Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Mathieu (Georges)

Peintre français (Boulogne-sur-Mer 1921).

Il étudie le droit et la philosophie, obtient une licence d'anglais et commence à peindre en 1942. La lecture d'un ouvrage d'Edward Crankshaw, Conrad's Craftmanship, le détermine en 1944, dit-il, à " entrer en non-figuration, non par des chemins formels, mais par la voie spirituelle ". Lorsqu'il s'installe à Paris en 1947, Mathieu a déjà réalisé des peintures abstraites d'expression lyrique informelle (Évanescence, 1945) qui lui permettent aussitôt de prendre position (aux côtés notamment d'Atlan, de Hartung, de Wols, de Bryen) contre l'Abstraction géométrique, qui proliférait au même moment, et il prend l'initiative des premières manifestations de la nouvelle tendance de l'Abstraction lyrique. Dès 1949, il participe à plusieurs expositions de groupes à Paris, à la gal. René Drouin, qui présente sa première exposition particulière en 1950. L'année suivante, il organise avec le critique Michel Tapié un premier rassemblement international des principaux abstraits lyriques sous le titre de " Véhémences confrontées " à la gal. Nina Dausset, qui sera suivi par deux expositions des " Signifiants de l'informel ", présentées par Tapié au studio Paul Facchetti, où Mathieu expose en 1952 ses premières peintures historiques (Hommage au maréchal de Turenne, 1952). À partir de 1954, c'est surtout à la gal. Rive droite, dont Michel Tapié est le conseiller, que Mathieu fera ses principales expositions à Paris (en 1954, les Capétiens partout [Paris, M. N. A. M.] ; en 1956, présentation du Couronnement de Charlemagne ; gouaches et dessins en 1958). Il exposera aussi à la gal. Kléber en 1957 (Cérémonies commémoratives de la deuxième condamnation de Siger de Brabant) et à la gal. internationale d'Art contemporain, où il présentera 8 toiles monumentales en 1959 ainsi que des œuvres sur le thème De quelques pompes et supplices sous l'ancienne France en 1960. Il est, de bonne heure, introduit à New York (gal. Kootz, 1954) et poursuit une carrière internationale. Le M. A. M. de la Ville de Paris lui consacre une rétrospective en 1963, et, en 1965, la gal. Charpentier réunit 140 peintures, toutes exécutées au cours de l'année précédente. Déjà, v. 1948-49, Mathieu avait su dégager de ses débuts impulsifs la démarche gestuelle d'une expression calligraphique explosive. Les caractères de sa peinture sont, pour lui-même, en même temps que " l'absence de préméditation ni des formes ni des gestes, la nécessité d'un état second de concentration et la primauté accordée à la vitesse d'exécution ". Ces conditions permettent à l'artiste de réaliser en public des œuvres de très grandes dimensions dans un temps record (par exemple une peinture de douze mètres sur quatre réalisée en vingt minutes sur la scène du théâtre Sarah-Bernhardt en 1956). Il a publié en 1963, sous le titre d'Au-delà du Tachisme, une étude historique de l'évolution de la peinture occidentale entre 1944 et 1962, dans laquelle il fait preuve d'une rare probité intellectuelle en dépit d'une certaine virulence polémique. À partir de 1966, il se consacra plus particulièrement aux arts décoratifs : affiches d'Air France (1967), cartons de tapisserie pour les Gobelins (1968-69), assiettes de Sèvres (1968), médailles (1971), sigle de la chaîne de télévision Antenne 2 (1974), pièce de 10 francs (id.). En 1976, il fut élu membre de l'Académie des beaux-arts. Des expositions ont réuni au Grand Palais (Paris, 1978) et au Palais des Papes (Avignon, 1985) de nombreuses œuvres.

Matisse (Henri)

Peintre français (Le Cateau-Cambrésis, Nord, 1869  – Nice 1954).

Naissance d'une vocation

Fils d'un marchand de grain et destiné à lui succéder à la tête de son commerce, il fait ses études secondaires au collège de Saint-Quentin et suit les cours de la faculté de droit de Paris (1887-88). Clerc d'avoué dans une étude de Saint-Quentin (1889), il commence à peindre en 1890 (copies de chromos), au cours de la convalescence consécutive à une opération de l'appendicite. Il veut alors se consacrer davantage à la peinture, fréquente d'abord l'école Quentin-Latour, puis revient à Paris en 1892. Il s'inscrit à l'académie Julian pour préparer le concours d'entrée aux Beaux-Arts et suit les cours du soir de l'École des arts décoratifs, où il fait la connaissance d'Albert Marquet. Gustave Moreau le remarque alors qu'il est en train de dessiner et lui donne accès à son atelier (mars 1895) en le dispensant du concours d'entrée. Bénéfique, l'enseignement de Moreau (l'interprétation libre des maîtres anciens y tient une large place) aide Matisse à affirmer sa personnalité, et celui-ci entre en relation avec Rouault, Camoin, Manguin et le peintre belge Evenepoel.

