Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
B

Belkin (Boris)

Violoniste russe naturalisé israélien (Sverdlovsk 1948).

Il commence le violon dès l'âge de six ans, à l'École des jeunes prodiges de Moscou, puis au Conservatoire. En 1973, il obtient le premier prix du Concours national de violon et, l'année suivante, il est autorisé à émigrer en Israël. Une carrière internationale du plus haut niveau s'ouvre alors à lui, sous la direction de Zubin Mehta et de Leonard Bernstein. Ce dernier lui fait faire ses débuts parisiens en 1975, et aborde avec lui les grands concertos de Paganini et les deux de Prokofiev. Entre deux tournées mondiales ­ il est particulièrement demandé en Asie ­, il enseigne, depuis 1987, à l'Académie Chigiana de Sienne.

Bellaigue (Camille)

Critique français (Paris 1858 – id. 1930).

Premier prix de piano au Conservatoire de Paris en 1878, il débuta en 1884 dans la critique musicale et entra en 1885 à la Revue des Deux Mondes. Écrivain élégant, mais superficiel, C. Bellaigue a écrit des ouvrages sur Mendelssohn (1907), Gounod (1910) et Verdi (1912), mais il a méconnu l'art de Franck et de Debussy, et, par une juste revanche, sa réputation de critique en a gravement souffert.

Bellini (Vincenzo)

Compositeur italien (Catane 1801 – Puteaux 1835).

Fils d'un maître de chapelle, il révéla un talent précoce de compositeur et fut envoyé parfaire ses études au conservatoire de Naples auprès de Zingarelli, l'adversaire de Rossini. Son inclination première pour le style d'église et la musique ancienne se retrouve dans ses compositions de jeunesse dont on retient aujourd'hui quelques mélodies et un Concerto pour hautbois et cordes. Encore élève, Bellini écrivit l'opéra Adelson e Salvini (1825), dont la perfection formelle fit voir en lui le successeur de Rossini, celui-ci ayant définitivement quitté l'Italie. Le théâtre San Carlo de Naples lui commanda aussitôt Bianca e Fernando (1826) et la Scala de Milan, le Pirate (1827), sur un poème de Felice Romani, le librettiste italien alors le plus en renom. Il donna ensuite, avec des fortunes diverses, la Straniera (Milan, 1829), Zaïra (Parme, 1829), I Capuleti e i Montecchi (Venise, 1830), puis, en 1831, à Milan, la Somnambule et Norma au succès desquelles contribua considérablement la cantatrice Giuditta Pasta, cependant que la société féminine des salons de la capitale lombarde voyait en Bellini l'image de l'idole romantique, sorte de héros byronien consumé par le mal du temps. Après avoir donné, à Venise, Beatrice di Tenda (1833), Bellini quitta l'Italie, puis, au retour d'un bref voyage à Londres, s'établit à Paris, où, protégé par Rossini, il se lia notamment avec Chopin et écrivit pour le Théâtre des Italiens les Puritains (1835). Il mourut peu après des suites d'une infection intestinale.

   La disparition prématurée de Bellini a privé l'histoire de l'opéra du seul très grand rival qu'aurait eu Verdi ; contemporain de Pacini, Mercadante et Donizetti, il occupa une position déterminante entre le retrait de Rossini, en 1829, et l'avènement véritable de Verdi en 1842. Au confluent d'un art encore aristocratique et de la poussée romantique, il réalisa dans son œuvre l'union parfaite entre la beauté classique et le thème de l'exaltation du héros ­ ou plus souvent de l'héroïne ­ condamné par le sort. Son culte des formes et des techniques du passé nous est attesté par une vingtaine de compositions religieuses écrites de 1810 à 1825 et par 7 symphonies de jeunesse, tandis que ses Polonaises pour piano à quatre mains (ainsi que celle de son Concerto pour hautbois) nous le montrent déjà sensible à l'art de Weber. N'oublions pas que son maître Zingarelli, tenant du vieil opera seria, n'avait pu l'empêcher de prêter une oreille favorable aux réformes novatrices de Rossini, et que Naples était en outre la ville la plus ouverte aux créations françaises et allemandes. Ayant étudié l'œuvre de Haydn et, surtout, celle de Mozart, il fut sensible aux courants nouveaux et se trouva naturellement en parfaite communion spirituelle et artistique avec Chopin : de là naquit le frémissement jusque-là inconnu qui parcourt son écriture mélodique expressive, à la respiration plus ample, plus incantatoire et moins mesurée (l'invocation Casta diva, dans Norma), qui renouait avec la liberté rythmique monteverdienne (la sprezzatura), mais héritait encore de la virtuosité belcantiste, exempte d'effets de puissance dans l'aigu.

