Mendelssohn-Bartholdy (Félix) (suite)
À tous égards, un musicien à part
L'homme, exceptionnellement doué, d'une mémoire remarquable, hypersensible, brillant, charmeur, aimant la vie, d'une vaste culture et travailleur acharné, a toujours su allier son goût de la fantaisie et de la liberté avec des règles de vie bourgeoise qui ne semblaient pas lui peser. On le découvre grâce au volumineux courrier échangé avec ses amis (Magnus, Klingemann, Moscheles, etc.) et bien que sa femme Cécile, avant de mourir en 1853, détruisît leur correspondance intime. S'il a fui autant qu'il a pu l'atmosphère empoisonnée du Berlin musical de l'époque et si Paris l'a déçu, il fut partout adulé de son temps, comme compositeur, comme chef d'orchestre, comme pianiste. Ses interprétations des concertos de Beethoven et surtout de Bach et de Mozart ont suscité des commentaires qui sont venus jusqu'à nous. Au pupitre, il électrisait les musiciens d'orchestre auxquels il communiquait l'amour d'œuvres de ses contemporains, mais aussi du passé, oubliées ou méconnues : ce fut à lui essentiellement que l'Allemagne devait de redécouvrir J.-S. Bach, dont il fit revivre l'œuvre. Mais il créa aussi des œuvres nouvelles de ses amis, notamment de Schumann grâce à qui il put donner, après la mort du compositeur, la première audition de la 9e Symphonie de Schubert (22 mars 1839). Cette curiosité, cette ouverture d'esprit alliées à l'amour du passé, au goût du classicisme et du travail bien fait, se retrouvent dans sa propre musique, que son insatisfaction lui faisait éternellement remettre sur le métier ; dans ses vingt années de production on trouve à tout moment la marque du génie à côté d'œuvres médiocres, au demeurant souvent de circonstance. Sa réputation en a injustement souffert : il est encore courant de considérer Mendelssohn comme un musicien mineur, à qui on ne pardonne peut-être pas la facilité matérielle de son existence à toutes les époques. La discutable appellation française des Lieder ohne Worte (« romances sans paroles ») traduit bien la mièvrerie prêtée du même coup à toute sa musique. Pourtant, à côté d'œuvres aussi connues que le Songe d'une nuit d'été, le Concerto pour violon en mi mineur ou ses Symphonies italienne et écossaise, bien d'autres pages sont du plus haut niveau, et certaines annoncent Brahms. Nul doute que le temps viendra où des œuvres comme l'Octuor op. 20, les Quatuors op. 12, 13, 40, 80, le Quintette op. 87, les Variations concertantes pour violoncelle et piano op. 17, une vingtaine de lieder, etc., retrouveront la place qu'elles méritent dans la faveur du public. L'inspiration profondément originale, l'aisance de la technique, le raffinement de l'écriture (et de l'orchestration), la variété de la production font incontestablement de Mendelssohn l'un des grands compositeurs romantiques, dont la culture germanique a su puiser en Italie et surtout en Angleterre (sa seconde patrie) des adjuvants précieux.