   Ses premiers tableaux évoquent l'atmosphère feutrée et l'objectivité poétique des portraits de Corot (la Liseuse, 1895, Paris, M. N. A. M.), mais la fermeté de la composition révèle déjà une constante de son art. En 1896, il passe l'été à Belle-Île, en compagnie d'Émile Wéry, son voisin de palier, et il y rencontre l'Australien John Russel. Ami de Rodin, collectionneur d'œuvres d'Émile Bernard et de Van Gogh, Russel avait travaillé dix ans auparavant avec ce dernier et offrit à Matisse deux dessins de Vincent. Grâce à ces nouveaux contacts, le style de Matisse acquiert plus d'aisance et la palette s'éclaircit, d'abord prudemment (le Tisserand breton, 1896, Paris, M. N. A. M. ); la Desserte, 1897, coll. Niarchos, sur un thème de Chardin qu'il reprendra plus tard, présente une riche orchestration de couleurs, mais l'emphase décorative trahit sans doute encore l'influence de Gustave Moreau.

   Russel lui fait connaître Rodin (dont il s'inspirera peu après dans ses premières sculptures, d'une plasticité saine et expressive) ainsi que Camille Pissarro (qui lui montre les dangers de l'emploi excessif du blanc, défaut sensible dans la Desserte).

Avant le Fauvisme

En 1898, l'artiste se marie, fait un court séjour à Londres pour y contempler Turner et part pour la Corse : c'est le premier contact de Matisse avec un site méditerranéen et avec une lumière crue qui le conduit à monter sa palette. Les nombreuses études de paysages qu'il exécute dénotent une facture large, d'un Impressionnisme qui paraît vivifié par la leçon de Van Gogh (l'Arbre, 1898, musée de Bordeaux). D'août 1898 à février 1899, il est à Toulouse. Il y peint surtout des natures mortes qui portent la marque d'une influence divisionniste (Première nature morte orange, M. N. A. M., 1899), sans doute à la suite de la lecture de l'essai de Signac De Delacroix au Néo-Impressionnisme, publié dans la Revue blanche. Il quitte les Beaux-Arts après la mort de Moreau et s'installe en février 1899 au numéro 19 du quai Saint-Michel, son domicile jusqu'en 1907. En compagnie de Marquet, suivant les conseils de leur maître, ils alternent les études d'après nature (à Arcueil, au Luxembourg) et les interprétations d'œuvres anciennes. Un " préfauvisme " somptueux voit le jour à partir de 1899 à la faveur de natures mortes aux tons profonds — saturés — de bleus cobalt, de verts émeraude et d'oranges, de violets pourpres, à la faveur également d'anatomies féminines ou masculines exécutées notamment dans un petit atelier de la rue de Rennes où Eugène Carrière venait corriger et que fréquentaient Derain, Laprade, Puy, Chabaud. Ces études puissamment construites, où les masses sont simplifiées plastiquement, se ressentent des cours de modelage que le peintre suivait alors et étonnent ses compagnons par la hardiesse des raccourcis comme par la franchise des accords colorés (Nu à l'atelier, Londres, Tate Gal.). Malgré la modicité de ses moyens financiers, Matisse achète des estampes et des crépons japonais, un plâtre de Rodin et, chez Vollard, une étude de Baigneuses de Cézanne (Paris, Petit Palais), ainsi qu'une Tête de garçon de Gauguin : au moment où sa facture se distingue par son originalité, il a déjà pris connaissance de l'œuvre des novateurs de la fin du XIXe s. Il est pourtant contraint de travailler avec Marquet à la décoration du Grand Palais pour l'Exposition universelle de 1900, tan dis que sa femme tient une boutique de modes. En 1901, il expose au Salon des indépendants, et, la même année, à la rétrospective Van Gogh chez Bernheim-Jeune, Derain lui présente Vlaminck ; le Fauvisme prend ainsi peu à peu conscience de ses moyens et justifie ses origines. Mais c'est pourtant une période plus austère (à laquelle la pratique de la sculpture sous le signe de Rodin et de Barye n'est pas étrangère) qui prend place de 1901 à 1903 env. : la première période néo-impressionniste cesse, le coloris baisse d'un ton ; les surfaces, rigoureusement conçues en fonction du rectangle du tableau, obéissent à un rythme quelque peu cézannien (Notre-Dame en fin d'après-midi, 1902, Buffalo, Albright-Knox Art Gal.).