Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Monte (Philippede)

Compositeur flamand (Malines 1521 – Prague 1603).

Nous ignorons tout de sa vie avant 1542, date à laquelle il est au service de Cosme Pinelli à Naples. Après ses années de formation et de jeunesse en Italie, il entre (1554-55) dans la Chapelle anglaise de Philippe II d'Espagne (qui avait épousé Marie Tudor) à Londres, s'y liant d'amitié avec William Byrd. Puis il passe trente-cinq ans (1568-1603) à Vienne ou à Prague comme maître de chapelle de la cour impériale sous Maximilien II et Rodolphe II. Il maintient néanmoins des rapports suivis avec son pays où il recrute des musiciens, est nommé trésorier (1572) puis chanoine de la cathédrale de Cambrai (1577).

   On a souvent comparé Monte et Lassus : tous deux ont la même formation nordique et italienne, la même destinée (Lassus restera trente-huit ans à la cour de Munich) ; tous deux maîtrisent à merveille cette technique contrapuntique de la tradition franco-flamande et ont subi l'influence du madrigal. Mais Monte est peu attiré par l'expression symbolique, la peinture du détail et le chromatisme. Plus de 1 000 madrigaux témoignent de son goût de la clarté et d'une émotion retenue. Notons, d'autre part, la publication en 1575 d'un livre des Sonnets de Ronsard, bien éloigné des chansons du style nouveau et des tentatives humanistes. L'importance de ses œuvres et de ses apports personnels, mais aussi l'habileté avec laquelle il sait tirer parti des modèles traditionnels, notamment dans le genre du motet et de la messe-parodie, à laquelle il donne une nouvelle dimension, lui confèrent une place de choix aux côtés de Palestrina et de Lassus.

Montéclair (Michel Pignolet de)
ou Michel Pinolet de Montéclair

Compositeur français (Andelot, Haute-Marne, 1667 – Aumont, Oise, 1737).

Il reçoit sa première formation auprès de Jean-Baptiste Moreau à la cathédrale de Langres, où il est chantre dans la maîtrise. En 1687, il s'installe à Paris et entre au service du prince de Vaudémont. Il séjourne ensuite en Italie en compagnie de son maître pendant plusieurs années. Il en profite pour étudier la contrebasse, encore absente de l'orchestre de l'Opéra en France. De retour à Paris vers 1700, il devient maître de musique et trouve un emploi comme « basse du petit chœur de l'Orchestre de l'Opéra ». Il y joue de la contrebasse dans la célèbre « Tempête » de l'acte IV d'Alcyone de Marin Marais, et y fait représenter deux ouvrages de sa composition : le ballet les Fêtes de l'été (1716) et la tragédie biblique Jephté (1732). Cet opéra, outre ses grandes qualités musicales, marque une date importante dans l'histoire. Écrit sur un livret de l'abbé Pellegrin, il est à l'origine de la décision de Rameau de s'engager à son tour dans la voie de compositeur lyrique, d'abord en 1733 avec Hippolyte et Aricie et avec le même librettiste. Après le David et Jonathas (1688) de Marc Antoine Charpentier, composé pour le collège des jésuites, Jephté est en outre le second opéra sur un sujet tiré de l'Écriture sainte à nous être parvenu.

   Les autres œuvres de Montéclair sont de dimensions plus réduites : concerts pour divers instruments (flûte, hautbois, violon) et, surtout, de remarquables cantates françaises.

Montemezzi (Italo)

Compositeur italien (Vigasio, province de Vérone, 1875 – Vérone 1952).

Élève de Saladino et de Ferroni à Milan, il obtint son diplôme avec Bianca, opéra en un acte qui le situa aussitôt dans un courant postérieur au vérisme, dont il retint néanmoins la force, subissant par ailleurs l'influence de l'harmonie wagnérienne assortie d'une orchestration et d'une conscience dramatique dignes de celles de Puccini. Turin accueillit favorablement Giovanni Gallurese (1905), mais son chef-d'œuvre, L'Amore dei tre re, déconcerta le public de la Scala de Milan (1913). Cette œuvre puissante, où passent trop d'échos de Tristan de Wagner, mais qui contient de merveilleux caractères (notamment celui, fascinant, du vieux roi aveugle Archibaldo), connut une meilleure fortune aux États-Unis où l'auteur se fixa en 1939.

Monteux (Pierre)

Chef d'orchestre français naturalisé américain en 1942 (Paris 1875 – Hancock, Maine, 1964).

Il prend ses premières leçons de violon à six ans et dirige à douze ans un concert de charité auquel participe également le jeune Alfred Cortot. De 1885 à 1894, il fait ses études au Conservatoire national supérieur de Paris, dans les classes de Garcin et Berthelier (violon), Lavignac (harmonie) et Lenepveu (contrepoint et fugue). Avant même de remporter son premier prix de violon, il travaille comme second violon aux Folies-Bergère (1889-1892), puis, en 1893, comme premier altiste à l'Opéra-Comique, et bientôt également comme chef assistant aux concerts Colonne (jusqu'en 1912), participant aux créations de Pelléas et Mélisande et de la Mer de Debussy. Encouragé par B. Godard à faire de la musique de chambre, il devient en 1894 l'altiste du quatuor Geloso, puis du quatuor Tracol. De 1908 à 1914, il dirige l'été l'Orchestre du casino de Dieppe et fonde les concerts Berlioz, puis en 1914 la Société des concerts populaires (dits concerts Monteux).

   Choisi par Diaghilev pour remplacer G. Pierné, il dirige de 1911 à 1914 l'Orchestre des Ballets russes, créant nombre de partitions majeures : Petrouchka (1911), Daphnis et Chloé (1912), Jeux (1913), le Sacre du printemps (1913), le Rossignol (1914). Une tournée entreprise en 1916 aux États-Unis avec les Ballets russes est suivie par son engagement au Metropolitan Opera de New York (1917-1919), où il dirige tout le répertoire français et crée aux États-Unis le Coq d'or de Rimski-Korsakov. Appelé à la tête de l'Orchestre symphonique de Boston (1920-1924), il y poursuit son action en faveur de la musique française. De retour en Europe, il partage son temps entre le Concertgebouw d'Amsterdam, où il devient l'assistant de W. Mengelberg (1924-1934), et l'Orchestre symphonique de Paris, qu'il fonde en 1929 et qu'il dirige jusqu'en 1938. Il crée notamment à Amsterdam la Troisième Symphonie de Pijper et à Paris la Troisième de Prokofiev (1929) et le Concerto pour violoncelle de Honegger (1930). Il fonde également en 1932 une première école de direction d'orchestre. Invité en 1934 par Klemperer à diriger l'Orchestre symphonique de Los Angeles, il prend en main, de 1936 à 1952, l'Orchestre de San Francisco. Il se consacre de plus en plus à l'enseignement dans l'école de direction d'orchestre qu'il fonde en 1941 à Hancock, dans le Maine. Il dirige encore la saison 1953-54 du Met et signe en 1961 un contrat de vingt-cinq ans avec l'Orchestre symphonique de Londres. En 1963, il dirige dans cette ville le Sacre du printemps, qu'il avait créé cinquante ans plus tôt à Paris : l'événement est à l'image d'une carrière trop éloignée de son pays natal.

   Artisan rigoureux et passionné, Pierre Monteux a joué la sobriété plutôt que l'effet, la clarté plutôt que la séduction. Ses interprétations de Berlioz, de Stravinski et de Brahms chantent avec une tendresse inégalée.