alors que Grieg était encore sous l'influence de l'enseignement de N. Gade, il lui communiqua sa foi en la possibilité de créer une musique nationale norvégienne (cf. le groupe Euterpe avec C. Horneman et G. Matthison-Hansen). Il est l'auteur de l'hymne national norvégien, Ja, vi elsker dette landet… (« Oui, nous aimons ce pays-ci… »).

Nørgård (Per)

Compositeur danois (Copenhague 1932).

Après des études dirigées par V. Holmboe et F. Høffding à Copenhague puis par N. Boulanger à Paris, il fit, très tôt, preuve d'une incontestable personnalité et ses premières œuvres (Sonate pour piano no 1, 1952, rév. 1956 ; Sinfonia austera, 1954 ; Triptychon, 1957, et surtout la 2e Sonate pour piano, 1957, et Constellations pour 12 cordes, 1958) se caractérisent par la densité de l'écriture et du rythme. Dans les années 60, son style s'épure et la canalisation de ses recherches et de ses idées produit des œuvres d'une grande intensité comme Fragment VI (1959-1961), l'oratorio Dommen (« Le jugement », 1962), l'opéra Labyrinten (1963) et le ballet Den unge mand skal giftes (1964). On peut considérer que Nørgård atteint une maîtrise totale de son système d'écriture à la fin des années 60 et presque toutes les œuvres qu'il écrit alors témoignent non seulement de la possession de son langage mais de la force de l'expression. En 1967 et 1968 il compose une trilogie orchestrale : Iris, Luna et Voyage à travers l'écran d'or qui établit la base de son langage, sans qu'il y ait d'ailleurs rupture avec ses œuvres précédentes. Viennent ensuite la 2e symphonie (1970), l'opéra-épopée Gilgamesh, en 6 jours et 7 nuits (1971), la 3e Symphonie (1973-1976), Nova Genitura (1975), Seadrift (1978), la 4e Symphonie (1981), la 5e Symphonie (1990).

   Per Nørgård s'est lui-même considéré, dans les années 50, comme un compositeur « nordique » ; il réunit, en fait, une double tendance non contradictoire : la première est d'essence spirituelle et fait appel aux sources de l'existence, à l'appartenance de l'homme à un monde cosmique, à la spiritualité ; la seconde se réfère aux réalités mathématiques, au nombre d'or, aux séries numérales, à l'expérimentation sonore, à l'analyse des phénomènes naturels, physiques ou chimiques.

   Il est la plus forte personnalité que le Danemark ait connue depuis C. Nielsen.

Norman (Jessye)

Soprano américaine (Augusta, Géorgie, 1945).

Elle étudie l'opéra et le lied à l'université Howard de Washington auprès de Carolyn Grant (1967), au conservatoire Peabody de Baltimore et à l'université du Michigan (1968), auprès d'Élisabeth Mannion et de Pierre Bernac. Premier prix du Concours international de Munich (1968), elle entreprend une tournée en Europe qui la mène à l'Opéra allemand de Berlin : elle y chante son premier rôle, Élisabeth de Tannhäuser (1969). Engagée dans la troupe, elle incarne la Comtesse des Noces de Figaro. De 1971 à 1972, elle se produit sur les scènes italiennes, chantant Idoménée à Rome, Selika de l'Africaine de Meyerbeer au Mai musical florentin, Aïda à la Scala de Milan. Pour ses débuts au Covent Garden, elle chante Cassandre dans les Troyens de Berlioz (1972). C'est en Allemagne qu'elle retrouve la scène, incarnant Ariane à Naxos à Hambourg (1980) et à Francfort (1981). Mais elle se produit principalement en concert ou en récital. Dotée d'une palette vocale riche en coloris et en nuances, elle en joue avec raffinement, utilisant au mieux un médium et un grave d'une étendue inhabituelle chez une soprano. Cela confère à ses interprétations de lieder et de mélodies françaises une force d'émotion peu commune.

Norrington (Roger)

Chef d'orchestre anglais (Oxford 1934).

Il est formé à l'université de Cambridge et au Royal College of Music de Londres. En 1962, il fait ses débuts de chanteur. De 1966 à 1984, il dirige l'Orchestre de l'Opéra du Kent, et se spécialise dans le répertoire du XVIIIe siècle joué sur instruments d'époque. À partir de 1975, il dirige le London Baroque Ensemble, et, en 1978, fonde les London Classical Players, associés au Heinrich Schütz Choir. En 1990, il prend la tête de l'Orchestre de Saint Luke à New York. Il s'attache à restituer les timbres instrumentaux d'origine des symphonies de Haydn et Beethoven. Décrivant ses London Classical Players comme un laboratoire plus qu'un orchestre, il applique la même démarche à la Symphonie fantastique de Berlioz, puis à Wagner et Bruckner. En 1994, il réalise un cycle Brahms au Concertgebouw d'Amsterdam et, en 1995, dirige Zelmira et Sémiramide de Rossini au Festival de Pesaro.

