Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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japonaise (musique) . (suite)

Période antique

Dans le Gagaku, on note avec des idéogrammes la position des doigtés instrumentaux. Par convention, chaque idéogramme correspond à la valeur d'une ronde, qui est l'unité temporelle minimale du Gagaku.

   Le Shômyô possède un système de notation neumatique, appelé Hakase, qui a surtout un rôle mnémotechnique, car il ne sert qu'à visualiser les mouvements des lignes mélodiques. Aussi, le débutant ne peut-il se passer de l'enseignement direct d'un maître.

Période médiévale

C'est la notation neumatique qui a été adoptée durant cette période, où les principales formes musicales ont une structure fluctuante et une technique vocale particulière. Le Kôshiki hérite du système neumatique propre au Shômyô, système qui va exercer une influence sensible sur la notation de la musique de nô. Cette dernière se compose d'une part de neumes placés à droite du texte de nô, et qui se lisent, comme celui-ci, de haut en bas à partir de la droite et en allant vers la gauche. Ces neumes indiquent les notes extrêmes des tétracordes, les mouvements mélodiques et la technique vocale. D'autre part, la notation comporte des dessins, placés en haut de page, au-dessus du texte, et qui schématisent les gestes et les positions de l'acteur principal. La notation du Nô-Kan (« flûte de nô ») est distincte, car ces flûtes n'étant pas accordées au diapason, chaque instrument émet des sons de hauteur différente. Aussi n'écrit-on pas les notes, mais des ronds blancs et noirs indiquent la tablature des doigtés, tandis que les signes du syllabaire servent à marquer la solmisation, ce qui aide à mémoriser les cellules mélodiques et à en déterminer le rythme. Ce système de solmisation était d'ailleurs déjà utilisé dans le Gagaku.

   Quant au Heikyoku, comme il était chanté par des musiciens aveugles, il a seulement été noté au XVIIIe siècle. Et même aujourd'hui, où des exécutants non aveugles commencent à l'interpréter, cette forme musicale reste liée à une tradition orale.

Période moderne

Les notations de cette période manquent d'uniformité. Pour un même instrument, il n'est pas rare de trouver des systèmes de notation qui varient suivant l'école ou le moment. Chaque chef d'école (Iemoto) instituait sa propre notation, pour assurer à la fois la qualité musicale de sa technique et en préserver le secret. On retrouve là l'esprit de clan qu'a développé le système féodal de cette époque.

   Cependant les notations utilisées reposent soit sur un système neumatique, soit sur l'emploi simultané de la tablature et de la solmisation. Ainsi dans le Gidayû ou le Tokiwazu, la partie vocale est notée au moyen de neumes et la partie instrumentale d'accompagnement au Shamisen, ou de solo de Shakuhachi, est transcrite à l'aide de la solmisation et de la tablature de doigtés. La musique de Koto a utilisé la notation déterminée dont on se servait pour le Koto de Gagaku (Gaku-sô). Aussi a-t-on pu noter avec précision des partitions de Koto dès la fin du XVIe siècle.

   Après la restauration de Meiji, la musique occidentale s'est répandue au Japon, encouragée par le nouveau gouvernement. Les musiciens de Gagaku furent les premiers à jouer cette musique, parce qu'ils appartenaient à la classe aristocratique qui venait de reprendre le pouvoir, et surtout parce que le Gagaku, forme déterminée, représente une conception musicale assez proche de celle dont est issue la musique classique de l'Occident, dont l'assimilation a été de la sorte facilitée.

Passé et présent

À travers ce survol historique se détachent trois aspects essentiels de la musique japonaise traditionnelle. Le patrimoine musical japonais est à la fois fidèlement conservé et toujours renouvelé. On est saisi devant cette étonnante capacité d'intégration continue de genres musicaux étrangers, sans préjudice pour la musique autochtone primitive, dont les formes archaïques et médiévales se sont maintenues sans interruption, ni changement important jusqu'à nos jours, à côté de la musique classique ou moderne importée de l'Occident. Sans doute le cloisonnement très poussé qu'impose le système social japonais est-il en bonne partie responsable de la conservation des genres musicaux propres à chaque classe.

   D'autre part, l'alternance de deux systèmes musicaux antagonistes est tout à fait remarquable : aux matériaux sonores indéterminés du système d'origine japonaise s'opposent les matériaux déterminés des systèmes importés de l'étranger. Aujourd'hui encore, une nouvelle alternance se dessine : après avoir adopté la musique occidentale de type déterminé, les compositeurs japonais contemporains reviennent vers les formes traditionnelles indéterminées et tentent de découvrir une nouvelle écriture. Les perspectives qu'ils ouvrent se signalent par leur originalité, à côté des apports de la musique électroacoustique et aléatoire, qui témoignent de l'intérêt croissant des musiciens occidentaux pour les structures musicales de type indéterminé.

   Enfin, les facteurs psychophysiologiques l'emportent, dans la musique japonaise, sur l'intellectualité et l'abstraction mathématique. L'impression sonore, la qualité intrinsèque de chaque son priment, chez la plupart des compositeurs japonais, les recherches ou les postulats théoriques.

Jaques-Dalcroze (Émile)

Compositeur, esthéticien et pédagogue suisse (Vienne 1865 – Genève 1950).

Il fait ses études musicales à Genève, puis à Paris et à Vienne, des études coupées de brèves expériences professionnelles comme pianiste au Chat-Noir et chef d'orchestre à Alger. Professeur d'harmonie au conservatoire de Genève de 1892 à 1910, il composa de nombreuses chansons, des symphonies folkloriques (le Festival vaudois, 1903 ; la Fête de juin, 1914) et 4 opéras, dont Sancho Pança et le Bonhomme Jadis. Mais son nom reste surtout attaché à ses travaux sur la rythmique et l'expression corporelle, qui ont donné une base scientifique à la danse moderne. Il ouvre en 1910 à Dresde un institut, qui, transféré l'année suivante à Hellerau, va former de nombreux disciples. Dès 1920, la méthode dalcrozienne est enseignée dans toute l'Europe et jusqu'aux États-Unis. Elle fait toujours autorité.