Stefano Fiorentino
Peintre italien (Florence, première moitié du XIVe s.).
On doit à R. Longhi la reconstitution de la personnalité de " Stefano ", longtemps confondue avec celles de Maso et de Giottino. Dans une brillante démonstration (1951), qu'aucun apport critique substantiel n'est venu enrichir depuis sa publication, l'historien a en effet défini les caractéristiques de ce peintre exceptionnel, difficile à cerner du point de vue historique et artistique et dont l'influence a été déterminante non seulement pour le trecento, mais aussi pour toute la peinture en général. Dans les Vite, l'interprétation du morceau où Vasari définit la manière de Stefano " douce et unie " a permis de réunir sous une appellation commune tout un groupe d'œuvres de qualité très élevée. De ce groupe se détachent les fresques d'Assise, qui confirment clairement l'exactitude de la reconstitution historique : la Crucifixion, dans la salle capitulaire du couvent de S. Francesco, le Couronnement de la Vierge et deux Histoires de saint Stanislas dans la basilique inférieure, la Vierge et des saints dans l'église S. Chiara, la Crucifixion et l'Annonciation au couvent de S. Giuseppe, et des œuvres conservées au musée. Bien que dérivant de l'art de Giotto (on a même proposé récemment de le confondre avec le " Parente di Giotto "), ces fresques en diffèrent par un sentiment plus chaud, par une tendresse intense, une ardeur émouvante ; elles montrent des résultats exceptionnels de diffusion de la lumière, de dégradé subtil des couleurs qui fondent les éléments de la scène dans une atmosphère certes inattendue en ces temps de fonds abstraits, codifiés et imposés par des limites morales. Et cela a lieu vers 1335. C'est cette très haute qualité de facture aux empâtements riches et lumineux, c'est ce rapport entre les personnages et le fond (ce fond qui pour un peu serait abstrait puisque la profondeur n'est suggérée qu'à force d'air et de lumière), c'est cette facilité à rendre l'aspect varié et toujours vrai d'une humanité profondément ressentie qui imposent la comparaison avec les grands maîtres du futur : les Masaccio, Van Eyck, Giorgione, Titien, Renoir. Le rôle de Stefano dans la peinture du trecento est en effet fondamental. Il représente l'alternative des deux orientations essentielles des deux capitales de l'art trécentesque : Florence-dessin, Sienne-couleur. Preuve évidente que les critères de convenance ont souvent besoin d'exceptions. C'est en tout cas cette ligne, celle de Maso di Banco avant la lettre, qui, durant toute la fin du trecento, apportera les seuls fruits authentiques avec les personnalités de Giottino, de Giovanni da Milano, de Giusto de' Menabuoi, car Florence est dès lors embourbée dans l'académisme stérile des Orcagna.
Steinbach (Haim)
Artiste américain (Israël 1944).
En 1975, Haim Steinbach abandonne la peinture à l'aérosol pour le panneau de contreplaqué recouvert de linoléum afin de légitimer la lecture de l'objet d'art comme non différenciable des autres objets. C'est en 1978 que le shopping devient la base de son activité créatrice en forme de " cash and carry ". Dans un premier temps, Steinbach utilise des étagères rustiques sur lesquelles il pose les marchandises ayant excité sa convoitise (paquets d'Ajax, animaux empaillés, Frisbee...). Ainsi, à l'Artists Space de New York, en 1979, il recouvre les murs de papier peint et y fixe ses étagères. À partir de 1984, Steinbach radicalise le rapport des objets à leurs supports, conçus désormais comme une dérivation ménagère de l'art minimal : ce sont des " containers " ou des étagères de contreplaqué recouverts de Formica coloré et laissant voir sur un ou deux côtés ouverts les différentes strates de fabrication. Le fait d'aligner des objets allant de l'élégant au vulgaire, de l'élitisme au kitsch, de l'opaque au brillant, sur une base conçue comme élément générique et constant permet à Steinbach de canaliser l'attention sur les différences entre les produits en présence (One Minute Manager n° 8, 1989-90). Chez Steinbach, l'objet devient un signifiant, témoignage d'une époque au même titre qu'un tesson archéologique, exprimant un mode de vie et de représentation (Sans titre [un landau et six appareils photographiques sur un socle], 1988, F. N. A. C.). Théâtralisant son travail, il adopte en 1988 de grands cabinets de bois, cadres d'associations d'objets " meubles " : Untitled (pottychair, schoolbench) [1988]. L'œuvre de Steinbach, brouillant les registres du fonctionnel, du décoratif et de l'artistique, a été exposé en 1988-89 au C. A. P. C. de Bordeaux, en 1990-91 au M. N. A. M. dans le cadre de l'exposition " Art et publicité ", en 1991 à la gal. Yvon Lambert à Paris, et en 1996 à Winnipeg, Canada, Winnipeg Art Gallery.
Steinberg (Saul)
Peintre et dessinateur américain d'origine roumaine (Rîmnicu Sarat 1914-New York 1999).
Après des études à l'École d'architecture de Milan, il se rend en 1941 aux États-Unis, puis participe à la Seconde Guerre mondiale sur les fronts allemand, français et japonais. De ces " voyages forcés ", il tire un premier recueil de dessins, All in Line (1945), qui lui vaut d'emblée la plus grande célébrité. Depuis, il publie régulièrement dans les magazines Flair, Vogue et Harper's Bazaar des dessins qu'il regroupe ensuite en albums, dont The Labyrinth (1960) reste le plus populaire. " Peut-être n'existe-t-il aucun autre artiste vivant qui connaisse mieux la philosophie de la représentation " (E. Gombrich). Réelle et pourtant illusoire, la ligne de Steinberg engendre un trop-plein de sens en même temps qu'elle vide les choses de leur sens : c'est ainsi que, de page en page, une même ligne devient successivement corde à linge, bord de table, pont de chemin de fer. Jamais de légende à ces dessins où les mots et les objets ont la même valeur, parfois la même fonction : élucubrations des personnages matérialisées en gribouillis, constructions fantastiques ou fioritures grotesques, ou encore mots-personnages, Steinberg multiplie les transgressions aux lois du genre. Parfois, pour tromper son public — et sans doute lui-même aussi —, l'artiste peint sur papier ou sur toile, à la gouache, à l'aquarelle ou à l'huile, de petites compositions aux couleurs ternes où la graphie, toujours présente sous forme de vastes signatures énigmatiques, de faux ou de vrais tampons et de lignes de mots indéchiffrables, semble tourner en dérision l'acte même de peindre (Louse Point, 1969 ; Biography 69, 1969). Son œuvre est bien représenté dans les musées américains et européens (dont le collage Album, 1969, qui appartient au M. N. A. M. de Paris). De nombreuses rétrospectives lui ont été consacrées, en particulier en 1977 au Whitney Museum de New York.