Norvège

Les origines musicales norvégiennes se confondent avec celles de la Suède et du Danemark. Les lurerna (sing. lur), « trompettes » recourbées de l'âge de bronze ­ il y a trois mille ans ­, rejoignent la harpe, le gige et le fele (instruments à cordes frottées) mentionnés dans les sagas du premier millénaire (Edda, Yngling saga) et il est aujourd'hui difficile de connaître les rôles respectifs exacts et l'évolution des musiques instrumentale et vocale (ballades). Les plus anciennes formes d'expression musicale connues sont liées à l'élevage du bétail et à l'agriculture : huvning, laling, kauking, hjuringlåt et bukkhornlåt. Tandis que les plus vieilles chansons disparaissaient au cours du XIXe siècle, la musique instrumentale de danse : bygdedansar (springar, pols, gangar, rull et halling), introduite en Norvège vers 1200, s'enrichissait au XVIIe siècle (ril, figaro, fransese, sekstur, firetur), puis au XVIIIe (kvadrilje, anglais, lancier, vals, galopp, polka). Les instruments populaires les plus usités ont pour noms : bukkehorn, neverlur, munnharpe, selje-flöyte, langeleik (longue harpe), sälgpipa, mungiga, fiol et plus tard le hardingfele (vers 1650) ou violon de Hardanger, également appelé gigja. La musique instrumentale est principalement une musique de danse (slåtter) mais peut aussi être de la musique pure (lyarslåttar). Les chansons populaires regroupent les légendes (tel Draumkvaedet), les poésies épiques et lyriques et les variations sur des chorals religieux. Sur le plan musical, nous retiendrons l'utilisation de gammes non tempérées incluant des 3/4 de tons.

La musique savante des origines à 1800

Le tvisöngur, chant parallèle et antiparallèle cité dans les sagas islandaises, prend probablement son origine en Norvège. C'est à cette forme musicale que se heurte le chant grégorien lors de la christianisation du pays (le Magnushymne, dédié en 1100 à Magnus Orkenøyjarl, est noté en tierces parallèles), et, si les missionnaires viennent d'Angleterre, c'est l'influence française qui prévaut. Mais la Norvège, depuis 1380 sous la domination du Danemark, est politiquement et géographiquement isolée, et les seuls musiciens du pays furent jusqu'à la fin du XVIIIe siècle presque exclusivement de simples paysans. La première institution musicale profane remonte au XVIIe siècle avec les « musiciens de ville », association populaire qui existera jusqu'en 1840, animée notamment par F. C. Groth, par A. Flintenberg (1735-1813). On doit à l'Église d'avoir permis l'éveil d'un courant musical savant.

   Ce n'est qu'après 1500 que l'on assiste à la réforme culturelle protestante (H. Thomissøn : Den danske Psalmebog, 1569, et N. Jesperssøn : Graduale, 1573) et les premières œuvres savantes connues sont le Cor mundum crea in me Deus pour chœur à 4 voix attribué à C. Ecchienus (vers 1600) et le motet Gott der Herr sprach de J. Nesenus (apr. 1550 - 1604).

   Avec l'époque baroque apparaît la première floraison de compositeurs. Georg Bertouch (1668-1743) est né en Allemagne ; commandant de la forteresse de Christiania (Oslo), il écrit d'intéressantes cantates et 24 sonates dans tous les tons du tempérament alors nouveau. Johan Daniel Berlin (1714-1787) est né en Lituanie ; organiste à Trondheim, ingénieur, architecte, mathématicien, il eut plusieurs fils qui furent également musiciens, notamment Johan Henrik (1741-1807), qui développa en Norvège le style de l'école classique viennoise. Johan Henrik Freithoff (1713-1767) fut surtout un remarquable virtuose du violon, tandis qu'Israel Gottlieb Wernicke (1755-1836), élève de P. Kirnberger, pianiste et théoricien, fut un créateur fidèle toute sa vie à son idole : J.-S. Bach.

   Plus importante apparaît la lignée des Lindeman qui commence avec Ole Andreas (1769-1857), éditeur en 1838 du premier livre choral norvégien. En l'absence de cour en Norvège, les sociétés musicales sont d'origines bourgeoise et intellectuelle, tout comme en Finlande : en 1765, la société Harmonien est créée à Bergen, en 1786 c'est le tour de Det Trondhjemska Musikalske Selskab, mais il faut constater que, malgré quelques personnalités notables, la Norvège, à l'aube du XIXe siècle, a un très important retard culturel et notamment musical à combler pour que sa vie artistique soit comparable à celle de ses voisins scandinaves.