Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
V

Verlaine (Paul)

Poète français (Metz 1844 – Paris 1896).

En tête de son Art poétique publié dans Jadis et Naguère (1884), Verlaine réclame de « la musique avant toute chose ». À la couleur, il préfère la nuance qui, seule, « fiance le rêve au rêve et la flûte au cor ». Proscrivant l'éloquence et la rime indiscrète, il oppose à l'esthétique parnassienne sa propre aspiration à la musicalité, affirmée par les titres de ses recueils, la Bonne Chanson (1870), Romances sans paroles (1874), et, déjà, merveilleusement exaucée par certains des Poèmes saturniens (1866) et par les Fêtes galantes (1869). En 1864, Verlaine fait la connaissance d'Emmanuel Chabrier qu'il trouve « gai comme les pinsons et mélodieux comme les rossignols ». Pour Chabrier, entre 1864 et 1869, il ébauche deux livrets d'opéra bouffe : Fisch-ton-Khan et Vaucochard-et-Fils Ie, dont quelques fragments ont été retrouvés et joués en 1941. Admirateur de Wagner dès 1866, Verlaine collabore en 1886 à la Revue wagnérienne (deux sonnets : À Louis II de Bavière, Parsifal). Son beau-frère, Charles de Sivry, était compositeur. Sa belle-mère, Mme Mauté, qui se prétendait élève de Chopin, a donné des leçons de piano au jeune Claude Debussy. Le poète n'a eu personnellement avec la musique et les musiciens que des relations épisodiques, mais ses vers, d'une sonorité si délicate, si rare, sa vision subtile, son art raffiné ont exercé une extraordinaire attraction sur deux des plus grands musiciens de son temps, Gabriel Fauré et Claude Debussy. Ils étaient très différents. Mais à l'un comme à l'autre Verlaine apportait une poésie qui était déjà une musique. Entre cette musique et la leur existaient de réelles affinités. De cette rencontre, sont nés quelques-uns des chefs-d'œuvre de la mélodie française : Clair de lune (1887), Cinq Mélodies op.54 (1891) et la Bonne Chanson (1894) de Gabriel Fauré, les Ariettes oubliées (1888) et les deux recueils des Fêtes galantes (1891-1904) de Claude Debussy.

Verlet (Blandine)

Claveciniste française (Paris 1942).

Au Conservatoire de Paris, elle obtient un 1er Prix de clavecin en 1963 (classe de Marcelle Delacour) et, la même année, le prix spécial du Concours international de Munich. Elle se perfectionne ensuite auprès d'Huguette Dreyfus, Ruggero Gerlin et Ralph Kirkpatrick, tout en développant une carrière de soliste et en réalisant de nombreux enregistrements. Outre le répertoire baroque de clavecin, elle s'intéresse aussi aux œuvres contemporaines, interprétant par exemple des pièces de Ligeti et de Boucourechliev. Parallèlement au récital, elle se produit aussi en formation d'ensemble, qu'elle dirige de son clavecin, et enseigne à l'Académie de musique ancienne de Semur-en-Auxois et au Conservatoire de Bordeaux.

Vermeulen (Matthijs)

Compositeur néerlandais (Helmond 1888 – Laren 1967).

Autodidacte, il ne fut encouragé que par Diepenbrock et Daniel de Lange qui lui révèlent, par ailleurs, Wagner et, plus tard, Schönberg. Ses premières symphonies, atonales et polymélodiques, se heurtèrent à l'incompréhension et à l'hostilité des chefs d'orchestre. De dépit, il se fixa en France pendant vingt-cinq ans. Critique musical passionné et impulsif, il exerça néanmoins une action stimulante sur la renaissance de la conscience musicale de son pays. Ses dernières œuvres, écrites après la guerre, comportent des sous-titres qui sont autant de programmes en marge de l'actualité (les Victoires, Les lendemains qui chantent, les Minutes heureuses). En dehors de ses 7 symphonies, il n'a écrit que quelques pièces de musique de chambre, quelques mélodies et la musique de scène pour le Hollandais volant de Nijhoff. Il est l'auteur de plusieurs traités (2 Musiques, Sound Board, Principes de la musique européenne, la Musique, un miracle, etc.). Il fut, avec Willem Pijper, le plus important compositeur néerlandais de sa génération.

Verrot (Pascal)

Chef d'orchestre français (Lyon 1959).

Il étudie à la Sorbonne, et devient l'élève de Jean-Sébastien Béreau au Conservatoire de Paris. Il se perfectionne à Sienne avec Franco Ferrara. En 1985, il est lauréat du Prix de Tokyo, et Seiji Ozawa l'engage comme assistant à Boston de 1986 à 1990. Il y dirige l'orchestre d'élèves du New England Conservatory. En 1987, il débute à l'Opéra de Lyon dans la Chauve-Souris de Johann Strauss, et, l'année suivante, il dirige l'Orchestre de Paris. En 1991, il prend la tête de l'Orchestre symphonique de Québec. Il est régulièrement invité au Japon et aux États-Unis, ainsi que par les orchestres français.

Versailles (cour de) .