   On note encore, chez Bellini, soit le recours à la formule ancienne des structures par morceaux isolés, soit celle des vastes architectures « ouvertes » : dans les Puritains, certains actes se déroulent sans solution de continuité. Enfin, les cahiers d'esquisse de Bellini, aussi éloquents que ceux de Beethoven, révèlent que le don mélodique n'était chez lui que le fruit d'un long labeur, et que, afin de mieux laisser à la voix le contenu émotif du drame, il épurait sans cesse l'harmonie et l'orchestration pour n'en garder que le substrat, ce qui l'a fait méjuger au début du XXe siècle, époque où les paramètres esthétiques se référaient à l'harmonie wagnérienne ou debussyste. Notre époque a remis à sa vraie place ce compositeur, dont le monde sonore offre une intime parenté avec celui de Chopin.

Bemetzrieder (Antoine)

Théoricien français (Dauendorf, Bas-Rhin, 1743 ou 1748 – Londres v. 1817).

De 1771 à 1781, il vécut à Paris où il bénéficia de la protection de Diderot. Il se fixa ensuite à Londres, vivant de son enseignement et de ses écrits. Parmi ses ouvrages, citons : Leçons de clavecin et principes d'harmonie (Paris, 1771), Traité de musique (Paris, 1776) et, en Angleterre, Melody and Harmony (Londres, 1783), New Guide to Singing (Londres, 1878), A New Singing-bock in French and English (Londres, 1790).

bémol

Dans l'usage actuel, le bémol est l'un des signes d'altération ayant pour objet de déplacer la hauteur d'une note sans modifier ni son nom ni, le plus souvent, sa fonction. L'effet du bémol est de baisser d'un demi-ton chromatique la note devant laquelle il est placé. Il existe aussi un double-bémol qui, répétant deux fois l'opération, la baisse de deux demi-tons, ce qui, dans le système tempéré (TEMPÉRAMENT), équivaut à un ton en sonorité matérielle, mais non en valeur grammaticale pour l'analyse.

   Aux origines de la notation, le bémol n'était pas une altération, mais le nom même de la note, B en nomenclature alphabétique (notre si), avec spécification de sa forme la plus basse ; en effet, la note B pouvait être à volonté soit haute (B dur, écrit carré

, d'où bécarre), soit basse (B mol, écrit rond b, d'où bémol). Le signe actuel du bémol a conservé le dessin du b minuscule arrondi. Quand on adopta la notation par neumes, puis par points, on prit soin parfois, mais non toujours, de spécifier auquel des deux B correspondait le signe placé à cet endroit, ce qu'on fit en notant le signe B, rond ou carré, soit à la place de la clef, soit après elle (ce qui a donné naissance à nos armatures), soit en cours de texte, avant la note ou avant le groupe dont la note faisait partie (ce qui a donné naissance à nos altérations accidentelles) ; cette indication est restée longtemps facultative, de sorte que l'absence d'altération ne signifiait pas que la note était « naturelle », mais que l'on n'avait pas cru utile de spécifier sa nature : il en fut ainsi jusqu'au XVIe siècle inclus. La même incertitude règne sur la durée de validité du signe : elle cesse souvent avec la ligne, mais peut aussi dépendre de règles compliquées de solmisation, dont on n'a pas encore à l'heure actuelle percé tous les secrets.

   Vers les XIIe et XIIIe siècles, l'usage des signes bécarre et bémol s'étendit à d'autres notes que le B, non pas pour les comparer, comme aujourd'hui, à leur position naturelle, mais, par analogie avec le B, pour en désigner la position haute ou basse, de sorte que sur certaines notes, fa ou do par exemple, on employait le bémol (position basse) là où nous mettrions un bécarre (position naturelle), et un bécarre (position haute) là où nous mettrions un dièse (un demi-ton au-dessus du naturel). Cet usage était encore parfois en vigueur au XVIIIe siècle, bien que l'usage actuel eût commencé à se répandre dès le XVIIe.

   On entend parfois dire que le bémol est plus bas d'un comma que le dièse correspondant. Un tel énoncé accumule les inconséquences. Il est emprunté à un système acoustique (dit « de Holder », XVIIe s.) qui n'est plus aujourd'hui employé qu'occasionnellement, et il est faux hors de ce système. La plupart des musiciens utilisent le système du « tempérament égal » ­ celui du clavier usuel ­, où dièse et bémol sont rigoureusement équivalents. Toutefois, sous l'effet de l'attraction, ceux qui ne sont pas prisonniers du clavier ont souvent tendance à « serrer les demi-tons » et à exagérer les différences d'intervalles lorsqu'ils pensent mélodiquement : ils se rapprochent alors, sans le savoir, du système pythagoricien, dont s'inspire celui de Holder, et où effectivement le dièse est plus haut que le bémol (mais non pas d'un comma au sens où l'entend Holder). À l'inverse, un chœur a cappella, attiré par la tierce basse de la résonance, aura les réactions inverses et se rapprochera sans le savoir du système zarlinien, où, tout au contraire, les bémols sont plus hauts que les dièses, aplanissant les différences au lieu de les accuser.