affektenlehre (all. pour « doctrine des passions »)
Théorie esthétique du XVIIIe siècle, particulièrement associée aux noms de Quantz et de Carl Philip Emanuel Bach et selon laquelle la musique devait servir à exprimer les passions et les émotions, à chaque passion ou émotion correspondant une « figure » musicale particulière.
S'y ajoutait notamment la question de savoir, d'une part, si un morceau donné devait se limiter à un seul Affekt (position conservatrice) ou s'il pouvait en opposer plusieurs (démarche typique de Carl Philip Emanuel Bach), et, d'autre part, si la musique instrumentale, en l'absence de paroles, pouvait exprimer, et même « dire » quelque chose de précis. (EMPFINDSAMKEIT.)
affetto
Terme italien souvent utilisé par G.
Caccini (Nuove musiche, 1602, préface) et les musiciens de l'époque baroque ; il possédait un double sens :
1. Un état d'âme.
2. Les embellissements vocaux parfois inspirés par un affetto exprimé dans le texte poétique. Il y a eu certainement confusion entre effetto (effet) et affetto, et le sens des deux mots est assez proche ici. L'affetto est un élément essentiel dans la musique de toute l'époque baroque, et Muovere l'affetto dell'animo représentait le but même de la musique. On trouve de nombreux exemples de jeux de mots donnant libre cours à l'utilisation des affetti en musique, par exemple entre amar (aimer), amaramente (amèrement) et Amarilli (nom de la femme aimée) : « Cruda Amarilli, che col nome ancora d'amar, ahi lasso. Amaramente insegni… » (B. Guarini). Le terme allemand correspondant est Affekt, et, au XVIIIe siècle, se développa l'Affektenlehre, associée en particulier à la musique de Carl Philip Emanuel Bach et selon laquelle une œuvre devait « exprimer » une émotion bien précise.
affettuoso (ital. ; « affectueux »)
Ce terme, surtout utilisé à l'époque baroque et qui a pour équivalent l'expression con affetto, indique l'expression d'un sentiment tendre (ex. : andante affettuoso).
Afrique noire (musique d') .
Malgré la diversité des ethnies et des caractères socioculturels, des traits communs suffisamment importants incitent à élaborer une étude globale de la musique des nombreux peuples d'Afrique noire. Qu'ils appartiennent aux groupes bantou (Afrique sud-équatoriale), nilotique (région du Haut-Nil et du lac Victoria), « soudanais » (nord de l'Équateur : Sénégal, Guinée, Côte-d'Ivoire, Nigeria, etc.), ou qu'ils soient issus de tribus nomades ou semi-nomades (Pygmées, bergers peuls, Bochimans), les Noirs d'Afrique ont des comportements musicaux comparables et des conceptions voisines du rôle de la musique.
Les Africains ne se recommandent pas de systèmes musicaux théoriques, mais leurs traditions sont suffisamment fortes pour avoir survécu à l'islamisation et à la christianisation. Leurs musiques sont conçues comme des expressions collectives dont les professionnels n'ont pas le monopole, comme des systèmes de communication globaux qu'ils ne songent pas à expliquer par l'analyse. Dans la plupart des langues africaines, la hauteur relative des sons est signifiante, de sorte que les instruments peuvent non seulement accentuer la « musique » du discours, mais en imiter les rythmes et les « tons ». Le « langage » d'un tambour d'aisselle, d'une cithare-mvet, d'un arc-en-bouche ou d'une vièle haoussa n'est pas un code : c'est une langue usuelle, directement intelligible. Chaque instrument reflète la culture et la personnalité du musicien qui en joue et qui en est généralement le luthier. Loin de chercher le timbre pur et clair par des raffinements de facture, on s'ingéniera à brouiller le son, à l'enrichir de bruits qui accentueront sa singularité : pièces métalliques vibrant avec les cordes des luths ou les lames des sanzas, mirlitons adaptés aux caisses et aux résonateurs en calebasse, sonnailles fixées aux poignets des musiciens ou au pourtour des tambours. Les voix, elles-mêmes, sont rarement claires et pures, surtout chez les professionnels : oreilles bouchées, nez bouché, vibration de la langue, mirlitons sont des artifices fréquemment utilisés pour transformer la voix.