Les liens traditionnels de l'institution monarchique et de la musique, renforcés par le goût personnel des souverains, ont durant cent ans fait de Versailles, modeste pavillon de chasse à l'origine, l'un des principaux centres musicaux de l'Europe. La musique n'y a sans doute guère eu de place sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII ­ même si ce dernier, aussi mélomane que grand chasseur, a su parfois mêler ses deux divertissements favoris, comme dans le Ballet de la merlaison (chasse au merle), dont il composa, dit-on, la musique. C'est Louis XIV qui, avec les Plaisirs de l'île enchantée (1664), inaugure la série des grandes fêtes royales qui vont donner au château son premier statut musical : centre périodique des principaux divertissements de la Cour (fête de 1668, fête de 1674…). À ce premier Versailles (1664-1682) sont ainsi liées quantité d'œuvres, la plupart de Lully (la Princesse d'Élide, 1664 ; Georges Dandin, le Grand Divertissement, 1668 ; Alceste et les Fêtes de l'Amour et de Bacchus, 1674).

   En 1682, Louis XIV prend la décision de fixer la Cour à Versailles de manière permanente. Dès lors, les structures musicales de la monarchie se fixent à Versailles et, sous l'impulsion de ce roi passionné de musique et de danse, se développent.

Les institutions

Ce sont essentiellement :

La Chapelle

Dirigée par 4 sous-maîtres se succédant trimestriellement (le titre de maître est réservé, honorifiquement, à un prélat), la musique de la chapelle compte plus de 80 chanteurs et musiciens vers 1700 ; recrutés par concours, les 4 sous-maîtres sont, à partir de 1683, Minoret, Coupillet, Collasse et Delalande ; ce dernier accaparera peu à peu tous les postes. Les 4 organistes se succèdent également « par quartier » ; parmi eux, à partir de 1693, François Couperin. La musique composée pour la Chapelle consiste essentiellement en motets : grands motets pour double chœur et symphonie, petits motets à une, deux ou trois voix.

La Chambre

La musique de la Chambre, dirigée par 2 surintendants trimestriels (dont Lully, 1662-1687 ; Delalande, 1689-1726), se compose d'un petit nombre de musiciens d'élite (8 chanteurs, 1 claveciniste, 3 luths et 1 théorbe, 4 flûtistes et 4 violons), des « 24 violons » chargés principalement de la musique des ballets, et des « petits violons », dont le statut n'est pas clair. La musique de la chambre accompagne les ballets, les divertissements périodiques, la musique de table ou du coucher, les petits concerts du soir, du dimanche après-midi, etc.

L'Écurie

Elle se compose des instruments de plein air : 12 trompettes, 6 hautbois, 6 hautbois de Poitou, fifres et tambours, ainsi que de la bande des 12 « grands hautbois ». Ces instruments prêtent leur concours à la Chambre et à la Chapelle.Ces institutions évolueront peu jusqu'à la Révolution, à l'exception de la refonte qui, en 1761, regroupera la Chapelle et la Chambre.

Les œuvres

Versailles a exercé un effet d'attraction sur un grand nombre de compositeurs, et les moyens financiers dont disposaient les institutions musicales, autant que la qualité des œuvres composées pour la Cour, lui ont assuré un rayonnement très grand sur le reste du royaume. Cela est vrai en particulier de la musique de la Chapelle. Le grand motet versaillais (créé, avant Versailles, par Robert, Du Mont et Lully, et développé en particulier par Delalande, puis par Campra) a servi de modèle à l'essentiel de la musique sacrée française jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Leopold Mozart, en 1763, témoigne encore de la perfection de cette musique et de son exécution. La musique de ballet, si importante au XVIIe siècle, s'efface un peu lors de l'installation de la Cour à Versailles : il faut attendre la Régence et le règne de Louis XV pour voir quelques œuvres importantes, telles que le Ballet de la jeunesse de Delalande. Il en est de même à l'opéra. Après la création à Versailles de Phaéton (1683) et de Roland (1685) de Lully, Louis XIV se désintéressant de l'opéra, les grandes œuvres lyriques seront créées à Paris, sauf exception correspondant à un divertissement particulier ou à une célébration (la Princesse de Navarre de Rameau, 1745, mariage du Dauphin). En revanche, la musique de chambre a eu, tout au long du séjour de la monarchie à Versailles, une importance très grande. Louis XIV faisait venir son guitariste Robert de Visée à peu près chaque soir ; chaque dimanche avait lieu un concert de chambre, pour lequel François Couperin, entre autres, composa les Concerts royaux et les Goûts réunis. Les jours de fête, maints concerts avaient lieu au souper, au coucher, etc.

   Le goût versaillais, mélange de noblesse et d'élégance, ainsi que les formes particulières de la musique française (ouverture, suite de danses) ont marqué l'Europe de la fin du XVIIe et du premier tiers du XVIIIe siècle, en particulier l'Allemagne et l'Angleterre. Centre moteur de la vie musicale française jusqu'en 1715, l'influence de Versailles est (sauf pour la musique sacrée) concurrencée par celle de « la ville » à partir de la Régence. Elle reste néanmoins forte jusque vers les années 1760-1770, lorsqu'un mouvement parti d'Allemagne et d'Autriche, accentué par l'avènement de Marie-Antoinette, marquera fortement la musique française dans son ensemble.