Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Piero di Cosimo (Piero di Lorenzo, dit)

Peintre italien (Florence 1461/1462  – id. 1521).

À dix-huit ans, Piero travaille chez Cosimo Rosselli, dont il prend le nom, et, en 1481-82, il suit à Rome son maître, qui va exécuter des fresques à la chapelle Sixtine. Revenu à Florence, il y vivra jusqu'à sa mort, advenue, suivant Vasari, en 1521. Peu d'autres informations sur sa vie ressortent des rares documents jusqu'ici retrouvés, dont aucun ne se réfère à ses œuvres. D'autre part, aucun de ses tableaux n'est daté ou signé (la signature et la date du retable de Fiesole sont des faux du XIXe s.). Seules, donc, les rares œuvres rappelées par Vasari — dont certaines perdues et d'autres difficiles à identifier avec certitude — ont permis aux historiens de la seconde moitié du XIXe s. de commencer à recueillir de nouvelles attributions, à rouvrir une enquête critique et à rendre à ce peintre la personnalité qui, dès la fin du XVIIe s., lui avait été niée en raison justement de sa force inventive et de ses conceptions anticlassiques.

   On attribue généralement à Piero di Cosimo une cinquantaine de tableaux, dont une dizaine destinée à des autels ; le reste comporte des tableaux de dévotion pour la clientèle privée ou des " cassoni " et des dossiers de banquettes ou de lits pour des palais florentins ainsi que des portraits (Simonetta Vespucci, Chantilly, musée Condé). L'œuvre de Piero di Cosimo reflète le chemin parcouru par la peinture florentine entre le quattrocento et le cinquecento : de l'empreinte de Filippino Lippi, sensible dans certaines œuvres de jeunesse datables même des environs de 1480 (Retable de l'église de Montevettolini, la Vierge à l'Enfant des collections royales de Suède à Stockholm), à la mise en page solide, à la Ghirlandaio, du Retable de Saint Louis, de l'influence précoce du naturalisme de Van der Goes (la Visitation, Washington, N. G.) aux rappels de Signorelli (Scènes mythologiques : Feu de forêt, Oxford, Ashmolean Museum, et 2 Scènes de chasse, Metropolitan Museum). À la fin du siècle se font jour les contacts avec Léonard de Vinci (mais dans le domaine de la couleur seulement, comme dans l'Immaculée Conception Tedaldi, maintenant aux Offices) et l'influence du classicisme de Fra Bartolomeo (élève, lui aussi, de Rosselli), comme dans la Sainte Madeleine (Rome, G. N., Gal. Barberini) et encore dans l'Immaculée Conception Tedaldi. Dans les tableaux religieux commandés par la clientèle privée vers cette époque, dans la disposition des personnages sacrés sur des fonds de paysages de plus en plus amples et ouverts transparaît l'influence du jeune Raphaël. Dans ses dernières années, Piero se rallie au courant néo-léonardesque, en vogue chez les jeunes maîtres nés vers la fin du XVe s., et plus spécialement à l'art d'Andrea del Sarto, son ancien élève (par exemple la Madone du musée de Tulsa [coll. Kress] ou la Sainte Famille de la coll. Cini à Venise).

   L'accusation d'éclectisme que pourraient susciter ces multiples influences n'a cependant pas de raison d'être, car Piero di Cosimo réélabore avec une fantaisie brillante et très originale les suggestions que lui propose son milieu. Le dénominateur commun de ces œuvres, d'inspiration pourtant si variée, est le goût de l'artiste pour les données naturelles, que révèle une observation attentive des phénomènes lumineux et une interprétation réaliste, antiacadémique, du fait sacré ou profane (retable avec le Mariage de sainte Catherine et plusieurs saints, Florence, hôpital des Innocents ; la Vierge au pigeon, Louvre). Et surtout Piero di Cosimo introduit dans le tableau profane un esprit tour à tour fantaisiste, élégiaque, bouffon ou pathétique (il participa en 1511 à un carnaval de la Mort) que l'on ne trouve chez aucun des peintres florentins contemporains : Scènes mythologiques d'Oxford et de New York ; Mort de Procris, Londres, N. G. ; Vénus et Mars, musées de Berlin ; Hylas et les nymphes, Hartford, Wadsworth Atheneum ; le Combat des centaures et des Lapithes, Londres, N. G. ; Scène bacchique de Cambridge, Fogg Art Museum, et son pendant la Découverte du miel, Worcester Art Museum. Vasari, qui avait dans sa collection Vénus et Mars (musées de Berlin), a laissé dans les Vite une biographie du peintre, qui compte parmi les plus vives et les plus attachantes de l'écrivain.

Pierre (Jean-Baptiste Marie)

Peintre français (Paris 1714  – id.  1789).

Élève de Natoire, il obtint le premier prix de l'Académie en 1734 et arriva à Rome en 1735, où il devait étudier pendant cinq ans la peinture italienne sous les directorats avisés de Vleughels et de J.-F. de Troy. Agréé en 1741, il allait être reçu à l'Académie l'année suivante avec son Diomède tué par Hercule et mangé par ses propres chevaux (musée de Montpellier), où il apparaît parfaitement maître de son style. Il gravit tous les échelons de la carrière officielle de peintre d'histoire, devenant en 1770 directeur de l'Académie et, à la mort de Boucher, la même année, premier peintre du roi. Sous d'Angiviller, il est le tout-puissant maître des arts, imposant sans ménagement ses conceptions artistiques. Il est cause de l'éloignement de Chardin de toute fonction officielle et des encouragements quasi exclusifs donnés officiellement à la peinture d'histoire.

   Pierre fut un peintre de premier plan : ses tableaux religieux (Décollation de saint Jean-Baptiste, 1761, musée d'Avignon ; Martyre de saint Étienne, 1745, musée de Marseille), ou mythologiques (Enlèvement d'Europe, 1750, Dallas Museum of Art ; Mercure amoureux de Hersé, 1763, Louvre), ses décorations (Paris, église Saint-Roch), ses paysages (Louvre), ses scènes de genre (la Leçon de grand-mère, 1741, musée d'Auxerre, ou le Retour du marché, musée de Dijon), ses dessins (Stockholm, Nm, et Copenhague, S. M. f. K.) ses brillantes esquisses sont élégants et gracieux. Sa composition, intelligemment articulée, sa couleur, claire et volontairement plate, marquent, par rapport aux artistes de la génération précédente, un net souci de sobriété et de retenue.