La musique africaine fait souvent appel à une polyphonie simple, consciente, mais sans règle à priori : tierces parallèles (ou quintes dans les régions orientales), imitation canonique rudimentaire, ostinato. Il est peu probable que cette polyphonie, qui apparaît surtout dans les régions de forêts très éloignées du littoral, ait été introduite par les colons et les missionnaires européens. Elle fortifie plutôt l'hypothèse de traditions polyphoniques primitives, qui pourraient avoir précédé, dans différentes civilisations, le développement d'une musique savante monodique. Ce que nous appelons « avènement de la polyphonie » n'a sans doute été que la notation et l'adaptation systématique à la musique savante occidentale de vieilles pratiques populaires, considérées antérieurement comme impures. La polyphonie africaine ne ressortit pas à une technique comparable à notre contrepoint. Elle est naturelle et s'explique en considérant que, statistiquement, la différence (hétérophonie) est plus probable que la similitude (homophonie). La polyrythmie très fréquente peut s'expliquer de la même manière. Les tambours sont différents et l'ensemble indissociable que forme chacun, dans la conception africaine avec les muscles du tambourinaire, reflète nécessairement une personnalité singulière.
Bien que tout le monde ou presque soit musicien en Afrique, il existe une caste de musiciens professionnels : les griots. Philosophes, conteurs, sorciers, historiens, ménestrels, ils sont de toutes les fêtes, rendent d'innombrables services, flattent et conseillent les riches et les puissants, dont ils savent exploiter les ressources à leur profit.
En Afrique, on ne se réfère pas à une échelle fondamentale fixée par la théorie. Les instruments d'une même famille sont accordés les uns sur les autres, selon des règles traditionnelles qui varient d'une région à l'autre et parfois, dans une même région, d'une famille d'instruments à l'autre. Au milieu de la diversité des accords et, par conséquent, des échelles usuelles, on observe souvent des gammes pentatoniques du type do, ré, fa, sol, la, ou des gammes diatoniques fondées sur la série des harmoniques (y compris les harmoniques 7, 11, 13), par imitation des sons naturels de la trompe en défense d'éléphant (sur laquelle les plus habiles parviennent à donner les harmoniques 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12). D'autres gammes diatoniques sont de type « pythagoricien » (cycle des quintes justes) et peuvent ressembler au « phrygien » (octave ré-ré) ou à l'« hypolydien » (octave fa-fa) des Grecs. Certains xylophones malinkés (Afrique occidentale) donnent cinq ou sept intervalles à peu près égaux dans l'octave, offrant une curieuse analogie avec une gamme équiheptatonique des pays thaï et khmer, et avec la gamme équipentatonique indonésienne slendro… Aucune tradition musicale en Afrique noire ne paraît avoir fait usage d'intervalles inférieurs au demi-ton.
Notre découverte de la musique africaine se heurte généralement à deux difficultés. D'une part, l'exploitation commerciale d'un primitivisme folklorique met l'accent sur les étrangetés coutumières, nous cachant l'essentiel d'une culture très riche. D'autre part, le sentimentalisme des intellectuels africains et des ethnologues sacralise l'art nègre traditionnel, au point de condamner toute évolution normale. La transformation de la société africaine, la régression des langues et des cultures autochtones, la diffusion croissante de la musique légère occidentale et de musiques commerciales africaines sont autant de facteurs de dissolution d'une civilisation musicale fertile ; mais, heureusement, des écrivains et des musicologues africains s'efforcent aujourd'hui de la protéger et de la développer. Beaucoup d'Africains pensent que leur musique pourrait survivre hors de l'ancien cadre social, échappant ainsi à une sorte d'apartheid culturel qui l'a trop longtemps isolée.